Des flèches et contradictions bien nourris, assaisonnées avec des applaudissements rendant souvent nulle la voix de26 mars 1991s intervenants, c’est ce qu’on retient de ce Panel de haut niveau organisé par le parti de l’abeille solitaire. Objectif : édifier la nouvelle génération sur ce qui s’est réellement passé en 1991, à travers l’exposé des forces et faiblesses de la démocratie « arrachée dans le sang des martyrs ».
Ce samedi 2 mars 2022, le Centre international de conférence de Bamako (Cicb) a servi de cadre à un Panel de haut niveau. Il était placé sous le thème « 26 mars 1991-26 mars 2022, 31 ans d’exercice démocratique, où en sommes-nous ? Quel bilan et quel parcours ? ». C’est une initiative de l’Alliance pour la démocratie au Mali, Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema-Pasj).
Quoi de plus normal lorsque l’on sait que ce parti a eu la chance d’accéder à Koulouba aux premières heures de la démocratie. Après la victoire de « la révolution » ou « l’insurrection populaire », selon la vision de chacun des acteurs du mouvement démocratique, Alpha Oumar Konaré devient le locataire de Koulouba à la chute du régime de Moussa Traoré qui a été qualifié de « dictatorial ».
L’heure étant au bilan des 31 ans d’exercice démocratique, les anciens combattants du Mouvement de 1991 ont répondu présent à l’appel des abeilles pour dire, en se regardant dans les yeux, ce qui a marché et ce qui n’a pas marché depuis l’avènement de la démocratie au Mali.
Au Panel, une brochette des membres du Mouvement de Mars 1991 a pris place, et à l’ouverture du débat, les intervenants se sont succédé au pupitre. Le débat aura duré plus de 5 heures d’horloge, tellement que le sujet était intéressant, malgré que certains aient pu s’éloigner du sujet pour dire ce qu’ils ressentent sur le cœur de la conduite de la transition politique. Il s’agit de Tiébilé Dramé et d’Ali Nouhoum Diallo.
Etaient assis côte à côte Tiébilé Dramé, Tiémoko Sangaré, Ali Nouhoum Diallo, MountagaTall, Mme Sy Kadiatou Sow, Yaya Sangaré, Oumar Marico. Aussi Marimantia Diarra, Modobo Sidibé, Blaise Sangaré, Ibrahima Lansény Coulibaly ont imprimé leur présence à cette cérémonie.
S’ils sont d’accord que tout n’a pas rose durant les 31 ans de démocratie, ils ne digèrent pas les propos selon lesquels le combat du Mouvement démocratique ne fut qu’un échec, imputant la responsabilité de la situation du Mali aux hommes politiques. C’est dans ce sens que le président de l’Adema-Pasj, Marimantia Diarra, a planté le décor. Selon lui, 31 ans après, les Maliens se disent insatisfaits du bilan, les acteurs du 26 mars sont interpellés, des questions se posent. « Où en sommes-nous ? », questionne le premier responsable du parti de l’abeille solitaire.
Dans son intervention, MountagaTall du parti Convention nationale d’initiatives démocratiques (Cnid FYT), fait un retour sur les faits. Il s’est adonné à une distinction entre les acteurs du Mouvement démocratique, les régimes et la démocratie elle-même. Pour lui, il faut aller plus loin. Du point de vue de Me Tall, certains acteurs du Mouvement se sont discrédités. Parlant du bilan que certains trouvent peu non luisant, il pense que la responsabilité est partagée. Selon l’avocat, qui reconnait les erreurs des acteurs, pour redresser les torts faits au pays, le Mouvement du 5 juin Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) a été porté sur les fonts baptismaux.
En prenant la parole, Oumar Marico n’a pas été tendre avec son ancien camarade, Mountaga. Après avoir déploré l’absence du Barreau, de l’Amdh et de l’Ajdp au présidium, il a rafraichi la mémoire des participants que l’invective, dont les acteurs du Mouvement démocratique, vient d’un ancien. « L’insulte est faite par un ancien, c’est l’invective contre les acteurs du Mouvement démocratique », regrette-t-il. De l’avis du président du parti Sadi, Moussa Traoré n’a été victime d’aucun complot. A l’en croire, il a été affaibli par le Mouvement de l’Azawad. « Nous nous sommes mis ensemble pour que les lendemains chantent, mais les lendemains n’ont pas chanté. Si nous ne voulons pas reconnaitre nos erreurs, nous n’avancerons pas. L’autocritique est nécessaire pour avancer dans ce qu’on fait », a martelé le président de Sadi.
