Le besoin national étant estimé à 500.000 tonnes, la 3è région a, elle seule, produit, au cours de cette campagne, environ 400.000 tonnes malgré les pertes enregistrées chez certains producteurs à cause de la qualité des semences utilisées
À Sikasso, la campagne de commercialisation de la pomme de terre s’étale de mars à juillet. Chaque année, à cette période, les acteurs du secteur, notamment les producteurs et les commerçants fournissent le maximum d’efforts pour satisfaire les clients. Si certains producteurs sont en train de se frotter les mains en ce moment, par contre d’autres se plaignent des pertes enregistrées au moment de la récolte à cause de la qualité des semences utilisées. Notre enquête pour en savoir davantage. Au Grand marché de Sikasso, difficile de faire cent pas sans tomber sur un vendeur de pomme de terre. Derrière le Centre de santé de référence, se trouve le point de vente d’Adiaratou Sanogo. Depuis le début de la saison, la ressortissante de N’gorodougou n’éprouve aucune difficulté à écouler sa marchandise. «Voulez-vous de la pomme de terre ? Venez, je vous ferai des remises», s’adresse Adiaratou aux passants. Elle affirme qu’elle peut écouler près d’une centaine de kilos par jour. « Je cède le kilo entre 200 et 250 Fcfa», précise-t-elle. Le petit marché de Wayerma II est très aminé le soir. On a de la peine à choisir une vendeuse de pomme de terre parmi tant d’autres. À peine arrivé sur place, on entend chacune des commerçantes crier: «Venez acheter de la pomme de terre. C’est moins cher chez moi». Dans ce marché, le prix du kilo varie entre 175 et 250 Fcfa. Le tubercule est également cédé en tas de 50 Fcfa et 100 Fcfa. Le marché de Médine ou encore «Sougouni coura» est très connu pour le commerce des tubercules à Sikasso. Le samedi, jour de foire, les producteurs des villages de Bamadougou, Ziansso, Zangaradougou, Bokotierie, Doumanamba, viennent pour écouler leurs pommes de terre. Ici, le kilo de ce produit de grande consommation varie entre 175 et 250 Fcfa. Selon le grossiste de Zangaradougou, Ousmane Bengaly, le marché est assez florissant cette annnée. « Les jours de foire, j’arrive à écouler près de 120 sacs de 80 kg de pommes de terre. Le sac coûte 18.000 Fcfa», explique-t-il, ajoutant que ses clients viennent de Bamako, Ségou, Mopti, Gao et Kayes. MAUVAISES SEMENCES- Hamidou Ballo de Bamadougou fait partie des producteurs de pomme de terre qui ont moins récolté cette année à cause de la mauvaise qualité des semences utilisées. «Cette année, tous les producteurs de Bamadougou qui ont utilisé la semence importée de l’extérieur ont perdu des quantités importantes de tubercules», confie-t-il. À l’en croire, certains producteurs, par désespoir, déversent leurs pommes de terre avariées dans de grandes fosses. Hamidou Ballo fait savoir que l’engrais du Mali, réputé pour sa qualité, est presque introuvable dans sa localité. Il appelle l’État à venir en aide aux producteurs locaux pour que la campagne prochaine puisse être bonne. Nous avons fait un tour au Centre de conservation de la pomme de terre en chambre froide de Sikasso. Ici, ouvriers, producteurs et commerçants sont au four et au moulin pour satisfaire les clients venus à travers tout le Mali. Ce lundi matin, à dix heures, dans la grande cour du Centre, on sent vraiment qu’on est en pleine campagne de commercialisation de pomme de terre. Devant une des chambres froides, des camions remplis de sacs de pomme de terre sont en train d’être déchargés par les ouvriers. Le couloir du bâtiment principal est également rempli de sacs de pomme de terre. À l’intérieur d’une des chambres froides, de nombreux ouvriers s’affairent à ranger les sacs de pomme de terre. Les plus costaux se font vite remarquer. «Les amis, vous êtes lents aujourd’hui. Allez-y, Faites-vite ! », lance l’un des colosses. Une chambre froide a une capacité de stockage de 3.000 tonnes. Chaque année, les coopératives, les unions, les fédérations qui composent l’Interprofession pomme de terre et autres producteurs conservent leurs pommes de terre dans les chambres froides afin de pouvoir les écouler dans le temps. Le président national de la filière pomme de terre du Mali, Abdoul Karim Sanogo, soutient que sa filière est d’une importance capitale car elle contribue à l’autosuffisance alimentaire et nutritionnelle du Mali. La campagne de commercialisation 2021-2022 de la pomme de terre a démarré en mars et prendra fin normalement en juillet. Pour un besoin national de 500.000 tonnes, Abdoul Karim Sanogo relève que la Région de Sikasso a, elle seule, produit au cours de cette campagne, environ 400.000 tonnes. «Pour ce faire l’interprofession s’est appropriée de la stratégie nationale quinquennale qui vise à atteindre 2.000 tonnes de productions nationales en semence en vue de produire 1 million de tonnes de pomme de terre. Ainsi, les Maliens pourront consommer 500.000 tonnes et le reste sera vendu dans la sous-région, notamment en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Togo, au Ghana, en Guinée, au Niger, en Mauritanie et au Sénégal», explique le président national de la filière pomme de terre du Mali.
«En réalité, la demande de pomme de terre est forte», dit-il. Cette situation, selon lui, s’explique par le fait que les producteurs ont acheté le sac de 5 kg de l’engrais NPK à un prix exorbitant. Au lieu de 17.000 ou 18. 000 Fcfa, le sac a été vendu entre 27.700 et 30.000 Fcfa. DES DIFFICULTÉS- Se prononçant sur les conditions d’accès des producteurs à la chambre froide, le président national de la filière pomme de terre soutient que la priorité est donnée aux coopératives, unions et fédérations qui composent l’Interprofession pomme de terre. Le temps de la conservation prend 4 mois (du mois d’avril au mois de juillet). Ces organisations doivent payer à l’avance 40% des frais de conservation et le reste après. Le prix de la conservation de la tonne étant fixé à 50.000 Fcfa, la coopérative paie 20.000 Fcfa à l’avance et le reste, 30.000 Fcfa, à la fin de la conservation. Pour Abdoul Karim Sanogo, le problème majeur de la campagne 2021-2022 de la filière pomme de terre, a été les semences. En effet, certaines semences importées ont été affectées par une maladie appelée «mildiou ». Cette maladie a touché près de 1.000 hectares des champs de pomme de terre des Communes de Sikasso, Zangaradou, Diomatènè et Danderesso. Notre interlocuteur évoque aussi d’autres problèmes comme le paiement des crédits de la BNDA et de Kafo Jiginew alloués aux producteurs dont les champs ont été détruits par la maladie «mildiou». Sans compter le coût élevé de l’électricité pour la conservation des tubercules en chambre froide (près de 8 millions de Fcfa par mois). À cela s’ajoutent la rareté des eaux de pluie et le besoin urgent d’un marché de légumes et de la pomme de terre. Pour le développement de la filière, Abdoul Karim Sanogo sollicite l’accompagnement de l’État et des partenaires techniques et financiers pour la construction d’autres chambres froides et la subvention de l’engrais pour la pomme de terre sans oublier la production des semences nationales de la pomme de terre. Mariam F. DIABATÉ Amap-Sikasso