Le 9 mai 2022, démarrait la formation des 34 000 agents recenseurs de l’Institut national des statistiques (Instat) pour le 5ème Recensement général des populations et d’habitation. Une phase de formation qui connaîtra des perturbations et protestations des agents concernant leurs conditions de rémunération, notamment les 3000 FCFA par jour. Face à cette situation, nous avons approché la direction de l’Institut qui, à son tour, a donné tous les détails justifiant ce tarif.
Financée par l’Etat malien, la Banque mondiale et 7 autres partenaires, la somme mobilisée pour ce recensement est de 25 milliards FCFA. Si les protestations ont été basées sur 3000 FCFA comme perdiems journaliers pour les agents recenseurs, le directeur général de l’Instat, Dr Arouna Sougane, lors d’un entretien qu’il nous a accordé, a affirmé qu’actuellement, c’est la phase du dénombrement général qui est la plus importante, et qui va mobiliser 11 milliards 500 millions FCFA dont plus de 07 milliards pour la prise en charge des agents recenseurs et chefs d’équipe, des contrôleurs et des superviseurs TIC. Les 04 milliards représentent le coût de la logistique mobilisée pour l’opération.
Selon ses dires, cette phase du dénombrement général va mobiliser plus de 34 000 personnes sur l’ensemble du territoire national. Ces agents sont regroupés par pôle de formation installés dans les chefs-lieux de région, cercle et de communes du pays. Ils sont encadrés par 866 contrôleurs (595 contrôleurs TIC et 271 contrôleurs Papi).
En effet, selon les explications du directeur général, c’est au niveau des Nations unies qu’il a été décidé de réaliser un recensement numérique de tous les pays, et surtout les pays en voie de développement. Le Mali aujourd’hui a réalisé 4 recensements, en 1976, 1987, 1998, et 2009. « Ce recensement que nous préparons, il y a un budget initial qui avait été conçu. Car le recensement est basé sur la taille de la population. Il y’a 34 000 agents. Nous avons commencé ce travail depuis 2016, mais ça devait se dérouler en 2019. Mais il y’a eu des reports. Vu que le recensement numérique a été recommandé par les nations unies. Donc, nous sommes allés voir l’exemple de Sénégal et le Cap-Vert qui avaient déjà expérimenté.
Selon Dr Sougane, le budget est de 25 milliards FCFA financés par plusieurs partenaires. L’Etat est le premier partenaire avec une enveloppe 8 milliards FCFA, et nous-même on a un budget de 8 milliards FCFA, ce qui fait 38% des 25 milliards FCFA, il y’a la Banque mondiale à hauteur de 16%, environ 3,8 milliards FCFA. Il y a la Suède avec 2,9 milliards FCFA. Il y a les Pays-Bas, 2,98 milliards FCFA, le FUNUAB avec 1,110 milliards FCFA, la Norvège 930 millions FCFA, le Japon 600 millions FCFA mais dédié uniquement à lâchant des véhicules. L’Allemagne 1, milliard 400 millions FCFA, l’Unhcr avec 2 millions FCFA, l’Unicef 272 millions FCFA et la Suisse 720 millions FCFA, il y’a l’Usaid. En tout il y a 9 partenaires qui interviennent dans le recensement en plus de l’Etat. Pour le recensement nous utilisons environ 27 000 tablettes. Tous les fonds sont gérés au niveau de la DFM du ministère de l’Economie et des Finances. Il y a d’abord la phase préliminaire, la phase préparatoire, les trois phases de terrain, le dénombrement, la cartographie, l’enquête post statutaire.
C’est tout cela fait 11 milliards FCFA. Ça prend en charge la location des salles, le carburant pour les déplacements, les déplacements et la prise en charge des agents, les billets d’avion pour le Nord, la location de véhicules au Nord.
S’agissant de la reste répartition des 25 milliards FCFA, Dr Sougane dira qu’il y a la logistique, dont les véhicules, les tablettes ont été achetés à 7 milliards, 70 millions FCFA, la cartographie a coûté 3 milliards 35 millions FCFA, les activités préliminaires ont coûté 27 millions FCFA, les travaux préparatoires 39 millions FCFA, les recensements pilotes 140 millions FCFA, l’enquête post sentitaire pourrait nous prendre 188 millions avec l’appui technique. Nous rendons compte régulièrement aux partenaires.
