Il faut être dans la fourchette des cinquante ans pour situer Mamadou Kouyaté dit Jagger dans le temps et se rappeler qu’il a été un éminent journaliste au quotidien national “L’Essor”, le rédacteur en chef du journal Podium. Il fait partie de l’équipe choc du pionnier de la presse sportive malienne. La première fois que nous l’avons rencontré, c’était pour réaliser un dossier sur Podium. Jagger a un calme olympien, ce qui traduit un sang-froid de pêcheur. Le tout soutenu par une intelligence qui s’affirme sous la forme d’une plume d’une densité et rare beauté. Il a dirigé pendant 12 ans (deux mandats avec Amadou Diakité et le dernier avec Tidiane Niambélé) la Commission centrale des médias de la Fédération malienne de football. Il est le fils d’un ancien secrétaire général de la Fémafoot, Cheick Kouyaté. Cette icône a loyalement servi le football malien. Il mourut en août 1985. Jagger nous a reçus en début de semaine au siège d’un journal de la place. Le plan de résistance de l’entretien a été sans nul doute la longue histoire du journal Podium. Reconnaissant des frères Drabo pour l’avoir encadré, cependant une grande frustration a caractérisé sa longue et riche carrière de journaliste sportif : l’absence d’un bon résultat ou même une victoire éclatante pour le football malien. Il s’est contenté de deux coupes sous régionales : la Coupe Cabral, remportée par les Aigles en 1989, et le sacre du Stade malien de Bamako en Coupe Ufoa en 1992. Malgré tout il comptait plus sur d’autres résultants conséquents. Qui est Mamadou Kouyaté ? Comment est-il devenu journaliste ? L’origine du surnom Jagger ? Comment sa retraite s’est estompée ? L’ancien rédacteur en chef de l’emblématique journal Podium est notre héros de la semaine.
raîchement admis au baccalauréat en lettres, Mamadou Kouyaté dit Jagger est orienté à l’Ecole normale supérieure. Seulement qu’il n’était pas dans la logique de faire carrière dans l’enseignement. Il avait plutôt vocation à se saisir d’une plume pour exprimer son état d’âme par rapport à la gestion de son pays et libérer son imagination. Le chemin le plus court pour réaliser cette ambition demeurait le Centre d’études des sciences et technologies de l’information (Cesti), qu’il fréquentera d’ailleurs entre 1975 et 1978.
A son retour, il prend fonction au quotidien national “L’Essor”, avant d’hériter du poste de rédacteur en chef du journal sportif “Podium”. En fait ledit organe, créé quelques années auparavant, ne devrait pas connaitre une hibernation, vu l’engouement qu’il a suscité auprès de l’opinion. Raison pour laquelle les frères Drabo (Gaoussou et Souleymane) promus à d’autres fonctions de responsabilité ont pensé au jeune Kouyaté pour lui confier la rédaction du journal.
Jagger prend le train en marche pour continuer la bonne aventure du pionnier de la presse sportive malienne, malgré les tentatives de concurrence, les agressions, les menaces verbales de dirigeants et de supporters de clubs. Lesquels n’appréciaient pas l’analyse des journalistes chevronnés. Hélas ! Autre réalité ! Autre temps ! Après dix-sept ans (1977-1994) de bons et loyaux services, la mort de Podium est décrétée.
Cela créera un vide en termes d’analyse sportives pertinentes. Notre génération a naturellement grandi avec le journal “Podium”, forcément sa disparition nous marquera à jamais. Parce qu’il nous a servi de boussole pour aimer et comprendre le football malien. Avoir l’ancien rédacteur en chef en face, nous a donné l’occasion de lui demander quel argument il peut développer pour nous consoler ?
Une famille soudée
Jagger retient que Podium s’est imposé, et l’unanimité a été faite autour de son succès. Si aujourd’hui les lecteurs sont nostalgiques de ses commentaires et analyses, il est évident que sa vie a servi à quelque chose. Pour consoler tous ces malheureux nostalgiques, Mamadou Kouyaté soutient que certains événements arrivent à l’improviste, et la réalité du moment aide à comprendre qu’ils devraient arriver.
