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Clin d’œil : Rappel sur la détérioration de la situation du centre du Mali, qui a perdu ses ressorts sociaux sous IBK
Publié le dimanche 17 avril 2022  |  Le Wagadu
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Après le pourrissement social avancé au nord du Mali, le centre a basculé progressivement dans la violence. Il est important de faire observer qu’Amadou Koufa, à l’état civil Amadou Diallo, un prédicateur peulh du village de Koufa à Sarafèrè dans le cercle de Niafounké, région de Mopti, qui s’est rendu populaire par ses virulents prêches organisés de localité en localité dans toute cette partie du Mali, dont les audios ont été longuement tolérés par les autorités sur les antennes des radios de proximité de la région, est devenu le visage du djihadisme, et a été pratiquement la cause la plus visible des troubles motivés par la religion dans le centre du Mali.

Il a su faire sa promotion dans les mosquées et sur les médias avec des prêches au cours desquels il procédait à des invectives contre la société malienne et contre les autorités. Il s’est fait des émules qui ont vu en lui le marabout engagé, qui a voyagé à travers le monde à la quête de connaissance et qui n’a eu aucune crainte à affronter l’Etat pour ses convictions.

Lors du fameux projet des islamistes, qui avait pour but d’envahir entièrement le Mali, et qui a été bloqué de justesse par l’armée française en 2012, Amadou Koufa avait été à l’avant-garde avec sa Kâtiba de Macina, il avait été aperçu à Konna au-devant de ses troupes.

Il prône le retour de l’esprit de l’empire théocratique du Macina, l’islamisation de l’Etat du Mali, c’est-à-dire l’application de la charia sur toute l’étendue du territoire du pays. En 2017 il avait été vu sur la vidéo qui avait annoncé la création de Jamaat nostrat al-islam wal-Mouslimin, une organisation militaire et terroriste d’idéologie salafiste djihadiste, une fusion d’Ansar Dine de Iyad Ag Ghali, des forces d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) dans le Sahel, de la Kâtiba de Macina et de la Kâtiba Al-Mouraboutine. Il est le leader qui est parvenu à mobiliser les jeunes talibés majoritairement peulh dans la voie du djihadisme et a permis d’installer assurément le chaos dans le centre du Mali.

Mais depuis une opération des forces spéciales françaises, appuyée par l’armée malienne du Jeudi 22 Novembre au Vendredi 23 Novembre 2018 Amadou Koufa a été déclaré mort des suites de ses blessures dans la forêt de Wagadou ou il avait été transporté par ses disciples. Pourtant ses combattants malgré un semblant d’inorganisation et la pression des armées françaises et maliennes qui les acculaient n’avaient jamais cessé de proclamer que leur chef était bien vivant.

Et le journal panafricain, Jeune Afrique, avait conforté leurs dires en écrivant dans ses lignes que le chef de la Kâtiba de Macina était apparu dans une vidéo d’une vingtaine de minutes, que l’information avait d’abord circulé sur les réseaux internet jihadistes, avant d’être reprise par la presse, le 28 Février 2019. Le journal avait même précisé que les images étaient d’une mise en scène savamment orchestrée, sur lesquelles l’homme apparaissait visiblement en bonne santé.

Nous sommes sur d’une chose c’est que le célèbre prêcheur de Koufa n’a pas encore terminé de faire parler de lui. Il hante cette zone qui l’a vue naitre et dont il est en train de rendre infernal avec ses compagnons.

De Douentza à Koro, à la lisière du Burkina Faso, en passant par Bandiagara il est presque impossible de voyager tranquillement. Mopti Ville est un ilot de paix précaire encerclé par des zones totalement perturbées. Dans la partie de la région dite « zones inondées » Youwarou, Teninkou, Djenné l’insécurité s’est étalée telle un manteau de désespoir. Elle a atteint les frontières de la région de Ségou et frôle celle de Koulikoro (Nara, Banamba…) elle concerne même la région de Kayes dans le Sahel occidental (Diéma, Nioro…)

Au centre du Mali, les djihadistes tournent au vu et au su de tout le monde, intimidant, harcelant et imposant leur vision. Ils font des irruptions dans les mosquées y font des prêches virulents, dénigrent l’Etat, critiquent la société, prient avec les populations puis disparaissent. Ils sanctionnent en tuant ou en enlevant ceux supposés être les informateurs de l’armée malienne. Ils attaquent les positions des militaires partout dans ces localités et prennent en otage des civils, enseignants et autres administrateurs.

