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Olivier Dubois otage au Mali depuis un an: sa sœur témoigne
Publié le jeudi 7 avril 2022  |  HuffPost
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© AFP par MICHELE CATTANI
Le journaliste français Olivier Dubois pris en photo le 14 septembre 2020 à Nioro au Mali.
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Dans une série d’entretiens avec Le HuffPost, Canèle Bernard revient sur les douze mois de captivité de son grand frère Olivier Dubois, seul otage français dans le monde.

MALI – Malgré une année de captivité, l’espoir reste présent pour la famille d’Olivier Dubois. Journaliste indépendant et reporter de 47 ans, il vivait et travaillait au Mali depuis 2015, quand il a été kidnappé.

Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux le 5 mai 2021, le seul otage français dans le monde annonçait lui-même son enlèvement survenu quelques semaines plus tôt. Il y expliquait avoir été enlevé à Gao, dans le nord du pays le 8 avril, par le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, principale alliance jihadiste au Sahel et liée à Al-Qaïda.

Depuis, il peut compter sur le soutien indéfectible de ses proches, notamment sa sœur Canèle Bernard. Elle a accepté de revenir pour Le HuffPost sur cette longue année d’attente et d’espoir.

Une pétition qui change la donne…
Nous sommes le 6 janvier 2022. Voilà neuf mois qu’Olivier Dubois est détenu quelque part au Mali. En France, une pétition voit alors le jour sur le site Change.org, à l’initiative de Canèle Bernard, de son compagnon et de la mère du journaliste réunis dans le collectif baptisé “Famille Olivier Dubois Journaliste”. Une manière d’alerter et de sensibiliser l’opinion publique sur sa situation, pour ne pas qu’elle devienne “celle d’un otage oublié”.

Rapidement, la pétition prend de l’ampleur. Avec plus de 82.000 signatures à ce jour et des soutiens de poids comme l’acteur Omar Sy ou la footballeuse Wendy Renard, Canèle Bernard se félicite des répercussions positives.

“C’est un geste d’engagement qui compte beaucoup pour la mère d’Olivier, confie-t-elle. Signer cette pétition, c’est être acteur de la libération d’Olivier et c’est notre moyen d’informer les gens et de faire connaître sa situation. Une signature de plus c’est un citoyen de plus aux côtés d’Olivier.”

L’impact est suffisant pour faire réagir le président de la République, cinq jours après lors de ses vœux à la presse. “Vous connaissez ma très grande réserve pour donner plus de détails, mais je veux que vous soyez certains que nous sommes pleinement mobilisés pour œuvrer à sa libération. Un travail inlassable est mené par nos équipes diplomatiques, nos militaires et les services compétents”, avait déclaré Emmanuel Macron. Quelques semaines plus tôt, la présidence avait adressé un mot à la famille. “On nous dit alors que l’État restait attentif à l’évolution de la situation, mais personnellement je ne sais toujours pas ce que ça veut dire. C’est le flou après autant de mois sans nouvelles d’Olivier”.

“J’admets que sa prise de parole à permis de faire reconnaître le statut d’Olivier à plus grande échelle, mais c’est encore trop maigre”, reconnaissait alors celle qui est par ailleurs photographe quand elle n’œuvre pas pour faire libérer son grand frère.

… après des mois de vide
Avant cette première date importante, Canèle Bernard et sa famille ont attendu. Une attente silencieuse qui a surtout nourri leur envie de faire bouger les choses et d’investir eux-mêmes le débat public.

“Olivier avait dit à son fixeur: ‘si dans 15 minutes je ne suis pas revenu, tu préviens ma famille, Barkhane et l’ambassade’. Son fixeur a été le premier à lancer l’alerte avant qu’un autre journaliste ne prévienne lui aussi l’ambassade le 11 avril. Quand nous l’avons appris le lendemain, ça a été un choc”, se souvient-elle.

“Pendant deux à trois mois, nous n’avons rien dit, sur les conseils de la cellule de crise. Nous voulions prendre la parole. Mais comment s’exprimer? Comment dire les choses alors que nous savions que ses ravisseurs étaient des gens très connectés. Un mot mal prononcé pouvait-il porter préjudice à Olivier?” Voici le genre de questions que se sont posé les proches du journaliste aux premières heures de son enlèvement. “Nous étions sans ressource et complètement perdus face à toutes ces questions”, ajoute-t-elle.

Fin mai 2021, la famille se rapproche de Reporters sans frontières, organisée plus armée pour gérer la communication autour de ces situations. Un premier rassemblement a finalement lieu le 8 juin, place de la République à Paris.

Malheureusement, ensuite et durant plusieurs mois, Canèle “ne note pas d’actions d’utilité publique notables”. Elle comprend alors qu’il faut faire quelque chose et reprendre la barre du navire: “Après cette période de doute, d’incompréhension et de démotivation”, le choix est fait d’élaborer cette pétition pour faire connaître le sort de son frère “que les Français ne connaissaient pas”.

Le silence pesant du Quai d’Orsay
Pour avoir un premier retour officiel du ministère des Affaires étrangères, Canèle Bernard aura attendu plus de 10 mois. Le 25 février 2022, elle confie que sa famille a rencontré le cabinet de Jean-Yves Le Drian pour la toute première fois depuis l’enlèvement du journaliste.

“Jusqu’alors, nous n’avions pu échanger qu’avec la cellule de crise (un service affilié au ministère des Affaires étrangères, NDLR) que nous n’avons rencontrée qu’une seule fois, le 8 juin 2021. D’ailleurs, c’est toujours nous qui allions vers eux”, déplorait-elle avant la réunion avec le cabinet ministériel.