Qu’est-ce qui expliquait donc cette complicité entre les journalistes de “Podium” ? Nous avons su qu’ils s’estiment toujours parce que chacun nous a conseillé de rencontrer l’autre chaque fois que nous réalisions un dossier sur le journal sportif. Pour Jagger, ce constat est lié à l’atmosphère amicale qui a de tout temps régné dans la rédaction, et à plusieurs facteurs qu’ils partageaient tous ensemble : le sport, la lecture, la musique. Mieux, ils sont tous issus de la grande famille de la presse sportive.
Après onze ans il n’était pas facile pour lui “d’abandonner” une famille à laquelle il s’identifie, c’est-à-dire qu’il l’a quittée le cœur brisé. Mais il s’ennuyait, le journal “Podium” était aussi confronté à un problème de personnel. Bref, autre raison de son départ, les contraintes familiales après le décès de son père. La réalité est qu’il a profité d’une opportunité de promotion, relative à sa nomination comme conseiller technique au cabinet du ministère de la Jeunesse et des Sports (1993-1997), puis chargé de mission dans le même département (1997-1998).
Après cette première expérience dans l’administration générale, Jagger atterrit au Comité d’organisation de la Can-2002 (Cocan) pour diriger la sous-commission média (novembre 1998-mars 2002). Juste le temps de se remémorer ces pressions engendrées par la Can, Mamadou Kouyaté retourne à la maison. Il est nommé conseiller technique au ministère de la Communication pour une durée d’un an (juillet 2002-juillet 2003). Ce passage éclair s’explique par une nouvelle donne, qui le propulse dans un milieu plus prolifique.
A la création de la direction générale des impôts, les responsables de l’administration fiscale avaient un souci : comment amener les contribuables à s’acquitter de leurs impôts ? Une bonne communication pour un changement de comportement semblait être la clef de cette situation.
Même à La Mecque
L’ancien rédacteur en chef de “Podium” est chargé d’élaborer une stratégie de communication. Autrement dit, il prend les rênes de la cellule de communication de la direction générale des impôts. Il y restera jusqu’à sa retraite le 31 décembre 2015, même s’il lui a fallu neuf mois après pour quitter réellement ses fonctions.
Jagger réfléchissait à sa nouvelle vie de retraité qu’il fut une fois de plus sollicité par un mentor pour d’autres fonctions.
Comment ? “J’étais assis à la maison pour entamer une longue vie de repos, au terme de trente-sept ans de services quand El Hadj Saouti Haïdara (directeur de publication du quotidien L’Indépendant, Ndlr) est venu me chercher. C’était au mois d’octobre 2016. Il m’a confié le poste de rédacteur en chef, en plus de mes chroniques. Quelle que soit ma volonté de me consacrer finalement à plein temps, à ma famille, je ne pouvais pas dire non à Saouti parce que nous avons des relations particulières dans le quartier Hamdallaye depuis 1968. Il était au lycée, pendant que j’étais au second cycle. Nous nous sommes côtoyés, jusqu’à son départ pour le Cesti à Dakar. Pendant les vacances nous nous retrouvions également pour échanger. J’avoue franchement que Saouti m’a fait aimer la langue française, et créé en moi le désir d’embrasser le métier de journaliste. Donc, j’ai suivi ses traces au même Cesti, nous avons logé dans la même villa durant tout mon cycle. Parce qu’il n’est pas retourné dans le pays à cause du régime militaire. Eu égard à tout ce qui s’est passé, ma présence au quotidien L’Indépendant n’est pas un événement. Mais la suite logique d’une relation sincère avec son directeur de publication” dit-il.
Demander à un aîné l’origine de son surnom peut paraitre difficile. Mais en pareille circonstance, la question s’imposait, et elle s’est invitée dans l’entretien à l’improviste. Le sobriquet Jagger lui a été donné par ses amis dans la jeunesse, à cause de son goût pour le groupe musical Rolling Stones. Avec l’âge et surtout le pèlerinage à La Mecque, Mamadou Kouyaté voudrait l’interdire. Est-ce possible ? Non ! Parce que même à La Mecque un de ses amis qui l’avait perdu de vue dans la foule s’était mis à crier “Jagger, Jagger”. No Comment !
L’homme est aujourd’hui âgé de 69 ans. Marié, il est père de trois enfants. Dans la vie en plus d’être très sensible à l’amitié, Jagger aime le sport, la lecture, le milieu sportif. Il déteste la méchanceté, la calomnie et les personnages négatifs.