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31 ans de démocratie au Mali : Madame Sy Kadiatou Sow fait le bilan
Publié le dimanche 3 avril 2022  |  aBamako.com
Panel
© Autre presse par DR
Panel des acteurs du Mouvement Democratique
Bamako, le 02 avril 2022, Les acteurs du Mouvement Democratique ont tenus un panel sur les 31 ans de l`avènement de la démocratie au CICB MS
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Dans le cadre des activités commémoratives du 31eme anniversaire de l'avènement de la démocratie au Mali, l'Adema parti africain pour la solidarité a organisé un panel des acteurs du 26 Mars 1991. C'était le samedi 2 avril 2022 dans la salle des banquets du centre international de conférence de Bamako. Prenant la parole , Madame Sy Kadiatou Sow, actrice du Mouvement démocratique a égréné des point positifs, des insuffisances et déceptions pendant les 31 ans d'exercice de la démocratie. Voici le contenu de son message livré.



Souhaite que cet exercice d’autoévaluation (un début) soit à la hauteur des attentes des initiateurs et des participants au panel,

Espère que la sérénité, la lucidité et l’humilité accompagneront la franchise de nos débats et que leurs conclusions contribueront à donner un nouveau souffle, une nouvelle vigueur à notre processus démocratique

Ce que je retiens de la période Janvier à mars 91 : c’est la ferveur militante et la forte solidarité des acteurs (learders et membres ) de nos différentes associations

C’est la farouche détermination des milliers de maliens anonymes lors des meetings, marches : prêts à aller jusqu’au bout : des centaines y ont perdu la vie et des dizaines blessés , handicapés à vie. Hommage à tous nos martyrs ! mention spéciale aux femmes et jeunes

Toutes et tous , leaders du mouvement comme anonymes, avons couru les mêmes risques face à la répression barbare , sanglante du régime de Moussa Traoré : qui aurait pu imaginer l’épilogue de cette lutte ?

Qui allait échapper à la mort, et se retrouver à la tête des institutions, députés, maires , dans les hautes fonctions de l’administration ?



Quelles étaient les aspirations profondes : l’ouverture politique (multipartisme) libertés fondamentales , justice égale pour tous, transparence dans la gestion des biens publics (kokadjè) , un mieux être pour tous, bref le changement !

Où en est on ?

Au-delà du bilan global de la gestion des différents régimes en terme notamment de réalisations physiques des programmes de développement dans les différents secteurs d’activités ( et je pense qu’il est temps que le parti Adéma se décide à enfin publier le sien) le plus important à mon sens est de relever les actions positives et les insuffisances /échecs qui ont jalonné ces dernières décennies de pratique démocratique

I. Points positifs : Le régime de la transition a mis en place les textes fondamentaux (Constitution, lois) consacrant le multipartisme, garantissant les libertés fondamentales : un saut qualitatif avec création de nouvelles institutions pour assurer une meilleure représentation des collectivités et prise en compte des préoccupations des populations

Ø On peut constater aujourd’hui, un essor fulgurant de la vie associative, dans tous les secteurs d’activités : politique, économique, social et culturel… … Des nouvelles responsabilités furent confiées aux femmes et aux jeunes, qui ont pris une part déterminante dans la lutte pour la démocratie, ministres, gouverneur (pour la 1ère fois dans l’histoire du Mali), directrices de sociétés nationales, postes jusque-là réservés aux seuls hommes : 3 femmes en 1992 et 18 en 1997 furent élues députés et lors des dernières élections communales, pour la 1ère fois dans l’histoire du Mali 11 maires de communes rurales.



Ø La libération des initiatives créatrices surtout dans le secteur privé.



Ø la floraison de radios et journaux indépendants du pouvoir politique ( dizaines de journaux paraissent régulièrement) des centaines de radios (associatives, commerciales, communautaires, confessionnelles )opérationnelles sur tout le territoire , même s’il faut nuancer en déplorant certaines dérives : manque de professionnalisme, recherche du sensationnel, diffamations, etc…



Ø Réformes majeures engagées entre autres celle de la décentralisation, et dans les secteurs de la santé, éducation et justice (PRODESS, PRODEC, PRODEJ)

La réforme de décentralisation a permis la responsabilisation des populations, la gestion de proximité malgré les nombreuses contraintes liées à la mise en œuvre de cette réforme. Une nouvelle citoyenneté s’est créée. La mise en œuvre de ces réformes a permis un meilleur accès aux services sociaux de base : école, santé, eau potable, assainissement) malgré les difficultés persistantes dans le transfert des ressources et compétences aux collectivités.