De cette réunion, rien de concret ne ressort finalement. “Au cours de ce rendez-vous, que nous attendions énormément, beaucoup de mots ont été prononcés, mais au final c’était une heure de rien”, décrit alors avec une colère froide Canèle Bernard, quelques jours après la rencontre officielle.

“Voilà tout ce qu’on nous a dit: ‘l’État réaffirme son engagement et sa détermination pour Olivier Dubois’, en clair nous n’avons toujours rien appris après pratiquement un an de captivité”, lâche-t-elle.

Un silence pesant et insoutenable pour Canèle et le reste de la famille. La seule véritable information fournie par le directeur du cabinet de Jean-Yves Le Drian, Nicolas Roche réside en ces quelques mots: “Aucune nouvelle preuve de vie d’Olivier Dubois n’a été constatée jusqu’à ce jour”.

Regains d’espoir venus du Mali
Sans nouvelle encourageante, Canèle Bernard s’en remet alors aux messages qu’elle et sa famille transmettent via RFI dans l’espoir qu’Olivier Dubois entende l’un d’eux, depuis l’endroit où il est toujours retenu captif.

C’est d’ailleurs la situation géopolitique au Mali qui va finalement offrir un nouvel espoir pour les proches du reporter. L’annonce, par le gouvernement, du retrait des troupes françaises au Mali le 17 février, change la donne. Sur le moment, Canèle Bernard, qui ne veut pas “suranalyser car ce n’est pas [son] rôle” reconnaît tout de même que “tout a un impact, et que cela devrait en avoir un pour la situation de [s]on frère”, sans savoir si cela serait positif ou négatif.

“L’information est maintenant connue des ravisseurs d’Olivier, donc on espère son retour en même temps que les troupes”, indique-t-elle avant de se corriger: “Enfin, on espère que ce retrait entraînera sa libération, c’est un nouveau motif d’espoir”. Dans ce dossier, “on espère que chaque État fera ce qu’il faut. D’ailleurs, pourquoi Olivier resterait otage si la France quitte le Mali, ne serait-ce pas le moment opportun pour le libérer”, finissait-elle par conclure.

Moins d’un mois plus tard, une première preuve de vie survient après 339 jours sans nouvelle. Le 13 mars, une vidéo non-authentifiée d’un peu plus d’une minute montre alors Olivier Dubois, “moralement et physiquement affaibli”, mais en relative bonne santé selon sa propre sœur.

“C’était extrêmement surprenant, mais c’était surtout une grande émotion et une joie immense”, se remémore la sœur du journaliste au lendemain de la sortie de la vidéo. Olivier Dubois demande dans cet enregistrement au gouvernement français de “continuer à faire son possible” pour sa libération, mais reste lucide quant à sa condition: “Je suis conscient que mon cas est une petite chose face aux défis et aux événements auxquels il [le gouvernement français] doit faire face, mais hier comme aujourd’hui je continue à garder espoir”.

Comme Canèle Bernard le confie, cette vidéo a été découverte en même temps par la famille d’Olivier que par le Quai d’Orsay, qui a simplement “réaffirmé son engagement total pour Olivier”, une fois de plus.

La dernière “douche froide”
Mais ce regain d’espoir est vite balayé par un coup dur. Le 17 mars, les autorités maliennes annoncent la suspension de RFI et France 24 au Mali, après la diffusion de témoignages relatant les exactions de l’armée malienne dans le centre du pays.

C’était pourtant l’un des seuls moyens à disposition de la famille d’Olivier Dubois pour lui faire passer des messages. ”À ma famille, merci pour tous vos messages radio. Tous les mois, ils sont une bouffée d’air frais et d’espoir”, indiquait d’ailleurs Olivier Dubois dans la seule vidéo publiée durant sa captivité. Selon sa sœur, “les éléments de langage” utilisés “correspondent aux messages RFI”, une preuve de vie qui rassurait et qui attestait du fait qu’il a “conscience de ce qui se passe dans le monde”.

Aujourd’hui, Canèle Bernard ne peut cacher son impuissance. ”Ça a été une douche froide. Pendant plusieurs mois, RFI nous proposait tous les 8 du mois de faire un message audio à Olivier pour cette date anniversaire. Nous avions l’impression de parler dans le vide, mais avec l’espoir qu’il entende”, nous dit-elle. “Dans ces messages, nous ne faisions pas que lui dire qu’on l’aime. On lui expliquait la situation et comme Olivier est quelqu’un de très réceptif et très intelligent, on essayait de tourner les mots de manière à ce que lui les comprenne, mais pas forcément ses ravisseurs, et ça on ne peut plus le faire aujourd’hui.”

Ne plus avoir cette option ne signifie pas rester inactif, bien au contraire. La famille s’apprête ainsi à publier une vidéo marquante ce vendredi 8 avril. Vidéo réunissant journalistes et artistes de renom affichant tous leur soutien à Olivier Dubois, dans le but de demander sa libération immédiate en signant la pétition toujours en ligne. Elise Lucet, Samuel Etienne, Gilles Bouleau, Florence Aubenas ou encore le groupe IAM, Yvan Attal ou Philippe Rebbot, tous signataires de la pétition, ont choisi de s’engager auprès de la famille du journaliste pour faire résonner sa voix, rendue muette par ses ravisseurs depuis un an maintenant.

Les entretiens avec Canèle Bernard ont été réalisés en plusieurs fois, entre février et avril 2022.
Source : HuffPost

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