La non reconnaissance des autorités de la transition après « le coup d’Etat dans le coup d’Etat » (Macron dixit) du 24 mai 2021 vaut bien la dénonciation des accords militaires entre le Mali d’une part, la France et ses alliés européens qui l’ont accompagnée dans l’Opération Takuba d’autre part. C’est l’explication simple et plausible qu’on peut apporter à l’acte rendu public par le gouvernement malien, le 2 mai dernier, qui rend irréversible l’invitation faite, le 18 février précédent, à Paris de « retirer sans délai » Barkhane et les forces spéciales européennes du sol malien » sous la supervision de l’armée nationale ».
En fait ces retraits sont en cours depuis le dernier trimestre de 2021 avec la libération des emprises de Kidal (Octobre) Tessalit (Novembre) Tombouctou (Décembre) et celle de Gossi intervenue le 26 avril passé. Il ne reste donc plus que les bases de Menaka et de Gao-la plus grande et la mieux équipée de toutes-qui devraient être remises aux FAMa et à la MINUSMA (la formule choisie par la France) » dans un délai de quatre à six mois » soit entre juin et août prochain. Cela « en bon ordre » c’est-à-dire sans précipitation aucune. Paris de rappeler à cet égard » sa détermination à assurer la sécurité de ses soldats et des soldats de la MINUSMA engagés à ses côtés au cours de cette phase de désengagement « . Une mise en garde sans ambiguïté à Bamako qui exige « un effet immédiat » à sa dénonciation des accords militaires. Laissant entendre par là que les forces françaises et européennes sont en situation d’illégalité sur le territoire malien dès l’annonce de sa décision.
La situation a été jugée suffisamment « préoccupante » par la Russie qui a convoqué une réunion » informelle » du Conseil de sécurité tenue mardi 3 mai à huis clos. Il y a urgence, en effet, à calmer les ardeurs afin d’éviter que le Mali ne se transforme en un champ d’affrontements entre d’un côté les FAMa soutenues par les Russes, de l’autre la France et ses alliés occidentaux. Devenant ainsi une Syrie sahelienne au grand bonheur des organisations terroristes qui le convoitent et autres indépendantistes impénitents. Sans compter l’immense souffrance qui serait infligée aux populations et la régression économique qui s’ensuivrait.
Au-delà du risque réel d’ouverture d’un nouveau front militaro-diplomatique entre Moscou et Paris après le bourbier syrien (onze ans de guerre meurtrière et dévastatrice) la chienlit centrafricaine et depuis le 24 février l’Ukraine, le retrait des forces françaises et européennes suscite bien des interrogations. Ces forces, en particulier françaises, ne se limitaient pas à effectuer consciencieusement des patrouilles régulières qui permettaient aux populations de vaquer tranquillement à leurs affaires et de dormir sur leurs deux oreilles. Elles contribuaient également à leur bien-être à travers des actions dites « civilo-militaires » consistant à leur fournir de l’eau potable, des vivres, des équipements sanitaires et éducatifs, de l’énergie solaire. Ces actions visant à soustraire les bénéficiaires de l’attrait néfaste des groupes djihado-terroristes sont-elles prévues dans le contrat conclu avec les Russes, coopérants fournis par l’armée officielle de Poutine ou mercenaires de Wagner s’il est confirmé qu’ils se trouvent bien au Mali ?
Autre interrogation relative cette fois-ci à la MINUSMA. Cette mission onusienne, déployée en avril 2013 à la demande du président intérimaire de la République, Pr Dioncounda Traoré, a vocation à œuvrer à la stabilisation du Mali à travers la protection des civils dans les zones de conflit, à apporter assistance aux déplacés, à rétablir l’autorité et la présence de l’Etat ainsi que les services sociaux de base, enfin à appuyer les pouvoirs publics dans l’organisation des élections. Force dissuasive, elle jouit elle-même de l’assistance de Barkhane en appui aérien quand elle est attaquée, ce qui arrive souvent. Les casques bleus blessés sont évacués par des hélicoptères français ou de Takuba vers l’hôpital de la base française de Gao, le plus performant du Nord du Mali. Ajoutons-y que le budget annuel de 1, 2 milliard de dollars US de la MINUSMA est alimenté à 62,23 % par des pays occidentaux dont 27, 89 % par les seuls États-Unis d’Amérique. La Chine occupe la deuxième place avec 15, 21%, la Russie ne participe qu’à hauteur de 3, 04%, loin derrière la France qui affiche 5, 61%. Elle est devancée même par l’Italie qui se situe à 3,30%.
Avec le retrait de Barkhane et Takuba, la MINUSMA se retrouvera orpheline et le chef de l’ONU, Antonio Guteres a exprimé son inquiétude à cet égard en déclarant : » La seule chose que nous voulons est que (ce retrait) ne crée pas de difficulté avec la MINUSMA « .Ce sera, hélas, le cas. Il est tout aussi probable que l’argent des Occidentaux ne servira pas à entretenir une mission onusienne qui sera placée sous protection russe, surtout s’il s’agit de Wagner et compte tenu de la situation créée par la guerre russo-ukrainienne. Il y a donc à craindre que le mandat de la MINUSMA ne soit pas renouvelé en juin prochain, en dépit de ce qu’en a dit le premier ministre Choguel Maïga devant le CNT. Mais prudent il s’est dit » persuadé que la situation à la crise malienne est entre les mains des Maliens eux-mêmes « .
On veut bien le croire.