Répondant à la question de protestation des agents recenseurs sur certaines localités, le directeur dira : « C’est la mort dans l’âme que nous avons appris ces protestations sur les 3000 FCFA. Là où ça nous a fait mal, on sait que le Mali est un pays de concertation et de dialogue. Quel que soit le problème, la première doit être le dialogue, la discussion avant toute chose. Mais tenir des propositions violentes, c’est choquant. Mais au jour d’aujourd’hui, il y a l’accalmie partout d’après mes informations. On aurait dû prendre le temps, de se parler. Nous avons pris la peine d’écrire noir sur blanc toutes les conditions pour que les gens commencent à voir les conditions de participation au recensement. Comme le contrant est individuel, c’est à prendre ou à laisser. Celui qui sait que les conditions ne l’arrangent pas, refuse. Si on avait pris la peine de s’écouter, ce ne sont que des indemnités. Ce n’est pas un salaire. Si vous regardez l’utilisation qu’on va faire des résultats de ce recensement, c’est très important. La fierté d’avoir participé à ça doit être plus grande que toute autre chose. Ce sont les résultats des recensements qui vont permettre de planifier tout dans les années à venir. Il s’agit de l’éducation, la santé et d’autres domaines. Aujourd’hui, nous sommes en train d’utiliser les résultats de 2009. On doit tout faire pour disposer des données actuelles. On doit même aider les autorités à disposer ces données. Et comme le dise un vieil adage: « La meilleure récompense d’un travail bien fait, c’est le sentiment du devoir accompli ». Chacun de nous a l’occasion de contribuer au Mali de demain.
Concernant la réparation des agents recenseurs sur le terrain, il précise que l’Instat avait beaucoup insisté sur le recrutement local. « On a été surpris de voir que les gens se sont retrouvés ailleurs, dans les localités où ils ne doivent pas y être. On n’a envoyé personne nulle part. Les gens nous ont envoyés leurs candidatures, affirmant qu’ils sont résidants dans les localités où ils ne sont pas. Car les candidatures ont été adressées en ligne. On n’a pas les moyens de vérifier leurs versions. Dans l’annonce de la candidature, les gens étaient censés être résidants dans les localités où ils postulent. (Les recrutements qu’on a fait c’était dans les communes et des cercles qui sont censés se déplacer. Mais notons que ce recensement est très important pour le développement de notre pays.
Par ailleurs, s’agissant d’une lettre adressée au directeur du Cap de Bougouni sur l’abandon des salles de classe par les enseignants au profit de ce recensement, Dr Sougané dira que des instructions fermes ont été données pour qu’on ne recrute pas les enseignants. Et les mêmes instructions ont été données aux représentations locales pour qu’ils en fassent de même. On n’a aucun moyen de vérifier si tel ou tel est enseignant. Tous les enseignants qui ont été identifiés ont été retirés, à part les zones où les écoles sont fermées. C’est un recrutement local.
Revenant toujours sur la situation des protestations, il dira que la plupart de ceux qui se plaignent ont quitté Bamako et se sont inscrits en tant que résidants des localités, où ils ne sont pas censés y être.
S’agissant des conditions de prise de charge, Dr Sougané estime qu’ils ont été clairs lors du recrutement. Il était écrit que les gens doivent s’inscrire dans les localités de résidence. On n’a aucun moyen de pouvoir identifier. Ce que je peux dire, c’est que les gens comprennent que le Recensement général de la population et de l’habitat (Rgph) est une opération majeure pour le futur de ce pays. On ne peut pas bâtir le « Malikura » si on n’a pas de données sûres sur la situation du pays.
S’agissant du cas des zones d’insécurité, il dira qu’à part les agents CAPI (le recensement numérique avec tablettes contenant l’application d’enregistrement), tous les autres sont censés être dans leurs localités de résidence. On sait que le risque zéro n’existe pas, mais on s’est dit que ceux qui sont dans leurs localités courent moins de risque. Les agents seront confiés aux autorités coutumières. On avait prévu un recrutement local. Chacun dans sa localité, sa commune, son quartier. Mais il s’est avéré que certains ont estimé qu’ils ont plus de chance à l’intérieur du pays qu’à Bamako. Et lors de leur dossier de candidature en ligne, ils se sont inscrits comme tel. Et on les a appelés, croyant qu’ils sont de ces localités.
S’agissant des plaintes des agents recenseurs sur le tarif de 3000 FCFA par jour, lors des formations, il faut noter que la donne a changé. Autrefois, on le faisait lors des vacances scolaires, dans les salles de classe. Maintenant, on est obligé de louer des salles ici à Bamako et dans les régions pour les formations. Nous sommes un établissement public à caractère scientifique et technologique. Et on a un accord d’établissement. Et c’est cet accord d’établissement qui fixe les tarifs, les montants des perdiems. Concernant cet accord d’établissement, c’est 10 000 FCFA pour les chauffeurs, et en même temps il y a un décret présidentiel qui fixe les taux des perdiems à 10.000 FCFA pour les fonctionnaires. Nous appliquons ça pour les chauffeurs fonctionnaires. Pour les agents recenseurs, il n’y a de tarif fixe pour ça. En fonction des discussions avec les partenaires, et en fonction des montants disponibles, nous fixons les tarifs des agents. Le coût d’un recensement est beaucoup élastique. Dès que vous décidez d’augmenter de 1000 FCFA par agent, vous aller vous retrouver à 34.000 000 FCFA par jour pour les agents. Mais nous pensons que le recensement est un acte tellement important que c’est beaucoup plus un acte patriotique et de considération. Ce n’est ni un perdiem ni un salaire, mais plutôt une indemnité. C’est juste pour qu’ils supportent.
Il termine par une citation de Nelson Mandela qui dit : « Gouverner sans statistiques, c’est comme un automobiliste qui conduit un soir d’orage sans phare ».