Le cuisant échec des Aigles du Mali successivement à la CAN 2021 au Cameroun, et aux barrages du Mondial Qatar 2022, aura choqué la quasi-totalité du public sportif malien, excepté ceux qui auront su garder la tête froide, et réussi à ne pas s’enflammer. Par le Sport, le Mali entendait s’en servir comme tremplin afin de créer un cercle vertueux pouvant toucher les autres domaines de la vie de la Nation. Hélas, le constat dressé est implacable. Malgré de nombreuses participations à des phases finales de CAN, des sacres en cadets et juniors, et de sacrées bonnes performances au niveau mondial en catégories jeunes, le Mali doit acquérir ses lettres de noblesse sur le continent africain.
Le président de la Femafoot, Mamoutou Touré dit Ba Vieux, aura laissé plus d’un Malien sur sa fin, à l’issue de la Conférence de presse qu’il anima jeudi dernier, la première après l’élimination de l’équipe nationale des barrages du Mondial. L’on s’attendait au moins, à ce qu’il éclaire le public sportif sur les énormes dysfonctionnements évoqués dans le dispositif qui entoure l’encadrement des Aigles. Au lieu de cela, il s’agissait surtout d’un discours bien policé, politiquement lisse, et qui s’apparentait surtout à une sorte de préparation de l’opinion publique à sa nouvelle candidature pour un autre mandat. La principale information est l’appel à candidatures qui sera lancé courant la semaine par la fédé en vue du remplacement de l’ex coach, Mohamed Magassouba.
Pour son bilan, Ba Vieux n’en dira pas grand-chose. Peut-être parce que tout simplement, il est squelettique. En plus de la régression des Aigles, le bilan au niveau des clubs et des autres catégories, est tout simplement nul. L’on aura rarement constaté ces dernières années, une telle contre-performance de la part d’un bureau de fédération. Également, il aurait pu éclairer la lanterne des Maliens concernant les informations très peu orthodoxes et au dernier degré de l’amateurisme, distillées par voie de particuliers autour surtout des matches de barrages.
Pêle-mêle, nous pouvons citer, le fait que personne n’était présent à l’accueil des nouveaux joueurs binationaux intégrant la sélection, la vétusté des installations du centre de Kabala surtout l’indisponibilité d’eau courante dans les toilettes jusqu’à ce que les joueurs soient obligés de se laver avec des bouteilles d’eau minérale. Ou encore, le véritable contenu du contrat du sélectionneur Magassouba, lui qui n’aurait pas été payé durant plus de deux ans et demi. Des informations qui jettent l’opprobre et la honte sur une nation que qui se veut être un grand de l’Afrique du football. Le plus inquiétant, c’est l’opacité qui entoure le football malien et l’encadrement de nos équipes nationales. Une omerta qui encourage la médiocrité et l’amateurisme, et qui influent négativement sur les résultats du terrain.
En ce moment, pour le public sportif malien, la coupe est pleine. Des années de patience sous l’ère Ba Vieux avec un staff technique qui aura eu le temps plus que bon nombre de staffs en Afrique afin de faire un travail honorable, n’auront servi à rien. Beaucoup réclament la tête du président de la Fémelot après l’éviction de l’encadrement en place. Le problème, est l’absence d’un plan choc afin de curer les canaux du football malien. Car, l’on sait que le mal est profond. Se contenter de faire du colmatage et du bricolage comme ce fut le cas par le passé serait contre-productif, et surtout, donnerait encore une fois l’illusion que le Mali devient une puissance du foot continental alors qu’il en est rien.
A y regarder de plus près, le problème du foot malien est le même que l’on retrouve dans le fonctionnement de nos institutions et de nos différents services publics. Le mal en plus d’être profond, est généralisé. Seul manière de redresser la pente, c’est l’adoption d’une méthode choc, d’un plan Marshall, afin de trancher le nœud gordien, loin de toute interférence politique. La gestion du football doit revenir aux acteurs de la discipline et à ceux qui le connaissent. L’on a assez cédé à la passion, place maintenant à plus de raison et de cœur à l’ouvrage.
