Interview avec le journaliste nigérien Seidick Abba sur la stratégie allemande au Niger et au Sahel.
En visite hier [10.04.22] au Niger, la ministre allemande de la Défense a promis au pays un soutien accru dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel. Christine Lambrecht avait rendu visite la veille aux troupes allemandes stationnées au Mali. Et à compter de demain [12.04.22], c'est la chef de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock qui se rend dans ces deux pays.
L'Union européenne va "'arrêter" ses missions de formation de l'armée et de la garde nationale au Mali, mais elle va rester au Sahel et se déployer dans les pays voisins, c’est ce qu’a annoncé le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.
Suite aux récentes accusations d'exactions à l'encontre de l'armée malienne et de ses partenaires russes du groupe Wagner, Berlin envisage de transférer ses soldats de la Bundeswehr vers le Niger voisin.
Dans la région frontalière entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali, les attaques terroristes recouvrent une réalité bien concrète pour la population.
Des hommes armés arrivent dans des villages à moto, par dizaines. Ils volent du bétail, entrent dans les maisons, à la recherche des hommes puis ils les frappent, pour terroriser les civils.
Dans la région de Tillabéry, par exemple, dans le sud-ouest du Niger, la situation empire ces dernières années. En dépit de la présence de centaines de soldats étrangers, notamment au Mali, justement pour combattre ces groupes terroristes.
Le journaliste nigérien Seidick Abba comprend que l'Allemagne envisage de déplacer ses soldats vers le Niger, au vu de la dégradation des relations avec le Mali. Pour lui, il s'agit toutefois vraisemblablement d'une décision "transitoire”, en attendant de voir comment évoluent la situation sur place et la stratégie des Européens au Sahel.
Visite de deux ministres allemandes au Mali et au Niger en quelques jours
Après la ministre allemande de la Défense, c'est celle des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, qui est attendu au Niger et au Mali cette semaine.
Au Niger, l'Allemagne participe déjà à l'EUCAP-Niger. Ce programme européen de formation de la police et de la gendarmerie "est très apprécié” au Niger, déclare Seidick Abba, car il forme les Nigériens à la lutte contre la fraude documentaire. Le journaliste estime par ailleurs que la présence "discrète” des Allemands dans le pays ne devrait pas poser de problème aux autorités nigériennes.
Toutefois, Seidick Abba souligne la nécessité d'aller au-delà du soutien militaire – en formation comme en équipement. Il identifie deux grands problèmes qui alimentent le mécontentement de la population et donc potentiellement le recrutement de jeunes par les groupes armés.
Deux axes pour le développement dans le Sahel
D'abord la formation professionnelle qui fait défaut. "Le Niger ne dispose, pour 23 millions d'habitants, que de deux lycées nationaux de formation professionnelle, l'un à Maradi, l'autre à Niamey”, alors que les jeunes qui étudient dans les filières générales de l'université ne trouvent pas de débouchés et se retrouvent au chômage.
Le problème d'accès aux infrastructures de base persiste également. Ce sont là deux domaines où un pays commme l'Allemagne pourrait apporter son soutien au Niger, car "il ne suffit pas d'acheter des hélicoptères de combat”, constate Seidick Abba, pour assurer le développement du pays et remédier aux problèmes de fond de la population.