PolitiqueME Kassoum TAPO, président du MOREMA : « Parmi ceux qui nous dirigent, certains avaient dit que les autorités étaient illégitimes et illégales »
Me Kassoum Tapo s’est prononcé sur l’actualité sociopolitique qui secoue notre pays. En intervenant sur le plateau de Djoliba TV, l’avocat et l’ancien ministre de la Justice n’a pas trouvé les propos du chef de la diplomatie française, Jean Yves Le Drian injurieux vis-à-vis du Mali. Selon lui, c’est une“analyse politique, ce n’est pas une insulte’’.Il a également dénoncé la fermeture des frontières par principe de réciprocité en réponse aux sanctions de la CEDEAO contre le Mali. Il a lancé un appel aux militaires à se “décharger de la chose politique’’ et rejoindre le front où ils peuvent mieux apporter.
Le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la France a qualifié la semaine dernière les autorités maliennes d’“ illégitimes’’ qui prennent des “décisions irresponsables’’ par rapport au renvoi des troupes danoises. Des propos qui ont occasionné l’escalade des tensions entre Bamako et Paris avec l’expulsion de l’ambassadeur Français, Joël Meyer en poste au Mali.
Interrogé sur le sujet, Me Tapo a estimé que le chef de la diplomatie française n’était pas le premier à tenir ces genres de propos. “Vous vous souvenez, les gens qui ont dit que le CNT (Conseil national de la transition) était illégal et illégitime et qui ont même fait un procès pour ça ?’’, a interrogé l’avocat.
Il a ajouté que ces mêmes personnes ont également affirmé que le gouvernement, à l’époque, était composé de 20 personnes sur 25 des militaires et que le Premier ministre avait été désigné par les militaires. Ces propos, souligne Me Tapo, ont été repris dans un discours en langue Bamabara sans litote.
Selon lui, si un Français tient ces genres de propos, c’est une analyse politique, ce n’est pas une insulte. “Pour moi, si la France avait réagi en renvoyant notre ambassadeur, comme l’extrême droit français est en train de le demander à l’unanimité – renvoyer les Maliens et fermer l’ambassade du Mali, arrêtez les flux monétaires vers le Mali – j’aurai dit que c’étaient des mesures irresponsables. En tant que Malien, je l’aurais dit, je me serais permis de le dire !’’, a fait savoir l’avocat.
Selon lui, si notre ministre estime que c’est une insulte, ce sont les Maliens qui ont commencé ces injures-là. « En 2012, la classe politique avait lutté contre la junte qui était là, mais cette fois-ci, ils ont adopté la posture d’accompagnement de la transition. C’est pourquoi ils n’ont jamais dit que les autorités de la transition étaient illégitimes et illégales », dit-il.
Il indexe certains parmi ceux qui dirigent la transition aujourd’hui d’avoir tenu les mêmes propos envers l’autorité de la transition. “Je dis, notamment parmi ceux qui nous dirigent, certains ont eu à dire que ces autorités-là (militaires) étaient illégitimes et illégales’’, a-t-il précisé et au journaliste de rappeler que ces propos sont de l’actuel Premier ministre Choguel Kokala Maïga.
De l’avis de Me Tapo, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop, dans sa réponse à Le Drian a insulté aussi. “Je trouve que c’est lui qui a insulté. Pour l’avocat, ce propos est une “litote’’, car les Français comprennent bien la langue de Molière. Selon lui, la France n’a pas dit qu’il était petit ou que le Mali était un petit pays.
Sur l’expulsion de l’ambassadeur français, Joël Meyer, Me Tapo dit que c’est du détail qui ne lui fait ni chaud ni froid et n’apporte rien au Mali, car, dit-il, c’est une mesure spectaculaire.
“Je pense que la France a pris ça comme çà, réagir responsablement jusqu’à présent, on n’a pas expulsé notre ambassadeur même si c’est un chargé d’affaires qui fait office d’ambassadeur, on aurait pu le prier de partir comme l’a demander l’extrême droite, les Français ne l’ont pas fait, ils auront pu arrêter le Visa vers le Mali, il l’on pas fait ; ils auraient pu reprendre l’expulsion des Maliens, cela n’a pas été fait ; arrêter le flux vers le Mali qui représente 12% de notre PIB, ce n’est quand même pas rien sur le plan économique’’, a-t-il souligné.
Toutefois, l’avocat a invité ceux qui font de l’antifrançais de réfléchir par deux fois et de mettre balle à terre, car les relations entre états sont plus complexes. “Des Maliens et leurs familles vivent en France et ont leurs biens, mais aussi font vivre leurs familles au Mali’’, dit-il en privilégiant le dialogue.
Concernant la transition, Me Tapo avait cru de bonne foi à la transition et sa rectification. Le coup d’État de 2020 avait un contexte particulier qui n’est pas semblable à un coup d’État ordinaire, dit-il. “J’étais convaincu et persuadé que les jeunes officiers allaient appeler toute la classe politique pour qu’on s’asseye autour d’une table, qu’on examine le problème du pays et qu’on trouve les solutions. Malheureusement, après le 24 mai, ils ont fait appel à la classe politique, mais encore une partie de la classe politique qui a sa méthode qui ne changera pas, et c’est à ça que nous assistons aujourd’hui avec l’escalade verbale, les menaces sur les réseaux sociaux qui ramènent le pays au Moyen-âge, a-t-il déploré.
Même si l’avocat n’est pas d’avis avec les sanctions, il déplore cependant les mesures de réciprocité prises par les autorités en fermant les frontières après les sanctions de la CEDEAO qui du moins laissaient un passage pour certains produits. Il a dénoncé les réponses démagogiques qui ne servent à rien absolument que pour faire plaisir et exciter les gens.
Au sujet de la montée en puissance de l’armée, il a conseillé aux militaires de regagner le front. “Pour que cette montée en puissance soit totale et définitive, que ceux qui ont en charge l’armée retournent à leur charge, ça ne fera que renforcer ; qu’ils se déchargent de la chose politique’’, a-t-il conseillé avant de s’inscrire en faux contre ceux qui affirment qu’il est impossible d’organiser les élections pour cause d’insécurité.