Ø L’EID espace d’interpellation démocratique : une initiative des autorités maliennes qui offre l’occasion d’attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur la violation des droits humains, sur la détresse des citoyens confrontés à l’injustice, aux abus de l’administration. L’EID a fait des émules. Il faut noter l’initiative heureuse du Centre Djoliba qui a organisé l’ECID : espace communal d’interpellation démocratique à Sikasso en Novembre 2001.







II. Insatisfactions/ déceptions

Comme souvent rappelé, ce ne fut pas un long fleuve tranquille ! bien au contraire !

la responsabilité du parti Adéma PASJ victorieuse des élections générales de 92 dans la conduite du processus démocratique et la gestion du pouvoir d’Etat est évidemment cruciale : cette gestion a fait l’objet de débats controversés ( au sein et en dehors du parti)certains lui reprochant d’avoir privilégié la logique électoraliste ( partage du pouvoir / de gateau au lieu d’assumer seul le pouvoir en respectant le choix des électeurs ) par l’intégration de députés ex UDPM, sur les listes électorales au lieu de jouer son rôle historique de nature pédagogique pour l’ appropriation des règles et exigences de la démocratie )

D’autres par contre approuvent le choix d’une gestion concertée du pouvoir pour garantir la stabilité du régime ! Cependant le constat est que des expériences de gestion concertée du pouvoir (PSPR) et de consensus politique ont laissé un goût amer de part et d’autre : certains cadres se considèrent « marginalisés » par leur propre parti, tandis que ceux des partis alliés se plaignent de ne pas être véritablement impliqués dans la gestion des affaires de l’Etat . D’ailleurs, la plupart de ceux qui ont accepté à un moment donné d’accompagner le Président et sa majorité, ne se sentent pas concernés à l’heure du bilan lorsqu’il est jugé négatif ou mitigé

La politique du consensus prônée par ATT a été diversement appréciée : si certains estiment pertinente la participation d’une très large composante de la classe politique à la gestion des affaires de l’Etat, il y’a lieu de se demander si cette politique n’a pas plutôt contribué à affaiblir les partis politiques : certains ont carrément opté pour la politique de l’accompagnement , refusant de présenter leur propre candidat, sous prétexte d’éviter les dissensions internes pouvant déboucher sur la cassure du Parti.

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Mais les conséquences en terme d’images sur l’action politique sont désastreux : La Politique est perçue comme le moyen d’ascension sociale le plus rapide ; ce qui a contribué à altérer considérablement l’image des partis politiques et hommes politiques en général, et la confiance en le système démocratique : La transhumance politique et les fréquents changements de gouvernement sont des phénomènes liés : il faut être dans le cercle du pouvoir : décrédibilisation de la politique aux yeux des citoyens

Le débat reste posé : les citoyens maliens sont-ils favorables au principe : la majorité gouverne et l’opposition s’oppose ? : Ou bien privilégient ils plutôt le « partage du pouvoir » ?



Ø La problématique de la qualité des ressources humaines en mission de l’Etat : l’homme qu’il faut à la place qu’il faut : accusation récurrente de politisation de l’administration portée contre tous les régimes .





Ø Politisation de l’école : AEEM et syndicats d’enseignants accusés d’être instrumentalisés par les tenants du pouvoir et l’opposition selon le bord où on se trouve

Ø Kokadjè espéré n’a pas eu lieu : la gangrène de la corruption était là sous GMT : Villas de la sécheresse, FMI, famille Moussa et intimes pour dire que c’était un cercle restreint qui avait la haute main sur la passation des marchés publics .

Malgré la volonté politique affichée, la création de diverses structures chargées de la lutte contre la corruption, délinquance financière et enrichissement illicite, et quelques actions timides ,les nouvelles élites de l’ère démocratique n’ont pas réussi à freiner , maitriser le fléau :Les habitudes ont la vie dure !elle s’est élargie et a atteint toutes les couches de la société : certains cadres ont versé dans la corruption et l’ enrichissement illicite : le changement rapide de leur train de vie a confirmé les soupçons et malheureusement sali durablement la réputation de la majorité restée intègre.

