Ayant pris son destin en main après l’annonce du départ de la force française Barkhane, l’Armée malienne est décidée d’en finir avec les groupes terroristes qui font trop de victimes dans notre pays. Pour ce faire, elle s’est dotée d’équipements de dernière génération. Et bénéficie de l’appui précieux de nouveaux partenaires
La date du 11 janvier 2013 fait désormais partie de l’histoire contemporaine du Mali. Ce jour-là, des troupes françaises débarquent à Konna, une localité située à une soixantaine de kilomètre de Sévaré (Mopti), pour stopper la progression d’une horde de terroristes vers le Centre et le Sud de notre pays. La bataille livrée par les soldats français de l’opération Serval a été décisive pour lancer la guerre de libération des régions du Nord du Mali qui étaient déjà sous le joug des terroristes et des indépendantistes depuis la chute du régime du président Amadou Toumani Touré en mars 2012.
L’Armée malienne, humiliée, démoralisée, déboussolée et très affaiblie, n’est pas pourtant restée en marge de la reconquête des régions du Nord. Le groupement des commandos volontaires (composé d’éléments de différends corps de l’Armée : armée de terre, armée de l’air, Génie militaire et Garde nationale) mis en place le 4 avril 2012 par le colonel-major Didier Dacko et placé sous le commandement du commandant Abass Dembélé (actuel gouverneur de la Région de Mopti) s’est joint aux militaires français pour la reconquête des régions du Nord.
Après les frappes de l’aviation française pour récupérer Konna, le groupement des commandos volontaires auquel faisait partie un certain Assimi Goïta, l’actuel président de la Transition, était en première ligne pour poursuivre les opérations de nettoyage au sol de Konna à Bourem en passant par Douentza, Hombori, Gossi et Gao.
Le tandem franco-malien est monté de succès en succès pour chasser les groupes terroristes du Nord. Nous avons pu faire le constat de ces succès militaires quand nous nous sommes rendus à Gao en mars 2013, au moment où militaires maliens et français livraient d’ultimes batailles aux terroristes qui faisaient de la résistance dans la Cité des Askia. Au bout de plusieurs heures de combats intenses, des dizaines de cadavres de terroristes ont été recensés par la presse au palais de justice et au commissariat de police de la ville où l’ennemi était retranché.
BILAN MITIGÉ- Les succès militaires remportés sur le terrain ont soulagé tout un pays. Le président français, François Hollande, qui a fait un déplacement au Mali quelques mois plus tard, a reçu un accueil mémorable à Bamako et à Tombouctou. À la faveur de cette visite triomphale, le président Hollande a annoncé que Serval sera remplacé par Barkhane pour poursuivre l’opération militaire française non seulement au Mali mais aussi dans tout le Sahel. L’objectif, a-t-il précisé, étant d’éradiquer l’hydre terroriste dans la région.
Le constat est que neuf ans plus tard, les objectifs que la force Barkhane s’était fixés n’ont pas été atteints à hauteur de souhait. Son bilan global est mitigé, voire catastrophique pour la plupart des Maliens. Si les Français ont pu éliminer quelques chefs terroristes étrangers et nationaux, ils n’ont pas pu empêcher que la menace terroriste se propage dans tout le Mali. Et cela malgré les moyens colossaux dont ils disposent en termes d’équipements, de combattants et de renseignement.
La colère de nos concitoyens contre les Français a été exacerbée après les massacres des populations civiles d’Ogossagou, le 23 mars 2019 et Sobane-Da le 9 juin de la même année dans la Région de Mopti par des groupes terroristes. Sans compter les multiples attaques meurtrières menées régulièrement contre nos militaires dans la même zone.
Lors des différentes manifestations organisées par le Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), plusieurs manifestants demandaient le départ de la force Barkhane pour manque de résultat. Quand le régime du président Ibrahim Boubacar Keïta est tombé le 18 août 2020, le Mouvement Yéréwolo Debout sur les remparts du jeune activiste Adama Diarra dit «Ben le Cerveau» a multiplié les sorties place de l’Indépendance pour demander de remplacer Barkhane par les Russes qui ont fait leur preuve dans des pays en guerre à travers le monde.
PARTENARIAT STRATÉGIQUE- La brouille diplomatique entre Bamako et Paris est montée d’un cran lorsque le vice-président Assimi Goïta a décidé de prendre les choses en main en dépossédant le président de la Transition, Bah N’Daw de ses prérogatives, le 24 mai 2021. N’ayant pas accepté cette nouvelle donne, le président Emmanuel Macron a annoncé dans un premier temps la fin de la collaboration entre Barkhane et les Forces armées maliennes (FAMa). Ensuite, Barkhane s’est retirée de ses emprises de Kidal, Ménaka et Tombouctou. Quelques mois plus tard, le président Macron a annoncé le retrait de ses troupes du sol malien dont le processus s’étendra jusqu’en août 2022.
En réaction, les autorités maliennes ont plutôt exigé un retrait «immédiat» de la force Barkhane de leur pays. La tension diplomatique entre le Mali et la France a renforcé le sentiment anti-français chez nos compatriotes. Nos autorités ayant compris que le Mali ne peut compter que sur ses propres forces armées pour combattre les groupes terroristes, elles n’ont pas tardé à nouer un partenariat stratégique avec la Russie. Dans le cadre de ce partenariat, notre pays a acheté plusieurs équipements militaires en Russie, notamment des hélicoptères de combat et des matériels de renseignement, qui après leur réception à Bamako, ont été immédiatement mis à la disposition des troupes engagées sur le terrain. En plus des équipements, des instructeurs russes sont aujourd’hui un appui de taille aux unités qui sont au front.
La montée en puissance des FAMa ne fait l’ombre d’aucun doute aujourd’hui. Des localités comme Bandiagara, Marébougou, Farabougou, Moura qui étaient sous l’emprise des terroristes ont été libérées à coups de canon. Partout, l’ennemi est en débandade et se fond dans la population pour avoir la vie sauve. Comme l’a affirmé le colonel Mamadou Massaoulé Samaké, commandant de l’opération Maliko-Théâtre centre qui couvre les Régions de Ségou, Mopti et Tombouctou, dans une interview qu’il nous a accordée en février dernier, la finalité de cette opération d’envergure nationale est de «chercher et détruire les groupes djihadistes» pour que la population malienne puisse avoir la paix, la tranquillité.