Plusieurs de nos compatriotes de Côte d’Ivoire, notamment d’Abidjan, ne parviennent plus à joindre les deux bouts à cause de l’embargo. Pour la plupart, ils tirent le diable par la queue. Ce sont des acteurs d’un flux commercial non négligeable entre la Côte d’Ivoire et leur pays d’origine : le Mali. A Treichville, des petits commerçants l’ont fait savoir lors de notre passage.
Pays limitrophe du Mali, la Côte d’Ivoire accueille plus de 3 millions de maliens sur son territoire. Les maliens sont la 2è communauté dans le pays d’Houphouët Boigny après les Burkinabés. Que ce soit à Abidjan, Bouaké, Man, Yamoussokro…, nos compatriotes interviennent dans différentes activités socio-économiques du pays. Leur contribution dans le PIB ivoirien n’est pas négligeable.
Loin de la mère patrie, ces Maliens s’intéressent bien à ce qui se passe dans leur pays. « On ne peut pas avoir deux pays et le Mali est le mien », se félicite Ousmane Fofana, natif de Kayes, vendeur de tissu, de sacs et de chaussures, à Treichville, à l’Avenue 16. A l’instar de ce dernier, plusieurs de ses camarades maliens, I.G. et M.T font le petit commerce dans la même Avenue.
Quand nous les avons rencontrés dans ce quartier à forte concentration malienne, leur état d’âme sur la situation du pays, est fonction des activités qu’ils mènent. « Vous savez, le Mali, aujourd’hui est la risée de tout le monde à cause du fait qu’on veut refonder notre pays. Nous disons aux autorités Françaises que les grandes nations y compris la France, sont passées par là. Qu’ils nous laissent décider de ce qui est bien pour nous », a presque vociféré M.T.
A la question de savoir si les sanctions de la Cédéao l’affectent dans son travail, un autre, Ousmane Diagana, qui se fait passer comme le porte-parole du groupe de jeunes maliens que nous avons rencontré avant de répondre à notre question, est resté silencieux et s’en prend aux chefs d’Etat de la CEDEAO. « Ils ne sont qu’à la solde des occidentaux », a-t-il fulminé. Ce commerçant de tissus basins importés du Mali, reconnait tout de même : « En réalité, les affaires ne marchent plus bien comme avant les sanctions de la CEDEAO. On n’arrive plus à commercer. Nous n’avons presque plus de stocks. Cela joue énormément sur nos ventes ».
A quelques encablures de M. Diagana, Seydou Doucouré, est connu pour être un exportateur de sacs de jute vides. Habillé en boubou bleu ciel, M. Doucouré qui dit avoir fait fortune dans ce business, emploi plusieurs dizaines de jeunes maliens et quelques ivoiriens. Selon lui, « la situation que le Mali traverse n’arrange personne ». Pour ce demi-lettré, les chefs d’Etats de la CEDEAO et les autorités maliennes doivent impérativement s’asseoir et se parler afin de convenir de quelques choses qui puissent sortir le Mali de « l’impasse ». Il a déploré le fait que ce soient les populations qui payent le plus fort prix des sanctions. Prenant l’exemple sur lui-même, il dira que son activité connait une certaine monotonie due au fait qu’il n’arrive plus à écouler ses produits sur le marché malien. « Avant, nous envoyions des sacs de riz vides au Mali, cela n’est plus le cas. Les camionneurs ne viennent plus chercher les sacs parce que la frontière est fermée. On est obligé de revoir à la baisse le prix des sacs conçus ».
Les conséquences : « je n’arrive plus à satisfaire aux besoins de ma famille au Mali. « Toutes les deux semaines, je pouvais envoyer au moins 40 000 F CFA, aujourd’hui, c’est très difficile. C’est juste le prix de la popote que je gagne», a martelé notre interlocuteur.
A peine ce dernier finit de nous répondre, une dame malienne, la quarantaine sonnée, vendeuse de pagnes, se mêle de la discussion. « Monsieur, vas dire aux autorités que toutes nos affaires sont gâtées. En plus des prières que nous faisons quotidiennement pour qu’il y ait un dénouement, nous demandons au président Assimi de bouger, de penser à nous aussi qui souffrons à cause de l’embargo. Je fais la vente de pagnes entre le Mali et la Côte d’Ivoire. Mes clients sont en train de s’orienter vers d’autres fournisseurs. Et, je ne suis pas seule dans ce cas. Ce sont des milliers de petits commerçants maliens qui souffrent de la situation », a-t-elle indiqué.
Intermédiaire de son état dans le commerce de ciments, Alassane Doucouré venu accompagner son ami au Palais de la Culture, pensait parler au chef de l’Etat du Mali tellement il en a gros sur le cœur. Avec un chiffre d’affaire de plusieurs dizaines de millions de F CFA, l’homme d’Affaires est revenu sur ce que l’embargo a occasionné. « J’ai presque tout perdu. Les acheteurs de ciments se sont tournés vers le Burkina, à Bobo-Dioulasso. C’est là-bas que les maliens partent se ravitailler. Je me demande si le président Assimi a songé aux maliens moyens, à ceux qui cherchent à manger quotidiennement. Après avoir montré nos muscles, je pense qu’il est grand temps d’ouvrir les frontières. C’est un autre retard que nous acculons », a-t-il dénoncé.
Toutefois, contrairement à certaines informations, les maisons de transfert de fonds continuent d’effectuer des opérations vers le Mali.