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Comment la France a échoué au Mali
Publié le lundi 21 fevrier 2022  |  L’aube
Serval
© Autre presse par DR
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L’annonce de la France et ses alliés, le jeudi dernier, du retrait des forces Barkhane et Takuba du territoire malien n’est guère une surprise. L’euphorie qu’avait provoquée l’arrivée des troupes françaises, en 2013, s’est estompée laissant place à un sentiment anti-français de plus en plus fort au sein une population malienne, lassée par une guerre qui s’éternise…

En 2013, les soldats français étaient accueillis en héros par une foule en liesse tout au long de leur passage sur les routes. Neuf ans après, l’ambiance n’est plus la même et les populations n’hésitent plus à accuser les militaires de la force Barkhane d’être complices des djihadistes. Les raisons de la montée en puissance du sentiment anti-français s’expliquent surtout par la gestion du cas de Kidal et de la détérioration de la situation sécuritaire au Centre et au Nord.

Le problème Kidal

En effet, en 2013, la majorité des Maliens n’avait pas compris pourquoi les soldats français avaient empêché l’armée malienne d’entrer à Kidal, fief de la rébellion. Conséquence : Kidal demeure toujours sous l’emprise des groupes armés notamment ceux de la coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), échappant ainsi au contrôle de l’Etat. Cette situation provoque la colère des populations qui ont aussi eu le sentiment que la France « collaborait » avec des « ennemis » du Mali.

Beaucoup de Maliens reprochent notamment aux forces françaises de privilégier les intérêts de la CMA et sont, de ce point de vue, au centre des alliances entre groupes armés qui se font et se défont au rythme des saisons.



Au sein de l’opinion malienne, l’on est convaincu que la rébellion touarègue a fait un compromis avec l’Otan et la France en abandonnant Kadhafi en pleine crise libyenne. Le marché était que si elle quittait le sud de la Libye, la France l’aiderait au mieux dans ses revendications au Mali. Vrai ou Faux ? Au vu de certains évènements troublants, l’on est tenté de croire à la thèse du complot contre le Mali.

Aussi, combattu par leurs alliés djihadistes, Serval dans son intervention pour libérer le Mali a permis la régénération du MNLA. Et certains médias français se sont investis pour séparer théoriquement ce mouvement des djihadistes. Alors que lors de l’occupation du Nord, les populations se sentaient plus en sécurité avec AQMI et MUJAO qu’avec le MNLA qui violait, pillait, volait et tuait sans état d’âme.



Autant d’actes qui ont longtemps cristallisé la colère des maliens contre la France. Et le fossé s’élargisse, au rythme des actions de Barkhane en faveur de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), chaque fois que celle-ci est menacée. En novembre 2019, de violents affrontements avaient opposé les combattants du GATIA (Groupe d’auto-défense touareg Imghad et alliés) aux éléments de la CMA. Il a fallu l’intervention des français pour sauver le mouvement qui était en mauvaise posture à Kidal… Le Gatia a fini par abandonner la partie. En réalité, le Gatia avait subi la pression (l’intervention ?) des forces françaises et de la Minusma. Ce n’était pas une première.

Des responsables du Gatia et de la Plateforme avaient dénoncé l’ingérence française en ces termes : « les français ont sauvé leurs protégés ». On se souvient aussi que la plateforme avait pris la localité de Ménaka, le 27 avril 2015. Elle sera contrainte, à la faveur d’un « arrangement sécuritaire » de quitter cette localité. Il s’est avéré que la pression de la médiation visait surtout à satisfaire les désidératas de la CMA, qui avait fait de ce retrait un préalable à la signature de l’accord de paix entériné le 15 mai 2015 par le gouvernement malien et ses alliés. Également, toujours sur fond de chantages et de fourberies, la CMA avait aussi réussi à retrouver ses positions à Anéfis, d’où elle avait été chassée par la Plateforme, en septembre 2015. Pour y revenir, la CMA a dû faire appel à ses soutiens occultes. Conséquence : l’autorité de l’État n’a pas été retrouvée (à Kidal) et ne peut pas l’être, puisque la France l’interdit.

Au-delà, la question majeure qui se pose aujourd’hui est la suivante : Que font les militaires français déployés au Nord du Mali ?

La dégradation de la situation sécuritaire

Autre grief des maliens à l’encontre des forces françaises est la dégradation de la situation sécuritaire au fil des années malgré la présence française. Aux combats qui se poursuivent dans le Nord, se sont ajoutés des conflits qui ont fait basculer la région du Centre dans le chaos. Dans le Centre du Mali, la présence de groupes armés islamistes et les mesures d’intimidation à l’encontre de la population se sont accentuées tout au long de l’année, entraînant plusieurs exactions graves, dont des exécutions sommaires de fonctionnaires locaux et de personnes suspectées d’être des informateurs du gouvernement», s’alarmait l’ONG Human Rights Watch dans son rapport 2017 sur la situation au Mali.

Paris, qui mène toujours une chasse aux djihadistes dans le désert, n’est en revanche pas intervenu dans le Centre du pays. Une dichotomie dans l’investissement militaire français qui laisse un goût amer dans la bouche d’une partie de la population malienne, confrontée chaque jour à une montée de l’insécurité.



« On les voit, ils sont là et on continue de nous attaquer. C’est devenu même pire qu’avant. On tue les gens au Centre, au Nord. Où sont les soldats français ? S’ils veulent nous aider, ils n’ont qu’à nous aider en donnant du matériel seulement à nos soldats qui vont eux-mêmes faire le travail», s’indigne Mamadou Diarra, un ressortissant de la région de Mopti.
Un discours majoritaire chez les habitants qui ne voient pas l’utilité de la présence de Barkhane. En effet, malgré Barkhane, qui a remplacé, le 1er août 2014, l’opération Serval déclenchée début 2013 au Mali, le septentrion malien n’a pas vu diminuer les activités des djihadistes et d’autres groupes armés qui s’y sont confortablement installés. Les attaques récentes contre l’armée avec son lot de lourdes pertes le certifient de la belle manière, tout comme les embuscades quotidiennes et les explosions des mines dans les régions de Mopti, Tombouctou et Gao. Aujourd’hui au Nord, rien ou presque n’a encore été réglé.
La France est plus généralement accusée de nombreux maux par les habitants qui côtoient ses militaires. Pour les populations locales, l’ex-puissance coloniale dissimule ses véritables motivations sur les raisons de sa présence renforcée. Dans une note d’analyse datant de juillet 2016, le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (Grip), un centre de recherche indépendant fondé à Bruxelles en 1979, livre les résultats d’une enquête réalisée pour connaître l’opinion des populations (maliennes) sur la présence de soldats étrangers sur son sol. Le résultat est accablant pour la France. Plus de 76% des sondés souhaitent le départ des forces françaises.

Mohamed Sylla
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