Madame Sy Kadiatou Sow, la présidente de l’Adema association, relève du bilan des 31 ans de démocratie des acquis et des turbulences. Elle se souvient de l’entente entre les acteurs du Mouvement démocratique, la farouche détermination des Maliens lors des manifestations. « Nous voulions la transparence dans la gestion des affaires, la justice, l’essor de la vie associative, la nomination des femmes aux postes de responsabilité, la liberté d’expression, la décentralisation, l’Espace d’interpellation démocratique, entre autres.
Parlant du revers de la médaille des 31 ans de démocratie, Kadiatou Sow a affirmé que la politique a été considérée comme le moyen le plus rapide pour s’enrichir. Ce qui, dit-elle, a altéré considérablement l’image des partis politiques. Sy Kadiatou Sow impute une partie de la responsabilité à la société. « La spéculation a pris de l’ampleur. Les élus locaux et les chefs coutumiers en ont fait un moyen d’enrichissement et les Maliens en sont victimes. Les élections sont considérées comme un conflit entre les frères ennemis », dit-elle.
Elle n’a pas manqué de poser une série de questions. « Serons-nous capables de faire la démocratie sans les partis politiques ? Pourquoi vous ne respectez pas les textes sur la base desquels vous êtes élus ? Puissions-nous être à la hauteur des attentes de notre pays ? », Interroge-t-elle, avant de faire savoir qu’il faut un sursaut national.
Adama Tiémoko Diarra invite ses camarades à reconnaître qu’après 31 ans, le Mali connait des problèmes liés au multipartisme, aux élections, au modèle occidental, au fonctionnement des institutions, à la gouvernance médiatique, à la justice. Selon lui, la démocratie a ouvert les vannes à la liberté sans déterminer les devoirs et responsabilités. « Ni la démocratie ni les textes ne sont à remettre en cause, le Mali se trouve confronté à une crise de gouvernance. Les Maliens ont plus que jamais besoin de dirigeants dignes de confiance », dit ce paneliste qui n’a pas perdu l’espoir d’un Mali nouveau. Ce qui l’a amené à citer le Philosophe Socrate qui dit : « La chute n’est pas un échec ; l’échec, c’est de rester là où on est tombé ».
Tiébilé Dramé, Amadou Koïta et Ali Nouhoum Diallo se sont focalisés sur la situation actuelle du pays dans ce contexte d’embargo de la Cedeao. Tiébilé a peint en noir la situation sécuritaire du pays et Ali Nouhoum Diallo a appelé les acteurs du 26 mars à l’union pour le retour à l’ordre constitutionnel au Mali.
Djiguiba Kéita alias PPR n’est pas allé avec le dos de la cuillère. Il a emboîté le pas à l’ancien Premier ministre, Zoumana Sacko, en accusant certains responsables du Cadre stratégique du M5-RFP à aider un élève de Moussa Traoré à accéder à la Primature. « Face à l’histoire, vous êtes responsables », lance-t-il aux panelistes.
Si l’ancien président de l’Adema, Tiémoko Sangaré pense que le Mouvement démocratique a atteint ses objectifs, Adama Tiémoko Diarra émet des réserves et Djiguiba Kéita parle de la responsabilité des acteurs de mars 1991 d’avoir encouragé les coups d’Etat en 1991, 2012, 2020 et 2021.
A noter que les acteurs du 26 mars envisagent multiplier ce genre de rencontre pour dire la vérité sur le 26 mars 1991 aux nouvelles générations. D’ailleurs, ils pensent se retrouver le plus vite possi.ble, à cause de l’urgence de sauver le Mali « de la lente disparition », selon le mot d’ordre de Tiébilé Dramé.