Si rien n’est fait pour ajuster les prix à la pompe des hydrocarbures, les opérateurs pétroliers pourraient mettre la clef sous le paillasson, le ministre de l’Economie et des Finances, Alousséni Sanou, n’ayant pas favorablement accueilli leur demande d’audience pour des pourparlers directs en vue d’une solution négociée, acceptable pour tous.
La paix sociale a un coût à payer. Mais, au Mali, l’Etat veut visiblement tout avoir sans délier les cordons de la bourse. Il en est ainsi du blocage, par les autorités, du prix à la pompe des hydrocarbures, malgré un contexte de tensions mondiales et la forte demande en carburants résultant de la reprise des activités après la fin des restrictions sanitaires concernant le coronavirus. Aucune compensation ou en tout cas très peu d’efforts consentis pour les pétroliers. Qui plus est, le Mali est placé sous embargo par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa), ce qui oblige les opérateurs à faire souvent de longs trajets en vue de l’approvisionnement correct du pays avec, naturellement, des coûts induits. Cependant, l’Etat continue à faire le dos rond. Du coup, c’est le blues dans le secteur. Dans un communiqué de presse publié ce 14 février 2022 dont une copie nous est parvenue, la Commission de suivi du mécanisme de taxation des produits pétroliers enfonce le clou, avec le maintien des prix indicatifs plafonds à la pompe comme suit : supercarburant sans plomb (663 Fcfa le litre), gasoil (593 Fcfa le litre), distillat diesel oil – DDO (593 Fcfa le litre), fuel-oil 180 (421 Fcfa le litre). Les prix du pétrole lampant et du Jet A1 sont libres. Il n’en fallait pas plus pour jeter l’émoi sur le monde des importateurs d’hydrocarbures qui ne savent plus à quel saint se vouer. Aujourd’hui plus que jamais, les pétroliers locaux craignent pour le maintien de leurs entreprises et la pérennité des emplois créés, dans la mesure où l’Etat ne leur a encore versé aucune compensation, depuis pratiquement deux ans.
Le beurre et l’argent du beurre pour l’Etat
Il faut dire que les prix maintenus en ce mois de février 2022 sont les mêmes en vigueur depuis novembre 2020, soit près de 16 mois alors que la reprise post-Covid a accru la demande mondiale en hydrocarbures. En Europe, après des semaines de niveaux-records, la hausse des prix se poursuit, annonce une source. “Les prix du pétrole sont mis sous tension au niveau mondial en raison de la reprise économique post-restrictions sanitaires, mais également par les tensions croissantes entre l’Ukraine et la Russie qui pourraient menacer l’offre pétrolière. La peur de l’escalade des tensions dans la crise, d’une ampleur jamais vue depuis la fin de la Guerre froide, a ainsi poussé le prix du Brent au-dessus de la barre des 95 dollars le baril”, constate pour sa part l’Agence France Presse (Afp).
En conséquence, les prix du carburant flambent aux Etats-Unis, en Europe et un peu partout en Afrique. A telle enseigne que le président américain, Joe Biden, a récemment demandé à l’Autorité américaine de la concurrence de se pencher sur le comportement “éventuellement illégal” des compagnies pétrolières.C’est dire que nos opérateurs économiques du pétrole achètent très cher leurs produits sur le marché international, mais ils sont contraints de les revendre aux prix fixés de l’Etat, soucieux du maintien de la paix sociale sans autre forme de procès.Il y a forcément un gap à combler, sinon une injustice à réparer pour sauver des entreprises… au bord de la banqueroute.