Suite à sa délibération du lundi 25 avril 2022, le Collège de la Haute Autorité de la Communication (HAC) a retiré définitivement l’autorisation d’établissement et d’exploitation du service de Radio France Internationale (RFI) et celui de la télévision France 24 accordée à France Médias Monde par la Convention n°055/HAC-MALI/2018 du 11 juin 2018.
Selon la HAC, la décision de retrait définitif fait suite à « des manquements » qu’elle a relevés dans le traitement de l’information sur le Mali par ces deux organes suivis depuis plusieurs mois par le Centre de Monitoring.
La HAC rappelle que la Commission de l’Ethique, du Contentieux et de la Déontologie, suite à l’auto saisine de la HAC, a examiné le contenu des émissions consacrées à l’actualité la plus récente, notamment celles diffusées sur les deux chaînes à partir du 10 janvier 2022 et qui sont relatives à l’attaque du camp de Mondoro, aux reportages de David Baché des 13 et 15 mars 2022 sur des supposées exactions de l’Armée malienne sur les populations civiles dans le Centre du Mall et dans la zone de l’Office du Niger, à la supposée présence d’éléments du Groupe Wagner au Mali, à la prétendue disparition de citoyens mauritaniens à la frontière malienne, au rapport de Human Rigths Watch sur le massacre présumé de soixante et onze personnes par l’Armée malienne, et à l’usage d’expressions à connotation « ironique » et « péjorative » pour désigner les autorités maliennes.
« Il ressort de l’examen de ces différentes émissions consacrées au Mali par RFI et France 24, le non-respect des principes d’éthique et de déontologie sur le traitement professionnel de l’information, le non-respect du pluralisme et de l’équilibre des points de vue, les pratiques de parti pris dans la couverture des actes de guerre, des attentats des violences armées contre les civils, entre autres », souligne le communiqué de la HAC.
En plus de la violation des règles de l’éthique et de la déontologie, poursuit l’organe de régulation des médias, les émissions incriminées ont porté atteinte à la défense et à la sécurité nationales et mis en péril la concorde et l’unité nationales. « Ces émissions constituent une violation des textes susvisés et de la Convention d’établissement liant France Médias Monde à la Haute Autorité de la Communication. La violation de ces dispositions substantielles est considérée comme grave par la Haute Autorité de la Communication », peut-on lire entre les lignes du communiqué.
Eu égard à ce que précède, la HAC a, par conséquent, décidé de retirer définitivement l’Autorisation d’établissement et d’exploitation de la Radio France Internationale, RFI, au Mali, accordée à France Medias Monde, et les chaines RFI et France 24 des bouquets de tous les distributeurs de programmes audiovisuels et des plateformes et sites des fournisseurs d’accès internet et des opérateurs de téléphonie mobile.
Rappelons que ce sont ces griefs qui avaient valu la suspension de ces deux chaines le 16 mars dernier du territoire malien. Le Gouvernement rappelle que les agissements de RFI et de France24 ressemblent, dans un passé récent, aux pratiques et au rôle tristement célèbre de la radio « Mille Collines dans un événement tragique survenu en Afrique.
Réplique de France Médias Monde
Le consortium France Médias Monde « conteste avec force la décision », via un communiqué signé de Thomas Legrand-Hedel. Directeur de la communication et des relations institutionnelles, et Anthony Ravera, Responsable presse RFI. Selon eux, la HAC-Mali n’a pas tenu compte de ses réponses détaillées et circonstanciées à chacun des griefs qu’elle formulés à l’encontre de RFI et de France 24. Tout en promettant de donner « toute suite appropriée à la décision, France Médias Monde proteste vivement contre cette décision qu’elle considère infondée et arbitraire, et fait savoir son intention d’utiliser toutes les voies de recours possibles. L’ensemble des réponses dûment livrées par France Médias Monde à la HAC, dans le parfait respect des procédures maliennes, attestent point par point du professionnalisme et de l’indépendance de ses journalistes, contestant ainsi toute violation des dispositions citées dans la mise en demeure de la HAC en date du 28 mars 2022 ».
Dans son communiqué, France Médias Monde dénonce, en outre, « un vice de procédure lié à la coupure brutale, unilatérale le 17 mars, préalable à toute mise en demeure et/ou toute sanction (la mise en demeure de la HAC date du 28 mars), qui rend juridiquement nuls et de nul effet tous les actes et procédures qui y sont postérieurs ».
Toujours selon le communiqué, « France Médias Monde s’étonne également que, contrairement au principe de l’égalité de traitement de tous devant la loi, la HAC n’ait ciblé que les chaines de France Médias Monde au titre d’informations qu’elles ont diffusées sur des exactions présumées de l’armée malienne, alors que des informations de même nature sont diffusées par d’autres médias accessibles au Mali, sans qu’ils n’aient encouru la moindre sanction, ce dont FMM se réjouit ».
Action en diffamation
La maison-mère de RFI et France 24 s’engage dans un bras de fer avec le Mali. « France Médias Monde engage une action en diffamation en France et au Mali, à la suite de la publication du communiqué du 16 mars 2022 ayant annoncé la suspension de ses médias, dans lequel le gouvernement malien compare les agissements supposés de RFI et France 24 « aux pratiques et au rôle tristement célèbres de la radio Mille collines ». Ces accusations qui font référence à la radio ayant encouragé le génocide des Tustis au Rwanda en 1994, en plus d’être totalement infondées, sont extrêmement graves et choquantes, portant atteinte à l’intégrité de RFI et France 24 comme à la sécurité des équipes », peut-on lire dans le communiqué.
Et le communiqué de poursuivre : « Ces allégations sont d’autant plus insupportables pour des médias qui, pour avoir simplement fait leur métier d’informer au plus près du terrain et des populations en couvrant des enjeux de paix et de réconciliation, ont perdu deux reporters d’abord enlevés puis lâchement assassinés par des djihadistes à Kidal, dans le nord du Malil, en novembre 2013 ».
France Médias Monde n’est pas prêt à lâcher du lest Thomas Legrand-Hedel. Directeur de la communication et des relations institutionnelles, et Anthony Ravera, Responsable presse RFI maintient le cap de l’i « indépendance et liberté d’informer ». « Prenant acte de la décision prononcée par la HAC tout en engageant tous les recours possibles pour faire valoir ses droits, France Médias Monde poursuivra sa mission d’informer et continuera à traiter l’actualité du Mali, qui intéresse l’Afrique toute entière comme le reste du monde, et notamment la communauté malienne en France. Au Mali, toutes les solutions techniques seront déployées pour rendre accessibles RFI et France 24 aux Maliens et aux Maliennes qui souhaitent continuer à suivre une information libre, experte et ouverte sur le monde. France Médias Monde rappelle son indépendance des pouvoirs politique et économique qui s’incarne tant dans son mode de financement que dans le mode de nomination de ses dirigeants », souligne le communiqué.
Somme toute, France Médias Monde s’engage véritablement dans un bras de fer avec la HAC-Mali et les autorités de la Transition. Le groupe emboiterait ainsi le pas aux autorités françaises obstinées à ne pas laisser les autorités maliennes dérouler convenablement leur agenda de la Transition.