Les Aigles du Mali, sélection surcotée, enrobée d’amateurisme, d’insouciance et dotée d’une mentalité en cristal
Avec la belle génération des U20 et U 17 qui arrivaient à enchainer les matchs à un haut niveau, les Maliens nourrissaient l’espoir de voir leur sélection, enfin, rivaliser avec les grosses cylindrées du continent. Et même pourquoi pas, remporter le graal.
Le public sportif malien, en grande partie, n’aura pas su décortiquer les quelques signes, pourtant éloquents, qui prouvaient que les Aigles étaient loin du niveau que l’on leur prêtait. L’inefficacité offensif, à lui seul, est un très grand chantier. De même, il y a un réel déséquilibre au niveau des joueurs qui composent la sélection. Tous ne jouent pas régulièrement, et dans certains secteurs de jeu, le contingent fourni est mince. Aussi, dans des situations standards de jeu, qui peuvent souvent être décisifs dans un match, les coups francs et autres coups de pieds arrêtés, les Aigles ne parviennent pas à les convertir en opportunités de buts.
Autre fait majeur, qui aura handicapé les sélections « A » depuis bien longtemps, c’est ce manque de « fighting spirit » mais aussi d’orgueil et fierté dans le jeu. L’on argue que la sélection malienne est à l’image du Malien lambda. Sauf que depuis le temps que les Aigles participent aux joutes continentales, l’encadrement technique et le bureau exécutif, auraient pu trouver la solution qui convient. Toute bonne équipe qui se veut ambitieuse se dote d’un préparateur psychologique, et pas que dans le foot.
Quant aux joueurs, même s’ils sont moins responsables que le staff technique et la direction de la fédé, leur attitude souvent prouverait qu’ils ne sont pas aussi matures qu’ils devaient l’être, et dans le jeu et dans l’état d’esprit. Comment comprendre que nombres de joueurs de la sélection, et non des moindres, après la défaite subie à Bamako contre la Tunisie en barrages, aient eu l’idée tellement irresponsable et irrespectueuse de se rendre en boîte de nuit ? Et ce, sans que les dirigeants ne haussent le ton pour leur sermonner. Selon le doyen Djibril Traoré, il aura fallu que Bassala Touré monte au créneau pour menacer les joueurs qui sont possédés par l’esprit de la fête. Et le sélectionneur, qui était parfaitement au courant de cette mésaventure, aura fait jouer quasiment tous les joueurs qui voulaient faire la fête à Bamako, seulement quatre jours plutôt. Où est la discipline, le caractère, et surtout quel exemple pour les autres joueurs qui ne feraient au grand jamais pareil forfaiture ?
Il y a une chose que ces joueurs et les supporteurs maliens devront garder l’esprit. De belles générations, comme celle qui porte les couleurs du Mali en ce moment, le Mali en a eu en nombres, et ce dans toutes les catégories. La génération des Djilla, Kanouté, Seydou blen et autre Mohamed Lamine Sissoko étaient même plus talentueuse que celle des Diadiè, Djénépo et Bissouma. Pourtant, son meilleur classement à la CAN fut la quatrième place lors de l’édition tenue en Tunisie en 2004. Les causes sont les mêmes que celle d’aujourd’hui, à savoir, l’amateurisme et la médiocrité dans un domaine qui ne ment pas. Il est triste de constater que les maux qui minaient le foot malien il y a plus de vingt ans, sont toujours là. Il est encore plus triste de constater qu’aucune solution idoine n’est proposée.
En conclusion, tant que l’on ne posera pas le diagnostic du foot malien, qui est un grand malade, afin d’apporter le remède qui convient, les résultats tant souhaités ne seront que de doux rêves pour le public malien. Assez de saupoudrage, de colmatage, de bricolage dans un domaine pourtant porteur de tant de bonheurs pour un peuple meurtri par la crise.