Le 16 février dernier, sept Sénégalais ont entamé une marche dite » Panafricaine « , de Dakar à Bamako. Après 26 jours de marche, ils sont arrivés dans la ville de Kayes, ce vendredi 11 février. Ils ont été accueillis à la Place de l’Indépendance de Kayes par le Gouverneur de la région, le Colonel Moussa Soumaré, ayant à ses côtés la Commission nationale d’accueil, venue de Bamako, en présence d’une foule en liesse.
En arrivant ce vendredi dans la Cité des Rails, les marcheurs étaient au nombre de 22 personnes, majoritairement habillées en cotonnade. De l’entrée de la ville jusqu’à la tribune, ils étaient escortés par la Protection civile et quelques éléments des forces de l’ordre. A 16h40 minutes, ils sont arrivés à la Place de l’Indépendance et ont remis au gouverneur le drapeau malien, qui leur avait été remis à Diboli par les autorités administratives maliennes.
Devant une foule séduite par le geste de ces marcheurs, le maire de la ville a souhaité la bienvenue aux hôtes et insisté sur les liens historiques entre les deux nations.
S’exprimant au nom des marcheurs, Keeman Djouf a expliqué qu’ils étaient venus apporter leur soutien inconditionnel à la transition et au peuple malien » qui ont décidé de prendre en main leurs propres destinées, en demandant à la France et à ses partenaires européens de retirer leurs troupes du Mali. » Avec une verve d’orateur, il a ajouté que ce soutien se fera contre vents et marrées. Selon lui, le geste des autorités sénégalaises, qui avaient arrêté trois d’entre eux à Diboli, avant de les libérer, ne les fera pas dévier de leur chemin: » C’est vrai que les autorités ont voulu nous empêcher de venir chez nous, mais comment on peut empêcher quelqu’un de venir chez lui. »
Pour rappel, cette marche Dakar-Bamako a été décidée à l’issue de la marche annuelle Dakar-Thieytou. Thieytou, c’est le village natal de Cheick Anta Diop et il y repose. En 2014, l’un des marcheurs, Keeman Djouf, conquis par la pensée de l’auteur du livre de » Les fondements économiques et culturels d’un futur Etat d’Afrique noire « , a initié, seul, la marche Dakar-Thieytou. Seul, il fera les deux premières éditions. Son geste va ensuite séduire beaucoup de jeunes Sénégalais, Gabonais et Guinéens, qui vont se joindre pour les éditions suivantes. A l’issue de la 8è édition de cette marche, les MARCHEURS ont jugé nécessaire de soutenir le Mali, qui a été » injustement sanctionné par la CEDEAO « . C’est pourquoi, dans son intervention, Keeman Diouf, le précurseur de Dakar-Thieytou et porte drapeau de Dakar-Bamako, a rappelé cette conception de Cheick Anta : » Aujourd’hui, nous nous sentons africains parce que Cheick Anta Diop disait »Il faut abandonner cette fierté d’être Malien, Il faut abandonner cette fierté d’être Sénégalais, Il faut abandonner cette fierté d’être Guinéen et avoir cette fierté d’être Africain » ! On peut travailler pour sa famille, on peut travailler pour son bien-être, on a choisi de travailler 40 jours pour l’Afrique, on a choisi de travailler 40 jours pour le Mali. »
Dans une diatribe assez virulente, il s’en est pris à la France pour son ingérence dans la gestion des Etats africains. Dans la même lancée, il revient à la CEDEAO : » J’accuse la CEDEAO d’être le bourreau de nos idéaux, j’accuse la CEDEAO d’être au service des occidentaux, aujourd’hui le Mali se tient debout sous le coup de la CEDEAO. La patrie ou la mort, nous vaincrons, si tel est notre sort, nous acceptons « .
Pour sa part, le Gouverneur de la région a remercié » les populations africaines de Kayes » pour l’accueil chaleureux réservé à leurs » frères africains « . Selon lui, ce geste des Sénégalais témoigne et renforce la solidité des peuples africains. Il reconnait l’endurance de ces héros : » Vous avez bravé tous les obstacles : la fatigue, les animaux sauvages dangereux, les intempéries. Vous avez surtout bravé les obstacles, la nuit du dimanche au lundi dernier. Je voudrais aussi rappeler que ce sont les mêmes obstacles qui sont sur le chemin de l’Afrique, depuis 60 ans, que des obstacles à notre unité, à notre union. Mais nous devons nous armer de courage comme ces jeunes-là aujourd’hui. Nous devons nous attendre à franchir des obstacles si nous voulons vraiment réaliser l’unité africaine. »
Les obstacles sont énormes pour ces jeunes Sénégalais. Ceux travaillant dans la Fonction publique ont dû négocier un congé pour cette marche. De même que ceux travaillant pour des entreprises privées. Une jeune femme mariée, conquise pour le panafricanisme, s’est arrangée avec son mari pour suivre ce périple. Sans compter ceux qui travaillent pour eux-mêmes, à l’exemple de Samory, un jeune marcheur qui a une petite entreprise dans l’agro-alimentaire.
En plus, cette marche sur Bamako n’enchante pas certaines autorités sénégalaises, d’où l’arrestation de trois marcheurs, dans la ville de Kidira. Ils ont été arrêtés lorsqu’ils s’apprêtaient à traverser la frontière sénégalaise pour entrer au Mali. Après plusieurs heures d’interrogatoires, ils seront ensuite libérés. Parmi ces personnes arrêtées figurent Kadidiatou Ndiaye. Celle qui était en tête de groupe lorsque les marcheurs entraient dans la ville de Kayes.
Il faut signaler que, malgré les obstacles, cette marche ne cesse d’avoir des adhésions. Si les marcheurs ont quitté Dakar au nombre de 7, ils ont franchi la frontière malienne au nombre de 19. En cours de chemin, des jeunes Sénégalais, épris de panafricanisme, les suivent de façon volontariste.
Et sur le sol malien, de nouvelles adhésions ont été signalées. S’ils étaient 19 à renter à Diboli, vendredi soir, en entrant dans la ville de Kayes, leur nombre dépassait 22 personnes. Des jeunes de Diboli et de Samè ont décidé de les suivre jusqu’à Bamako.
Ayant passé la nuit au pied-à-terre de Kayes, les marcheurs ont repris le chemin pour Bamako, ce samedi matin. Ce dimanche 13 février, ils sont arrivés dans la Commune de Ségala, sous escorte des forces de l’ordre.