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Soumeylou Boubeye MaÏga : De la séquestration à l’ingratitude d’Etat
Publié le mardi 29 mars 2022  |  Le témoin
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Soumeylou Boubeye MaÏga, ancien Premier ministre, ancien ministre des Affaires Étrangères et par deux fois ancien ministre de la Défense, a été rappelé à Dieu, il y a une semaine, jour pour jour, sur son lit d’hospitalisation à «Clinique Pasteur» où sa détention préventive s’est transportée après un séjour intenable à la Maison Centrale d’Arrêt. En dépit d’enviables distinctions méritées par les hautes fonctions occupées et une carrière d’homme d’Etat bien remplie, le célèbre ancien chef des renseignements a été accompagné à sa dernière demeure par ses seuls proches parents et amis – ainsi que par une imposante procession d’admirateurs – mais sans les honneurs dues à son rang et aux énormes services rendus à la nation. Par-delà les conditions d’incarcération en deçà de ses dignités et de la figure qu’il incarne, il aura consommé, de son vivant et même outre-tombe, l’amère saveur d’une ingratitude d’Etat rarement infligée à une personnalité de pareille envergure au Mali.

Les circonstances de sa détention et vraisemblablement les motivations et facettes cachées de ses déboires judiciaires sont passées par-là. Précédemment déclaré hors de cause en vertu d’un classement sans suite du dossier communément appelé «commande des équipements militaires», SBM serait-il la victime d’un besoin ardent de crédibilisation des pouvoirs auprès de l’opinion ou la pièce gênante du puzzle de renouvellement de l’espace public ?

En dit long, en tout cas, la résurrection spectaculaire et intrigante d’une affaire que la Cour suprême a choisi de sortir des tiroirs aux oubliettes, à coups d’arguments trop tirés par les cheveux quant à la réunion des conditions d’activation d’un privilège de juridiction digne de ce nom. En l’absence d’une représentation nationale dissoute et, par conséquent, d’une haute Cour de justice habilitée pour ce faire, une procédure est quand même enclenchée au forceps et à la commande, selon toute vraisemblance. Et pour cause, elle épargne soigneusement un acteur principal du dossier, le président de la République en l’occurrence, et débouche sans grande surprise à l’inculpation de la principale cible, le ministre de la Défense, puis son incarcération sans ménagement à la Maison Centrale d’Arrêt, geôles que l’ancien patron de la Sécurité d’Etat a longtemps partagé avec les criminels de tout acabit. Et les dénonciations et protestations n’ont pas manqué de retentir du côté des avocats et de simples observateurs outrés, mais pas assez bruyamment pour l’emporter sur la diabolisation de l’illustre détenu, lequel venait juste d’essuyer une affligeante publication aux relents revanchards de la part d’un adversaire très proche du pouvoir. Assez diabolique pour que la rigueur carcérale lui soit appliquée aux pieds de la lettre et au point de manifester de l’indifférence jusque devant la dégradation progressive de son état de santé. C’est de haute lutte, en tout cas, que l’illustre détenu obtiendra le transfert de son incarcération en milieu hospitalier avec une prise en charge que toutes les expertises et contre-expertises ont jugée en deçà de ses besoins sanitaires. Ces sonnettes d’alertes n’étaient pas non plus assez bruyantes pour alarmer les hautes autorités et les persuader de son évacuation vers des plateaux techniques plus appropriés que réclamaient à cor et à cri ses avocats ainsi que des pauvres enfants et épouses finalement condamnées au veuvage et à l’orphelinat qu’elles avaient tant redoutés.

En effet, las de se battre à la fois contre la maladie et d’invisibles adversités sur fond de justice sélective, celui qui a tant donné pour les libertés mettra fin aux polémiques autour de sa personne en rendant l’âme le 21 Mars dernier, dans la foulée de la commémoration de la démocratie malienne qu’il a incarnée. Longtemps pressentie et annoncée par une détérioration criante de son état de santé, sa disparition n’en a pas provoqué moins de choc, de stupéfaction et de consternation. Et pour cause, le Mali venait de perdre une de ses rares figures respectables et exportables, qui aura marqué de son empreinte la vie de la nation trois décennies durant, aux plus hautes marches de l’Etat. De simple journaliste et acteur syndical, sa partition dans l’avènement de la démocratie lui vaudra de jouer un rôle prépondérant dans tous les régimes qui se sont succédé pendant les 30 dernières années : Directeur général de la Sécurité d’Etat, ministre de la Défense par deux fois, ministre des Affaires étrangères, Chef du Gouvernement. Autant de responsabilités qui lui ont valu les plus hautes distinctions de la République mais sans récompense des mérites qui s’y rattachent. Et sans en avoir été déchu par une mesure quelconque, le moindre honneur ne lui a été rendu par cette République à laquelle il a tant donné et au nom de laquelle il aura encaissé tant de coups. Comme si sa sentence était rendue par avance.



A KEITA

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