Le G5 Sahel se trouve face au casse-tête de la succession à sa tète de Mahamat Idriss Deby. Célébré il n’y a pas si longtemps pour son efficacité, le G5 Sahel connaît la pire crise de son existence depuis sa création en 2014. Pour la première fois de son histoire, le G5 Sahel n’a pas réussi à réunir sa conférence annuelle des chefs d’Etat.
Une chronique de Francis Sahel
Le mandat d’un an du président tchadien Mahamat Idriss Deby à la tête du G5 Sahel s’est achevé depuis le mois de février dernier. Mais faute de successeur désigné, le chef de l’Etat tchadien joue les prolongations à la tête de cette organisation inter-Etats qui regroupe le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad.
L’épouvantail Assimi Goïta
Selon la règle de la présidence tournante, c’est le chef de l’Etat malien le colonel Assimi Goïta qui devrait succéder à son homologue tchadien Mahamat Idriss Deby lors d’un sommet organisé au début de l’année 2022 à Bamako, au Mali. La tenue d’un sommet du G5 Sahel en terre malienne s’est transformée en opération impossible. En raison des relations exécrables entre les pouvoirs malien et nigérien, il semblait certain que le président nigérien Mohamed Bazoum n’aurait pas fait le déplacement de la capitale malienne.
Pour contourner cet obstacle, le président tchadien a envisagé la tenue de la 8 ème Conférence des chefs d’Etat du G5 Sahel sous un format virtuel. Il s’est très vite ravisé après avoir constaté que cette option aurait conduit inévitablement à confier les clés du G5 Sahel à Assimi Goïta. Ce qui aurait mis vent débout les partenaires de l’organisation, à commencer par la France et l’Union européenne. Deux partenaires privilégiés du G5 Sahel qui sont dans « le tout sauf Assimi Goïta ».
Or, en l’état actuel de ses règles de fonctionnement, le G5 Sahel ne peut pas enjamber le tour du Mali pour confier sa présidence à un autre pays. Mahamat Idriss Deby ne peut pas non plus rétrocéder la présidence au Burkina Faso qui avait accueilli en 2020 la 6 ème conférence des chefs d’Etat. L’impasse à la présidence du G5 Sahel est donc devenue totale : ni Goïta, ni un autre chef d’Etat.
L’asphyxie budgétaire
Derrière la paralysie institutionnelle qui prolonge le mandat de Mahamat Deby sans perspective de lui trouver un successeur, apparait la menace de l’asphyxie budgétaire du Secrétariat exécutif. En effet, les crédits budgétaires du Secrétariat exécutif, basé à Nouakchott sont votés annuellement par la conférence des chefs d’Etat qui n’a pu se tenir cette année. Résultat, faute de budget statutaire le nouveau Secrétaire exécutif, le Burkinabé Eric Tiaré Yemdaogo, et ses équipes bricolent pour faire tourner la maison. Mais jusqu’à quand? Combien de temps se passer des moyens financiers régulièrement votés par la 8 ème Conférence des chefs d’Etat dont la tenue devient chaque jour encore plus incertaine?
Dans les semaines à venir, trois des cinq chefs d’Etat seront si accaparés par leurs agendas nationaux qu’ils n’auront pas la tête à la survie du G5 Sahel. Bien qu’il soit le président en exercice en titre, le Tchadien Mahamat Idriss Deby aura bientôt l’esprit accaparé par la tenue du dialogue national inclusif au début du mois de mai. Des résultats de ces discussions inter-tchadiennes dépendra la suite de la transition, mais surtout l’avenir de Mahamat Idriss Deby, qui n’a toujours pas écarté la possibilité de conserver le pouvoir.
Son homologue malien n’a guère plus de temps. Pris entre l’étau de la CEDEAO et sa surenchère avec la France, Assimi Goïta a d’autres urgences que le sauvetage du G5 Sahel. Il en va de même pour le Burkinabé Paul-Henri Damiba, arrivé au pouvoir en janvier 2022, suite au coup d’Etat qui a renversé Roch Marc Christian Kaboré. Au sommet de l’agenda du lieutenant-colonel Damiba se trouvent les discussions serrées avec la CEDEAO sur la période de transition, la reconquête des parties du territoire aux mains des groupes terroristes ainsi que la préparation des prochaines échéances électorales. Difficile donc d’y trouver la place pour la survie du G5 Sahel.
Il n’est finalement pas sûr que la bonne volonté du président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani et de son homologue nigérien Mohamed Bazoum suffise à sauver le G5 Sahel.