La chape de plomb s’accentue sur le Nord Mali. Des civils ont été encore tués par balles. Parce qu’ils protestaient contre le meurtre d’un conseiller municipal, des manifestants de Gao n’ont eu pour seule réponse que des rafales d’armes. Bilan : au moins un mort. Islamistes et Touaregs sont donc prêts à tout pour imposer leur impérium, même au prix du sang.
Et pendant ce temps, que font les bonnes âmes accourues au chevet du Mali ? Comme un effet de mode, le Nord Mali attire aujourd’hui toutes sortes de médiations, et cela fait trop de médiateurs. Tellement que l’on s’y perd parfois. Ainsi en est-il de l’Algérie et de la France, qui sont venues s’ajouter aux efforts du médiateur officiel de la CEDEAO et de la communauté internationale, qu’est le président Blaise Compaoré du Burkina Faso. Or, manifestement, il y a de sérieuses divergences d’intérêts, lesquelles finissent par faire oublier que les populations du Nord Mali ont besoin de vivre, et surtout de vivre en paix comme tout le monde
« Trop de viande ne gâte pas la sauce », dit un adage bien de chez nous en Afrique. Mais trop de médiateurs arrangent-ils vraiment la situation ? Les conséquences paraissent pour l’instant déplorables. Il y a une certaine confusion qui règne actuellement. On a de la peine à savoir qui fait quoi. A l’évidence, la médiation s’enlise dans les divergences de toutes natures. De quoi craindre que, vu le nombre de médiateurs ayant fait irruption sur la scène, les divergences nées de la loi des intérêts, ne finissent par gripper la machine. Entre l’Algérie qui mène des négociations souterraines et tous ceux qui appuient la CEDEAO et le médiateur dans leurs intentions, il y a assurément des divergences qui pourraient impacter négativement la crise. Ne pousserait-on pas alors les acteurs en conflit, à se situer forcément dans un sens ou dans l’autre ? Côté rebelle, le MNLA et Ansar Dine, ne seront-ils pas conduits à choisir avec qui réellement négocier ? Ces problèmes qui s’ajoutent à ceux qui persistent depuis le début de la crise, ne facilitent en rien l’avènement de la paix au Mali. Quoi de plus normal que les populations, délaissées et désabusées, cherchent à déserter les lieux. Cela, d’autant que la CEDEAO traîne des pieds, en raison du poids de la bureaucratie internationale et de l’indécision des nouvelles autorités maliennes. Qui de ces nombreux médiateurs la saignée des populations arrange-t-elle vraiment ? Voudrait-on, par stratégie, laisser les gens vider les lieux pour réduire le nombre de ceux qui serviront de chair à canon ou de boucliers humains ? Reste que l’exil de nombreuses populations, permet en même temps aux « fous d’Allah », d’étendre leur influence sur la partie septentrionale du Mali.
Au nombre des médiateurs de type nouveau, l’Algérie apparaît comme ayant un jeu trouble aux yeux des analystes et de l’opinion dans la sous-région. Ce pays, on le sait, n’entend pas jouer à la cinquième roue de la charrette. Cela, pour différentes raisons : sa proximité géographique et son expertise, pour avoir eu dans le passé, à affronter les groupes salafistes. De plus, ce pays a une position confortable au sein de l’état- major qui rassemble les forces militaires coalisées du Sahel face au terrorisme. Pour cela, les Algériens sont bien placés pour jouer un rôle déterminant sur ce dossier. Mais cela suffit-il ?
A quel jeu joue l’Algérie du président Bouteflika sur le dossier du Nord Mali ? On a vraiment du mal à suivre l’ancien ministre des Affaires étrangères du colonel Boumédienne, du temps de la splendeur de l’Algérie sortie de la guerre anti-coloniale. A Alger, veut-on la paix au Mali, et y travaille-t-on vraiment ? Le doute commence sérieusement à s’installer dans les esprits dans la sous-région ouest-africaine. D’aucuns commencent à se demander si l’Algérie ne chercherait pas à se débarrasser de ses « salafistes » dangereux, en les aidant à se confiner sur un territoire alternatif.
Si c’est le cas, alors les Algériens se trompent de combat et de cibles. S’ils tiennent à leur amitié avec les peuples de l’Afrique sub-saharienne, ils doivent radicalement changer le fusil d’épaules. Pourquoi l’Algérie n’a-t-elle rien fait face à l’avancée des rebelles ? Impunément, ils ont progressivement occupé le terrain jusqu’à des points stratégiques comme la région de Tasslit, près de la frontière algérienne. Pourquoi donc l’Etat-major général du Sahel, placé sous la responsabilité d’Alger, n’a-t-il pas pris ses responsabilités en son temps ?
Si aujourd’hui, l’Algérie veut s’impliquer dans la résolution rapide et définitive de la crise du Nord Mali, il lui reste à se rapprocher du médiateur officiel, pour harmoniser les points de vue, et conjuguer les efforts dans le seul intérêt des populations. Etant donné les positions radicales des groupes rebelles, la médiation, quoi qu’on dise, se trouve à présent à la croisée des chemins. L’option militaire paraît inévitable, vu les exactions auxquelles sont soumises les populations. Certes, l’Algérie fait partie de la ligne de front. Véritable puissance régionale, elle dispose également d’une expertise avérée.
Ce serait avantageux si chacun mettait son intelligence et ses forces à la disposition du seul médiateur désigné par la CEDEAO, et reconnu par la communauté internationale. Si Alger tient à son amitié avec les peuples des pays d’Afrique sub-saharienne, il lui faut se réveiller à temps, et se rapprocher de la médiation officielle pour combiner le travail de l’Etat-major militaire du Sahel et celui des forces coalisées sous l’égide de la CEDEAO.
Alger a intérêt à agir avant qu’il ne soit trop tard. Car, jamais les Maliens n’admettront le diktat de ceux qui se prennent pour des saints tombés du ciel. Il faut cesser de berner les gens avec une charia qu’on ne voudrait pas voir appliquer sur soi, surtout quand on n’a jamais été élu, et qu’on a tant de choses à se reprocher : des assassinats gratuits, des trafics en tous genres, des prises d’otages, etc.