La spéculation foncière a pris de l’ampleur : les élus locaux avec la complicité de certains représentants de l’administration et chefs coutumiers en ont fait leur principale source de revenus

La fraude électorale ( sous ses multiples formes) constitue un des plus grands fléaux qui impacte tous les autres aspects de la corruption : les candidats et électeurs des différentes formations politiques ainsi que des indépendants se renvoient la balle, certains n’hésitent pas à reconnaitre que c’est une pratique courante et que chacun doit s’organiser pour contrer l’adversaire, et à défaut faire comme lui : frauder pour ne pas perdre ! Nous avons opté pour l’alternance du pouvoir politique mais peu de maliens acceptent d’aller dans l’opposition. Ce qui interroge la perception de la démocratie et des élections comme mode d’accession au pouvoir.

Ne faut-il pas revoir le système de financement des partis politiques ? en durcissant davantage les conditions d’accès ?



Ø Un autre reproche souvent entendu surtout dans le contexte actuel de crise sécuritaire : les questions sécuritaires auraient été mises au second plan : les menaces étaient-elles les mêmes qu’aujourd’hui ? Fallait il anticiper quand même malgré la faiblesse des ressources financières pour faire face urgemment aux énormes besoins de base considérés comme prioritaires : école, santé, eau, emploi des jeunes et autres revendications catégorielles)

Ø La gestion des rebellions et la mauvaise expérience des opérations DDR : intégration dans l’administration d’ex rebelles souvent sans référence, sentiment d’incompréhension et de frustration des diplômés sans emploi en attente depuis de longues années : sentiment qu’il y’a 2 catégories de citoyens et que ce genre d’opération est une prime à l’impunité

Ø Dérives des services de la sécurité d’Etat : multiples exactions, violations des droits fondamentaux : enlèvements, disparitions, arrestations et détentions illégales

III. En conclusion : Que Faire pour poursuivre le processus démocratique : en tirant les leçons des échecs et consolidant les acquis

Les Réformes institutionnelles et politiques ne suffisent pas : la problématique des ressources humaines compétentes, aptes à conduire et veiller au changement (pour une gouvernance vertueuse )dans tous les secteurs de la vie publique doit être au centre des priorités.



Les institutions fortes ont besoin de leaders forts capables d’assumer pleinement et en toute indépendance leurs missions.

Exemples : en 1997 , les conseillers de la Cour Constitutionnelle n’ont pas hésité à traduire dans les faits le principe de la séparation des pouvoirs et leur indépendance vis-à-vis de l’exécutif et du l’législatif, en annulant les élections et la loi électorale

Qu’en est-il du débat sur la « démocratie à adapter à nos valeurs culturelles, traditionnelles ?

Quelles sont ces valeurs traditionnelles qui seraient en contradiction avec les principes et valeurs universelles de la démocratie ?

Ø Pourquoi n’utilisons-nous pas nos valeurs tant louées lorsque nous sommes confrontés à l’exercice du pouvoir ? telles la solidarité, l’entraide, l’esprit de justice, l’honnêteté, le goût du travail bien fait, le respect du bien public.



Le constat est que dans notre pays les élections sont vécues en général comme des compétitions entre fadenw ( frères ennemis ) : fadenya qui au lieu d’être source d’émulation, est perçu comme un affrontement fratricide à l’issue duquel le vainqueur écrase sans pitié le vaincu qui se sent humilié et ne pense qu’à se venger.

Comment faire en sorte que le vaincu garde sa « dignité » ? pour reprendre le mot d’un jeune frère chercheur





Au regard de ce développement, il est évident qu’il y’a encore un long et difficile chemin pour répondre aux attentes des populations

Pour autant est il envisageable de renoncer à la démocratie pour instaurer comme rêvent certains de nos concitoyens une « dictature éclairée » ?

La question n’est pas de savoir si le sursaut est possible ! Nous n’avons pas d’autre choix

Il s’agit de réfléchirensemble sur le comment réussir ce sursaut ? quelle doit être la part d’engagement de chacun des acteurs ? en particulier les partis politiques qui constituent un des piliers majeurs de la démocratie

Serons-nous capables de nous remettre en cause pour faire face aux lourdes menaces qui planent sur notre processus démocratique ?



Le vrai défi est donc de consolider les acquis et de reformer ce qui doit l’être pour l’adapter à l’évolution de notre société dans un monde en pleine mutation.



Est-ce trop demander aux leaders politiques de respecter leurs textes et d’être exemplaires dans la conduite des missions qui leur sont confiées et dans leurs comportements quotidiens ? Aux citoyens d’assumer pleinement leur citoyenneté en contrôlant les décisions prises et actes posés en leur nom ?





Puissions-nous toutes et tous être à la hauteur des attentes de notre peuple !



Merci pour votre écoute

Mme Sy Kadiatou Sow



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