La crise en Ukraine fait réagir des militants souverainistes maliens. Convaincus que les pays de l’Otan ont "sciemment provoqué" la Russie, ils comptent "profiter de ces temps d’oubli" pour accentuer leur lutte pour la "libération" du Mali.
"La France saura faire attention au Mali. Elle sait maintenant que nous sommes avec les Russes, même si elle les qualifie de Wagner", prévient Allaye Bocoum au micro de Sputnik. Le président de la Convention pour le Mali estime que l’opération militaire déclenchée le 24 février par la Russie en Ukraine révèle le poids réel de la France sur l’échiquier mondial. Selon lui, l’influence française, déjà écornée, en pâtira davantage au Mali et dans le reste de l’Afrique.
"Ça va nous aider à au moins deux choses. La première c’est que leurs affidés, c’est-à-dire les politiques qui dépendent d’eux, vont trembler comme des feuilles. Ils voient que même tous réunis, personne n’ose envoyer un seul soldat en Ukraine. On va avoir la paix avec ceux-là qui pensent que la France est le début et la fin du monde",argumente-t-il.
Un membre de la milice populaire de la RPL près d'un trou d'obus à proximité d'une école à
Par ailleurs, poursuit-il, "c’est la meilleure occasion pour l’Afrique de se démarquer. Dans les années 1960, toutes les luttes d’indépendance n’ont été favorisées qu’avec le vent qui a soufflé à partir de la Russie en faisant tomber le pouvoir d’Hitler. C’est ce qui a permis aux Africains de comprendre que les colons qui les manipulent avaient aussi leur maître là-bas".
"Précipiter le départ des troupes françaises"
La crise ukrainienne intervient au moment où la France commence son désengagement militaire au Mali. Les responsables français et européens donnent jusqu’à six mois à leurs soldats déployés au sein de Barkhane et de Takuba pour quitter le Mali. Avec la nouvelle donne en Europe, Seydou Tangara et les autres membres du Collectif pour la défense des militaires sont "en train de voir comment précipiter le départ des troupes françaises du sol malien parce qu’avec cette présence c’est sûr qu’il y aura des espionnages".
"Nous pensons même que les effectifs de Barkhane et Takuba seront plus nécessaires en Ukraine qu’au Mali. 52 soldats français tués pour le Sahel, zéro pour l’Ukraine qui veut même entrer dans l’Union européenne. C’est inexplicable",s’étonne-t-il.
D’après Mohamed Lamine Diakité, la situation actuelle en Europe offre un répit au Mali pour mieux penser sa sortie de crise. "L’avantage que nous pouvons tirer, c’est de profiter de ces temps d’oubli et d’inquiétude de l’Europe pour mieux se positionner et continuer notre chantier de libération", estime le coordinateur national du Mouvement panafricain de rejet du francs CFA.
Pour autant, estime-t-il, le moment "n’est pas propice" pour lancer la monnaie malienne, eu égard aux sanctions de la CEDEAO qui pèsent sur le pays.
"Je crois que même sans la crise en Ukraine, la transition ne s’achèvera pas sans que nous ayons notre propre monnaie. Ma forte conviction me dit cela. Tous ceux qui font une bonne lecture de la crise malienne savent que la question de la monnaie est cruciale. Si on n’était pas dans la zone CFA, les sanctions de la CEDEAO n’allaient pas avoir de grands impacts", explique-t-il.
Situation dans la République populaire de Donetsk, à Gorlovka - Sputnik France, 1920,
Les autorités maliennes ont pointé ces derniers mois un "terrorisme médiatique" contre le pays. Les activistes maliens interrogés par Sputnik remarquent une accalmie depuis quelques jours. "Si ce n’était pas l’arrivée de la crise ukrainienne, ils allaient passer tout leur temps à manipuler l’information", dénonce Mohamed Lamine Diakité.
En ligne de mire: deux médias internationaux français qui n’ont pas bonne presse au Mali. L’interdiction de RT et Sputnik par l’Union européenne en représailles à l’opération russe en Ukraine attire particulièrement l’attention d’Allaye Bocoum. "Puisqu’ils bloquent parce que les autres disent ce qu’ils ne veulent pas entendre, nous aussi on doit bloquer parce qu’on ne veut pas entendre ce que leurs médias disent sur le Mali", réagit-il.
"Ce sont eux qui donnent de la valeur à une certaine classe politique au Mali qui n’est audible que sur leur truc. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que plus ils parlent de quelqu’un aujourd’hui, plus ils contribuent à rendre impopulaire cette personne", renchérit-il.
Pour lui, c’est le moment pour le Mali et l’Afrique de "vraiment s’affranchir, raffermir nos rapports et aller à l’unité africaine". Quant à la posture que le Mali doit adopter vis-à-vis de la crise ukrainienne, il suggère aux autorités "le silence, à défaut de défendre carrément la position russe. En dehors de cela, je ne vois pas le Mali aller faire le belligérant". Le silence, c’est exactement la voie choisie par le Mali qui s’est abstenu ce 2 mars lors du vote d’une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies condamnant l’opération russe.