Dans certaines localités ils remplacent carrément les tribunaux. Nous avons encore en mémoire l’enlèvement de ce maire élu dans le cercle de Douentza dans la région de Mopti en 2017 parce qu’un homme à qui, il devait un million de franc CFA, s’était plaint auprès des djihadistes. Il fut libéré lorsque ses parents sont arrivés à réunir la totalité de la somme et rembourser le plaignant. Quand le droit coercitif de l’Etat est ainsi usurpé et qu’il reste impuissant, les populations ne pensent plus qu’à la survie. Les règles deviennent celles du plus fort, et cela quelle que soit la nature de ce dominant.

Lorsque l’on rentre dans les zones dites inondées de la région de Mopti, les célébrations des mariages ne respectent plus le modèle traditionnel, elles suivent désormais les règles imposées par les djihadistes, tout manquement à ces règles expose les personnes supposées fautives à des punitions sévères pouvant aller jusqu’à la flagellation. On peut encore se souvenir de ces femmes parties de Mopti pour participer à un mariage en 2017 dans la zone, et elles en ont été victimes, des vidéos ont circulées à l’époque pour le prouver.

Le gouverneur de Mopti ne passe plus la nuit dans sa résidence officielle, elle est considérée comme trop exposée, il passe ses nuits au camp de Sevaré. À partir de 18 heures il n’est plus possible de voyager dans toute la zone. Les préfets ont déserté leurs postes, il n’y a plus d’administration, des centres de santé inoccupés, parce que sans personnels de santé, des centaines d’écoles ont fermées à cause du manque d’enseignants parce que les djihadistes ne veulent plus des écoles à l’occidentale. Des villageois sont carrément chassés des territoires qu’ils occupaient depuis des lustres. Une épuration s’effectue contre d’autres religions. La grande inquiétude est surtout le fait que les populations sont en train de s’accommoder de cette gestion des combattants religieux. Certains, en comparaison avec la gestion de l’Etat central, trouvent même meilleure celle des djihadistes, une véritable catastrophe.

Pourtant le centre du Mali a toujours été un carrefour religieux, ethnique et commercial. Une réalité qui avait été rendue possible grâce à la tolérance de ses habitants et des équilibres sociaux. Les dogons, les peulhs, les sonrhaïs, les bambaras et autres bozos ont toujours su cohabiter tout en se respectant. Ils sont musulmans, chrétiens, animistes pourtant ils se fréquentent et ont toujours ensemble célébré les événements sociaux des uns et des autres.

Les équilibres tenaient par les patriarches, par des symboles tels que les totems, par les influences des sages Marabouts. Mais depuis 2012 les bandits armés ont procédé à des assassinats ciblés pour casser les ressorts de la société, l’assassinat du patriarche Moussa Balobo Maiga de Hombori, celui de Hamadoun Dicko maire de Boni en Janvier 2016, ce dernier était aussi membre de la famille princière de la localité, des faits qui en sont des preuves palpables.

Mais avant, en avril 2015, c’est le chef du village de Dogo, Amadou Issa Dicko, à 30 km de Sevaré, qui fut tué. Début novembre 2015, selon Soumaïla Sangaré, secrétaire général de la Commune urbaine de Djenné, Kola Kane Diallo, chef du village de Manga-Peul, à 3 km de Sofara, et le marabout Moctar Ouédraogo furent assassinés. Dans d’autres localités, les maires et d’autres autorités administratives, empêchés d’exercer leur fonction, ont fui.

Ces forfaits sont perpétrés par de petits groupes de djihadistes très mobiles. Ils se promènent entre les villages pour prêcher”. Ils disent vouloir “réorganiser” l’islam et ne font pas mystère de leur hostilité vis-à-vis des chasseurs (Donso) dans la brousse, ils s’opposent au recouvrement des impôts et à l’école des ‘’blancs’’. En fait ils sont surtout réfractaires à tous les symboles de l’Etat.

Ainsi, le centre a entamé un processus de déstructuration, il est en train de perdre tous ses repères et toutes ses lianes sociales. Un fossé se creuse séparant des ethnies qui se sont aimées, se sont soutenues et ont vécu des siècles dans une immense harmonie.

