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Moussa Mara à propos des événements de mai 2014 à Kidal : «La France n’a pas bougé et a même accusé l’armée malienne d’être à l’origine des tirs»
Publié le lundi 16 mai 2022  |  Le challenger
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© aBamako.com par mouhamar
Cour Suprême: Moussa MARA a rendu visite à Nouhoum TAPILY
Bamako, le 10 juin 2014. Cour Suprême. Le premier ministre malien Moussa MARA, Chef du gouvernement a rendu une visite de courtoisie et de fraternité à Nouhoum Tapily, président de la Cour Suprême.
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Dans la parution de « Jeune Afrique » n°3112-de mai 2022 sous le titre «Je me suis rendu à Kidal» l’ancien Premier ministre, Moussa Mara, revient sur les événements de mai 2014 survenus dans la capitale de la 8ème région administrative du Mali. Où sa visite le 17 mai à la tête d’une forte délégation ministérielle a tourné à la tragédie. L’Armée malienne a essuyé une surprenante défaite avec un bilan très lourd. Après le décès du Président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta et du ministre de la Défense et des Anciens combattants, Soumeylou Boubèye Maïga en janvier et mars 2022, Moussa Mara fait publiquement, pour la première fois, des révélations sur cet inoubliable séjour.





Le 17 mai 2014, malgré toutes les voix qui tentent de le dissuader, le Premier ministre se rend dans la ville du nord, sous contrôle des rebelles. Et assiste à un bain de sang.

Ce samedi 17 mai 2014, malgré les mises en garde de la communauté internationale, qui m’avait fortement déconseillé de me rendre à Kidal, mon hélicoptère s’est posé sur la base de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA). Nous n’étions vraiment pas en terrain conquis. La ville du nord était une enclave occupée par les rebelles indépendantistes du HCUA et du MNLA.

Dès notre arrivée, l’accueil fut glacial. Les membres de la mission onusienne me voyaient comme un jeune homme impétueux. Vu la situation sécuritaire, je leur ai demandé de mettre à ma disposition des véhicules blindés. Contre toute attente, la MINUSMA s’y est opposée.

«SBM et moi avons choisi de ne pas obéir à IBK»

J’étais consterné. J’ai alors demandé au gouverneur de Kidal de me prêter son véhicule, une Toyota Prado et, à l’armée des pick-up BJ pour les ministres qui m’accompagnaient. Enfin, escortés par une centaine de militaires, nous avons pris la direction du camp des FAMa. Il était environ 13 heures. Durant notre trajet, deux hélicoptères de l’armée française se sont mis à graviter au-dessus de nous. Les Français ont prétendu que c’était pour assurer notre sécurité, mais j’étais sûr que c’était surtout pour nous surveiller.

Plus nous approchions du camp des FAMa, plus des déflagrations et des tirs se faisaient entendre. La situation devenait de plus en plus pesante. Les deux sentinelles du camp qui assuraient la surveillance du camp se sont écroulées devant nous. L’une était grièvement blessée, l’autre est décédée sur le coup.

Vers 15 heures, nous avons pris la direction du gouvernorat. Nous roulions sous des rafales de tirs. Le Général Mahamane Touré, chef d’Etat-major général de l’armée, a alors appelé, furieux, le chef de l’opération Serval : «Vous avez deux hélicoptères Apache au-dessus de nos têtes. Nous vous demandons de faire cesser les tirs», ordonna-t-il. La France n’a pas bougé et a même accusé l’armée malienne d’être à l’origine de ces tirs.

Peu de temps après, les rebelles ont tiré à bout portant sur les Préfets, les Sous-préfets et les membres de la société civile qui étaient encore sur place. Ils ont fait un carnage.

«Les rebelles ont déclaré la guerre au Mali», ai-je dénoncé sur les antennes de RFI. Il fallait passer à l’offensive.



Désillusion et cauchemar

J’ai dû passer la nuit sur place, coincé dans une tempête de sable. Dès le lendemain, à mon retour à Bamako, le Président, le ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga (SBM) et moi avons décidé d’envoyer un millier de militaires à Kidal.

Mais, le mercredi 21 mai, tout a dégénéré. Alors que nous étions en conseil des ministres, nous avons appris que l’armée était passée à l’offensive sans aucun aval politique. Le Président a décidé d’ordonner un cessez-le-feu, mais SBM et moi avons choisi de ne pas obéir : le combat devait se poursuivre. Il nous semblait que nous étions en position de force. Une heure plus tard, IBK m’a pris à part : « Nous sommes en train de perdre », m’a-t-il dit. C’était la désillusion. Que s’était-il passé ? « Il y a une cinquantaine de morts dans nos rangs, une trentaine d’otages », m’informe SBM.

Il est 15 heures, je vais voir le Président pour le prévenir. « Nous avons perdu », ai-je répété à IBK. Il me confie alors qu’il va me présenter sa démission : «j’ai promis aux Maliens de leur ramener l’honneur, aujourd’hui je leur offre la défaite», dit-il. Il ne l’a pas fait. Cette journée était un cauchemar, mais, aujourd’hui encore, je ne regrette rien.

Propos recueillis par Fatoumata Diallo, JA

NB : les surtitres, le titre et le chapeau sont de la rédaction.

Source : Le Challenger
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