L’accord d’Alger tarde à être appliqué et de vastes étendues du Nord du Mali demeurent sous le contrôle des ex-rebelles indépendantistes
Les tensions sont récurrentes entre Bamako et les groupes armés indépendantistes ont plusieurs explications. Des événements similaires survenus ces dernières années n’ont pas dégénéré en guerre ouverte. Faut-il s’attendre à une simple répétition de cet épisode, quand la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA)? Ou bien le risque est-il, cette fois, plus élevé ? Celle- ci a rouspété contre « le retard pris dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation et les soubresauts que cela pourra engendrer, si rien n’est fait dans les plus brefs délais ». A ses yeux, toute révision de cet accord suspecté renfermer les germes d’une partition du pays est inacceptable. La CMA est particulièrement sensible à la question, d’autant qu’elle redoute que ses acquis importants ne filent entre ses doigts.
L’actuelle montée des tensions s’inscrit dans un contexte particulièrement délicat pour le Mali dont les soldats sont engagés dans la lutte contre les terroristes qui contrôlaient récemment encore 2/3 du territoire national et fragilisé par des sanctions économiques et financières. Elle rappelle une précédente qui a vu en août le gouvernement malien faire remonter les bretelles à la CMA accusée « d’actes attentatoires à la souveraineté nationale », et lui reproche de violer l’accord de paix d’Alger.
Les freins
Le gouvernement dit dans un communiqué constater « avec indignation que, depuis un moment, la Coordination des mouvements de l’Azawad s’arroge des actes régaliens de l’État en violation flagrante des termes de l’Accord » de paix d’Alger. «La CMA, alliance à dominante touareg d’anciens groupes armés rebelles, est signataire de cet accord de 2015 avec une alliance de groupes armés pro-gouvernementaux.
La mise en œuvre de cet accord ainsi que le redressement de l’autorité de l’État sont considérés comme des composantes politiques indispensables à une sortie de crise, en plus de l’action purement militaire menée par les forces maliennes, françaises, africaines et onusiennes.
L’accord d’Alger tarde à être appliqué et de vastes étendues du Nord du Mali demeurent sous le contrôle des ex-rebelles indépendantistes. Les « actes antirépublicains » de la CMA « vont d’une prétendue grâce accordée à des détenus, à la délivrance d’autorisations de déplacement sur des sites d’orpaillage, en passant par le refus de recevoir les médecins en charge de la lutte contre la maladie à coronavirus », détaille le gouvernement.
La CMA menace de reprendre les hostilités. Mais la moindre attaque perpétrée contre les Forces armées maliennes provoquerait de lourdes conséquences. L’accord d’Alger négocié en 2015 dans la capitale algérienne avait pour but de mettre fin aux violences qui ont ensanglanté le Mali depuis 2012. Il avait été signé par le gouvernement de l’époque et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Cette alliance est composée essentiellement d’anciens groupes armés indépendantistes touaregs et nationalistes arabes qui avaient combattu les forces maliennes dans le Nord. L’accord de paix et de réconciliation a permis de cesser les hostilités et de désamorcer la tension. Les jihadistes, qui avaient d’abord combattu avec les rebelles touaregs et arabes avant de se retourner contre eux, ne sont pas concernés. Ils ont depuis étendu leurs actions au centre du Mali ainsi qu’aux pays voisins (Niger, Burkina Faso) rendant la situation encore plus complexe.
Quelles suites ?
Le problème de l’accord d’Alger est que son application est “extrêmement laborieuse”, comme l’expliquait il y a un an déjà International crisis group.
Les principales dispositions politiques, comme la démobilisation et la réintégration des groupes armés, n’ont pas eu lieu comme prévu. La CMA et le gouvernement malien se rejettent la responsabilité de ces “résultats non satisfaisants”.
L’équipe aujourd’hui au pouvoir promet de respecter les “principes fondamentaux” et insiste sur une “relecture intelligente” de l’accord de paix sans donner plus de précisions. Avant et après sa nomination, le Premier ministre Choguel Maïga se montre un farouche opposant à l’accord d’Alger. Il est désormais à la tête d’une équipe de 28 membres, dont deux appartenant à la CMA.
Ibrahim Yattara