La gouvernance d’Ibrahim Boubacar Keïta a émietté un pays séculaire, avec une grande fierté et une civilisation de tolérance exceptionnelle. Une société exemplaire s’est désintégrée devant le monde à cause de l’orgueil et de la cupidité de ses dirigeants et par l’ignorance du peuple.

Dans la région de Ségou, la porte du centre du Mali, les populations ne se sentent plus en paix, de Niono en passant par Diabaly jusqu’à Djenné les habitants sont harcelés, menacés et pillés. Un juge et un responsable militaire ont été enlevés, ils sont décédés entre les mains de leurs kidnappeurs sans que rien ne se passe. Des vidéos ont circulé les montrant en captivité, rien. C’est passé, ce n’est plus dans les priorités, des cadres du pays en pleine activité, enlevés chez eux et qui meurent entre les mains d’individus sans foi ni loi et l’Etat passe dessus, sans aucune conséquence.

Dans le plateau dogon, des chasseurs dogons armés par des mains invisibles, mais suivant un planning précis, massacrent, harcèlent et humilient les habitants peulhs, des frères qui ont toujours vécu en symbiose parlant tous peulh, qui se taquinaient sur les places des marchés, qui s’étaient tolérés dans leurs pratiques religieuses et qui sont devenus subitement des ennemis jurés.

Djenné, la belle est souillée par le sang de ses peulhs, qui sont tués par les donsos bambara comme des insectes, ces mêmes bambaras, qui, il y’a peu de temps célébraient les fêtes de mariages et de baptêmes avec ces mêmes peulhs. L’ombre d’Ahmadou Koufa est passé par là, les militaires ne tenant plus, la peur, la suspicion et l’affaissement de l’Etat ont séparé ces ethnies qui vivaient dans les joies partagées dans une société en paix.

Des checkpoints sont établis par des donsos bambara, Bozo ou dogon, ils dépouillent les femmes peules sur les routes des marchés. Des hordes de motards, malgré l’interdiction de la circulation des motos, en colonnes de cent, deux cents individus font des descentes dans les villages peulh, rassemblent les troupeaux, fixent des amendes lourdes en fonction de leur humeur. Les éleveurs peulh se terrent dans les villages, vendent leurs bétails, n’osent plus s’éloigner des habitations, les champs ne sont plus cultivés. La peur et la haine se sont installées.

Tués et honnis par les autres à cause de suspicions d’appartenance aux troupes d’Ahmadou Koufa, le prédicateur peulh allié des djihadistes, les disciples de ce dernier se donnent le droit de martyriser aussi leurs frères peulh qui refusent de se joindre à eux.

De Diafarabé à Youwarou en passant par Teninkou et Tonkorocoubè, les peulh n’ont plus le droit de danser, de chanter, leurs cérémonies sont devenues fades, en plus de tout cela ils ont aussi l’interdiction d’aller à l’école des blancs. Ils sont pris en tenaille entre les militaires maliens, les donsos et les rebelles islamistes d’Ahmadou Koufa. Un bien triste sort pour cette communauté jadis citée en exemple par sa cohésion.

Le Mali se disloque, parce que des ethnies se braquent les unes contre les autres. Pourtant les casques bleus des nations Unies et toutes les armées du monde sont présents sur son territoire. Les massacres se perpétuent sans que, ni la justice malienne, ni la justice internationale ne lèvent le petit doigt. Le fossé social s’élargi, mais les responsables persistent à maintenir le statu quo. Le pouvoir n’a pas encore compris ou n’arrive pas à comprendre l’étendue du désastre.

Le Jeudi 10 Janvier 2019 l’état-major des armées de la France a précisé à Paris qu’une manœuvre militaire en deux temps, entre le 4 et le 9 janvier, a permis de capturer ou de tuer une vingtaine de jihadistes de la Kâtiba « Serma » Selon la radio France Internationale. Aussi, l’armée française a ajouté qu’une base logistique et d’entraînement ont été découverte lors de cette intervention, des armements, des véhicules et du matériel permettant de fabriquer des bombes artisanales (IED) ont été trouvé sur place. La « Kâtiba Serma » est un groupe qui recrute dans la communauté peule du centre du Mali et serait impliquée dans des opérations terroristes importantes dans les pays voisins ; particulièrement au Burkina Faso.

