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Clin d’œil : Le hôronya est l’adaptation d’un concept culturel importé
Publié le jeudi 12 mai 2022  |  Le Wagadu
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Au sommet de la classification sociale dans le Mandé se trouve l’institution du « Hônroya ». Le mot ‘’hôronya ’’ est une déformation du mot « Huriya » qui signifie en arabe « Liberté ».

Son emploi prouve une influence des Arabes dans le processus de fondation de l’empire du Mandé, non seulement du nouvel Etat, mais il montre particulièrement son impact jusque dans la construction sociale. Car hônroya était devenu la nouvelle institution qui coiffait la pyramide sociale dans le Mandé créé par Soundiata et ses compagnons.

De fait ce concept était une réadaptation du Wagueya connu dans le Wagadou. « On appelle wagués les six fils de mama Dinga khorè et leurs descendants qui fondèrent et dirigèrent le wagadou jusqu’à son effondrement vers la fin du XIIe siècle. Les Wagués se répartissent en six grands clans : Soukouna, Bérété, Khoma ou Kouma, Diané, Touré et Cissé. La qualité du Wagué c’est la Wagueya, ce mot désignait à l’origine l’homme par excellence, aristocrate qui fait preuve de retenue, de décence et d’élévation d’esprit dans ses actes. » ‘’La grande geste du Mali : les origines et la fondation de l’empire’’.

Le Wagué était donc l’homme par excellence chez les aristocrates de Wagadou. Mais seuls les Wagué étaient concernés par le Wagueya dans le Wagadou, c’est-à-dire les six clans sus nommés. Pourtant, l’aristocratie maraka après avoir été impactée par l’islam a apporté son Wagueya revisité dans la sauce arabe dans le Mandé en gestation. Et le « Hônroya » est devenu le Wagueya islamo-arabisé. L’évolution du concept est parvenue à ne plus considérer que seulement les clans des Wagué.

Dans le Mandé, le hônroya a gardé le contenu du Wagueya, mais il a surtout été élargi aux clans de tous les hommes libres. En effet, au Mandé, le hôron se trouve être tous les hommes libres, c’est-à-dire ceux désignés comme les « nobles », qui surclassent les clans des sous-hommes. Donc par opposition à l’homme de caste, qui ne peut pas du tout être hôron, mais qui peut exceptionnellement se distinguer, se faire apprécier à travers des comportements de hôron, sans aucunement avoir de possibilités pour pouvoir se faire adouber. On nait hôron et on meurt hôron, et l’homme de caste ne peut aucunement être « hôron toulo bilé dans le Mandé ». Mais comment un manding noble qui n’est pas issu d’un peuple blanc, peut être un hôron toulo bilé ?

Voici là où l’on constate sans ambages l’impact de l’arabité une fois de plus dans la construction de la vie sociale dans l’empire du Mandé. Pour l’Arabe l’homme libre est forcément de race blanche, d’où le hôron toulo bilé, c’est-à-dire l’homme libre aux oreilles rouges. Et cela s’est intégré d’office dans la culture des manding et de leurs alliés, personne n’y faisant même plus attention.

Dans la croyance populaire de ceux qui se partagent cette culture, le summum du hônroya est le hôron toulo biléya. Le hôron ne peut pas être un « hôron toulo fing » c’est-à-dire l’homme libre noir, d’ailleurs cela ne se dit même pas, c’est impossible dans le langage, tel s’introduire dans un château inexpugnable. Cet aspect du hônroya ressort indubitablement la touche arabisante. « Ils (Africains noirs) ont malgré tout fini par constituer la principale source d’esclaves dans le monde musulman, à tel point que la langue arabe a souvent associé la peau noire et la condition d’esclave : le terme ‘abd – « esclave, serviteur » a en effet très tôt servi à désigner les Africains de manière générale. » Xavier Luffin ‘’ Nos ancêtres les Arabes.

Généalogies d’Afrique musulmane’’. Pour la pensée populaire arabe le noir est et restera l’esclave. D’ailleurs le docteur Salah Trabelsi, un des spécialistes reconnus de la question de l’esclavage dans le monde arabe, lors d’une conférence à Nantes en février 2013, ‘’Les anneaux de la Mémoire’’, a fait comprendre qu’en Tunisie, et par extension dans le monde arabe, que la pensée profonde est que seul l’homme blanc peut être un homme libre. Que le noir est désigné par esclave.

Il n’est pas désigné par « aswadou », qui veut dire couleur noire, mais par « abd », esclave. Il explique que même si l’Arabe veut parler du président Barack Hussein Obama, l’ancien président des Etats-Unis, il utilisera certainement le mot « abd ». Ce qui peut nous faire dire que l’ancien ‘’ Homme le plus puissant du monde moderne’’ sera désigné dans le monde arabe comme ‘’ le président esclave des USA’’ et non le ‘’ président noir des USA’’.

C’est comme cela que l’Arabe s’est comporté même en étant dans le Mandé au moment de la création de l’empire, il a tenu à laisser sa signature nauséabonde. Cette posture vis-à-vis de l’Africain est totalement imprégnée dans la conscience populaire de l’Arabe, même la religion musulmane qui prône une grande tolérance, et que beaucoup de Noirs partagent, avec la grande communauté des Arabes musulmans, n’a pu atténuer cette croyance populaire.

Une vision qui est clairement décrite dans une citation de Lewis, cité par Xavier Luffin dans son ouvrage : ‘’Nos ancêtres les Arabes. Généalogies d’Afrique musulmane’’, « La dépréciation des Africains sur la base de la couleur de leur peau atteint son paroxysme avec certaines croyances véhiculées dans le monde musulman, selon lesquelles un Noir, une fois arrivé au Paradis, devient Blanc, comme s’il s’agissait d’une récompense ».

Ainsi la noirceur de la peau devient une souillure, une damnation dans l’entendement arabe, et aucune tolérance ne peut changer cette idée profonde. Même Dieu, doit corriger ou rendre acceptable cette tache avant de l’accueillir en son saint paradis, dont la pureté ne doit et ne peut contenir une telle saleté. C’est pour cette raison que même en arabisant le Wagueya dans l’objectif de transformer la société du manding, en adoptant le hônroya, il était sous-entendu que pour devenir noble et homme respectable, il fallait être de race blanche normalement. Et les influents Arabes avaient insinué que l’homme libre ne peut être que celui qui avait les oreilles rouges.

Alors, dans le Mandé, le concept hônroya faisait exceptionnellement des hommes noirs, des nobles aux oreilles rouges, mais en le leur rappelant en sourdine, en fond sonore, et le peuple l’a ainsi adopté jusqu’à aujourd’hui sans y prêter réellement attention.

Moussa Sey Diallo
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