Depuis plusieurs années, la Russie considérait l’extension de l’OTAN comme une menace existentielle à sa sécurité. Pour y faire face, Vladmir Poutine n’a jamais cessé de proposer aux États-Unis et à l’OTAN des traités prévoyant un renoncement à cet élargissement à ses frontières et un retour à la situation sécuritaire issue de la fin de la guerre froide. À l’appui de ces propositions, la Russie n’a cessé de rappelé aux occidentaux, qu’en contrepartie de la dissolution du Pacte de Varsovie, ils avaient verbalement promis à Mikhaïl Gorbatchev de ne pas élargir l’OTAN aux pays anciennement appelés «pays de l’Est», sauf à l’Allemagne réunifiée.
Moscou exigea donc que l’OTAN mette fin à toute activité militaire en Europe de l’Est, y compris en Ukraine, dans le Caucase et en Asie centrale, qu’il ne déploie aucun missile à moyenne ou à courte portée près du territoire russe, qu’il n’effectue aucun exercice/entrainement militaire impliquant plus d’une brigade militaire dans une zone frontalière convenue, et qu’il signe un accord en vertu duquel ni la Russie ni les États-Unis ne puissent déployer d’armes nucléaires en dehors de leurs territoires nationaux.
En réponse à la demande russe, l’OTAN dément vivement avoir promis à Gorbatchev de n’opéré aucun élargissement aux anciens pays du Pacte de Varsovie. Cependant, des documents déclassifiés, américains, soviétiques, allemands, britanniques et français, publiés par les Archives de la sécurité nationale de l’Université George Washington des États-Unis témoignent de l’assurance donnée par le secrétaire d’État américain de l’époque James Baker à Mikael Gorbatchev, lors de leur rencontre, le 9 février 1990.
James Baker avait annoncé que l’Alliance Atlantique n’avancerait «pas d’un pouce vers l’est». Or, cette promesse n’a pas été tenue. Ce qui excède les russes qui ne cessent de se poser la question de savoir pourquoi l’OTAN n’a-t-elle pas été dissoute au même moment que le Pacte de Varsovie ? Puisque l’Alliance avait été créée pour contrer l’URSS. Or, l’URSS n’existe plus. Pour la Russie, l’OTAN a avancé de 500 km vers l’Est. Et cela fait donc trente ans que les occidentaux les ont été trahis et méprisés. Ce qui est vraiment insupportable pour Vladmir Poutine qui estime que les pays ayant rejoint l’OTAN après la fin de la guerre froide ont renforcé leur sécurité au détriment de la sienne. Il pointe du doigt les lanceurs de missiles Tomahawk qui menacent la sécurité de la Russie.
Le temps de vol de ces missiles vers la Russie, en provenance de l’Ukraine ou des Pays baltes est estimé à 7-10 minutes, voire 5 minutes pour les systèmes «hypersoniques !» Ce qui est insupportable pour le Chef du Kremlin qui balaye toute adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et rejette les arguments selon lesquels les États ont le droit d’adhérer à leur organisation de leur choix, d’autant plus que le document d’Istanbul de 1999 et la Déclaration d’Astana de 2010, deux (02) documents de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) rédigés sur la base des accords d’Helsinki signés, en 1975, stipulent que chaque pays a le droit de choisir des alliances et de conclure des accords avec qui il veut, mais que les États «ne renforceront pas leur sécurité au détriment de celle des autres». Or, visiblement, pour Poutine, cette adhésion de l’Ukraine à l’OTAN se fait au détriment de la Russie.
Une autre raison qui justifie la position russe: le retrait des États-Unis du Traité sur les Forces Nucléaires à portée Intermédiaire (intervenu en 2019) qui interdit le déploiement de missiles terrestres d’une portée maximale de 5 500 kilomètres. Un retrait de nature à déclencher une course aux armements nucléaires.
Aux yeux des Russes, les Occidentaux ont profité de leur faiblesse pour se rapprocher dangereusement de leurs frontières. Cette progression de l’OTAN n’aurait certainement pas été possible si la Russie s’était trouvée en position de force. Dès lors, pour Moscou, les Occidentaux ne respecteront la Russie que si elle montre ses muscles. D’où son imposant déploiement aux frontières ukrainiennes pour inciter les États-Unis à négocier.
La reconnaissance par Vladimir Poutine, le lundi 21 février dernier, de l’indépendance du Donbass et de Donetz, marque le tournant de cette posture. Le cauchemar de Vladimir Poutine est de voir sa frontière occidentale complètement verrouillée par une OTAN qui se serait élargie à l’Ukraine. De son point de vue, dans un tel scénario, c’est l’existence même de la Russie qui serait menacée.
Lors de la conférence de presse du 7 février 2022 consécutive à son entrevue avec Emmanuel Macron, le président russe a été on ne peut plus clair: «L’OTAN est loin d’être une organisation pacifique ; ce n’est pas une organisation politique, mais militaire, regardez ce qu’elle a fait, depuis la chute de l’URSS en 1991, en Yougoslavie, en Irak, en Syrie, en Libye… sans respecter le droit international, sans l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU !».
Avant d’ajouter: «Si l’Ukraine intègre l’OTAN, elle attaquera la Crimée qui fait partie de la Fédération de Russie. […] Vous voulez que je fasse la guerre à l’OTAN ? Bien sûr que non ! […] C’est pour cette raison qu’on a annoncé nos propositions pour un processus de négociation.»
En redoutable stratège, habile tacticien, Poutine a véritablement toutes les cartes en main pour élaborer une nouvelle architecture de sécurité aux frontières de la Russie. En créant un nouveau rapport de force qui lui est largement favorable, Il cherche à imposer le retour à la situation qui prévalait en Europe en 1997, avant les élargissements successifs de l’OTAN à 14 ex-pays de l’Est (1999-2020). En clair, Poutine veut mettre fin à la politique dite «de la porte ouverte» de l’OTAN.