Par ailleurs la même radio a annoncé sur ses ondes qu’au cours de sa visite de terrain au Mali, le patron du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s’est rendu à Mopti au centre, et dans le Nord, notamment dans les localités de Gao et de Tombouctou, courant Janvier 2019. Pour lui, qui a visité déjà le Mali en octobre 2012, les besoins humanitaires n’ont pas diminué. Pour l’humanitaire, la violence est en train de bouger vers le centre, donc au cours de l’année 2019, il a été prévu que les efforts du CICR au Mali vont être consacrés au centre du pays.

Pour la fédération internationale des droits de l’Homme, le centre du Mali est devenu la zone la plus dangereuse du pays. Elle décrit dans un rapport que 40% des attaques y sont recensées, et affirme que près de 1200 personnes auraient été tuées entre 2017 et 2019 et que près de 30.000 déplacées ou réfugiées sont des ressortissants de la zone.

Les conflits au centre ne sont plus ces conflits habituels, cycliques, quelques querelles entre agriculteurs et éleveurs. Aujourd’hui, l’armée est présente dans ces zones, et selon le rapport de la FIDH elle est responsable de 20% des violations des droits de l’homme, depuis le début de l’année 2019. Nous avons aussi les donsos Bambaras vers Djenné, les donsos dogons vers le plateau dogon les deux contres les milices peules. Des milices communautaires qui se tuent, se massacrent au nom de la défense de leurs ethnies.

Le centre est en passe de devenir le point névralgique des tensions au Mali. Si une attention particulière n’est pas apportée à cette zone, elle va focaliser tous les efforts, tandis que les problèmes du Nord ne s’estompent pas du tout. Au contraire la situation s’y complique et l’Etat se mêle gravement les pinceaux chaque jour.

Le conflit au centre va rendre le nord encore plus inaccessible. Surtout qu’aujourd’hui pour les plus prudents des voyageurs, pour rallier Gao, il faut emprunter désormais l’axe Bamako-Ouagadougou-Niamey. La stratégie adoptée au centre, c’est comme cela qu’il faut le dire, est déjà arrivée à séparer de vielles communautés qui vivaient en bonne harmonie, elle a affaibli les ressorts sociaux en éliminant les patriarches et les chefs des familles d’érudits, qui étaient bien écoutés dans ces contrées. Les socles sociaux sont tombés, les localités sont livrées à elles-mêmes.

Et au moment où les regards sont braqués sur le centre du Mali, au nord on est en train de chercher à installer un État, un outil très efficace œuvre pour l’accomplissement de cet objectif, l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, et il est bien appuyé par un cheval de Troie, l’exécutif du Mali, qui tient contre vents et marées à l’appliquer. Il est prêt à le faire les yeux fermés sans même observer la réalité du terrain.

Le centre du Mali est bel et bien devenu un tampon, et peut être un État tampon. Nous devons prendre du recul pour mieux apprécier les configurations. Nous nous affaiblissons chaque jour alors que nos ennemis sont à l’œuvre minutieusement, sournoisement mais efficacement. Nos divisions internes nous ont fait perdre tous nos acquis.

Le Mali s’expose et les maliens ne sont pas en train de mesurer toute la gravité du problème, ils ne sont pas en train d’imaginer tout ce que le Mali peut perdre dans ce conflit qui progresse petit à petit, mais qui progresse avec assurance chaque jour, avec son lot de massacres et de destructions de village.

Nous avons le devoir de stopper cela, nous ne devons pas oublier que le Mali est un immense pays, la région de Kayes s’étend sur 120.760 km² presque la superficie totale de la république du Sénégal, qui fait 196.722 km². La région de Mopti avec 79.017 km² fait plus que deux fois la superficie de la Guinée Bissau 36.120 km². La région de Sikasso s’étale sur 71.790 km² elle est plus grande que la république de Sierra Leone, qui a 71.740 km² en superficie totale. Le Mali fait en superficie totale quatre fois la république de la Guinée Conakry et plus de trois fois la Côte d’ivoire.

Nous avons hérité de cette immensité grâce à notre importante identité culturelle et surtout grâce à l’interdépendance des communautés, qui vivaient ensemble dans le respect, et dans une protection mutuelle. La grandeur d’âme des maliens de l’époque ne pouvait exiger moins. Nous sommes en train de perdre un héritage laissé par nos grands esprits, par nos grands érudits, par de grands guerriers créateurs d’empires. Nous risquons de perdre ces grands atouts pour nous retrouver dans des pays balkanisés.

Moussa Sey Diallo, élu URD

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