En l’absence de papiers ou de téléphone découvert sur lui, quel nom pouvait-on attribuer à cet orpailleur pour qu’il ne se perde pas dans l’oubli, et quoi écrire sur sa pierre tombale ?
Un homme avait pris en photo le mort aux yeux fermés, la bouche entrouverte, pour immortaliser son souvenir sur un portable et faciliter la recherche de ses parents qui habiteraient la zone de Kolokani. Pas de sourire aux lèvres, pas de moues non plus, ni des yeux ouverts qui laissent fuir quelque chose du passé. Un corps sans histoire enveloppé dans un linceul blanc immaculé. En l’absence de papiers ou de téléphone découvert sur lui, quel nom pouvait-on lui attribuer pour qu’il ne se perde pas dans l’oubli, et quoi écrire sur sa pierre tombale ? S’il reste de patronyme inconnu, il a bel et bien un prénom : Yaya. Ou du moins il se faisait appeler ainsi. Il était jusqu’au week-end un cadavre sur une civière, sans la moindre ride sur son beau visage, attestant sa jeunesse.
L’indicible
Ses camarades de travail, les coins de café où il s’attablait pour manger n’ont pu ni retracer son histoire ni découvrir son nom de famille. A croire qu’il était trop réservé ou que ces détails de sa vie n’intéressaient personne.
La clarté de ses traits raconte l’indicible. Peut-être de son vivant, il s’attendait à d’improbables ou d’impossibles soins de leur part, pas même des hommages funéraires. Ou qu’il ne voulait pas que les autres s’imprégnassent de lui. Voilà que Yaya n’était plus qu’une photo qui quémandait assistance, compassion.
Les âmes sensibles essayaient vainement de retenir un sanglot, pour qu’une larme déborde à la fin de ses yeux incapables de la contenir. Au rythme des gouttelettes qui ruisselaient de leurs yeux, elles ne connaissaient pas cet homme. A défaut de pouvoir éparpiller des fleurs sur sa poitrine, elles se contentaient de partager la photo mortuaire sur les réseaux sociaux. Yaya est décédé des suites de maladie.