Avec la grandeur d’âme de Modibo ayant épargné un si triste sort au Peuple malien, il poursuit, s’adressant ensuite à la jeunesse: “Jeunes du Mali, le Mali n’appartient ni à moi, ni aux militaires qui viennent de prendre le pouvoir. Il appartient à vous.” En dirigeant aussi bien éduqué qu’instruit (sur la demande de son père Daba Kéita, Modibo a été le major de sa promotion à la sortie de l’École normale supérieure William Ponty, Dakar, Sénégal), il aurait pu employer le future mais a préféré le présent, ainsi confirmant notre position, comme annoncée plus haut. Il n’est pas souhaitable de confiner la jeunesse dans une position d’attentisme “en attendant son tour aux commandes du pays”, dit-on. Elle est déja active, parfois à l’avant garde du changement politique, pour ce qui nous concerne ici. Rappelons-nous que la jeunesse YεRεWOLO (pur sang, digne enfant de) Debout sur les remparts qui, faisant écho au très lourd message de Modibo, a choisi de chasser le souvenir lugubre de ce site, en celui d’un lieu de reprise du flambeau, de plus en plus scintillant,de Modibo, en un autre 19 novembre, cette fois en 2018 (Aminata Fofana, YεRεWOLO lors de leur visite à .Oussoubidjangna, Bafoulabé) flambeau alors saccagé par des militaires. La très haute portée de cet acte en dit long non seulement sur leurs intentions mais, aussi, sur leur détermination à s’approcher des valeurs qu’ils/elles ont reconnues en Modibo. Il est vrai, nombreuses sont les personnes, physiques comme morales, se réclamant de l’héritage de Modibo mais, personnellement, nous n’en connaissons pas qui se rendues à Kayo à cet effet.
Depuis quelques mois sévissent les sanctions d’organsations sous régionales ouest africaines amenant un embargo économique et financier contre le Mali, pays enclavé alors fermé dans ses frontières politiques. Ces sanctions violent leurs propres textes et ceux des Nations unies relatifs à la protection des pays sans accès à la mer. Et cela, à juste raison, fait couler beaucoup d’encre et de salive au Mali et à l’extérieur. Pour les moins jeunes ayant vécu les premières années de l’indépendance du pays, ceci est, fort malheureusement, du déja vu. Les huit (8) années d’exercice du pouvoir de Modibo ont eu lieu dans un contexte similaire, même si la terminologie a évolué. Rappelons-le, il s’agit d’un pays sans accès à la mer à laquelle il est relié, pour l’essentiel, par un seul chemin de fer, le Dakar-Niger, alors fermé par le Sénégal pour des raisons politiques ensuite regretées par beaucoup de citoyens/nes de ce même pays. Cette mesure a rendu plus visible le contexte d’“économie étranglée” que vivait, alors, le Mali. Aussi résilient qu’ingénieux, son peuple et son gouvernement en ont fait une source de motivation et de diversification politique et économique pour, en huit (8) ans, faire des réalisations encore inégalées dans le pays, 54 ans après.
Citer les repères que la jeunesse malienne peut avoir de Modibo prendrait des dizaines de livres. Puisqu’au moment où nous rédigeons cette Lettre ouverte, le panafricanisme réel est à l’oeuvre à Bamako, porté par un groupe de 13 jeunes africains/nes panafricanistes ayant parcouru, à pieds et ce de leur propre initiative, la distance reliant Dakar à Bamako, soit 1 362 kms. Pour rappel, des des milliers de Maliens ont, au fil du temps colo nial, parcouru, à pieds aussi, cette même distance mais dans le sens contraires. Ils étaient appelés suruga (en bamanankan) ou navétanes (du mot ouolof naweti, migration en hivernage, donc saisonniére) pour aller cultiver des arachides pour la metropole d’alors..
Ces jeunes panafricanistes sont venus apporter leur soutien moral, politique et physique au peuple malien victime des sanctions ci-dessus mentionées. Repétons-nous, le soutien est aussi physique non seulement par le grand effort de marche sur une telle distance mais, aussi, parce qu’ils/elles ont déclaré être prêts/tes à rejoindre les Forces armées maliennes, (FAMAS), dans leur lutte “anti-terroriste”. Comme principe, ces panafricains/nes n’aiment aucune référence aux nationalités, notion qu’ils/elles qu’ils se sont donnés comme mission d’effacer du discours africain. Personnellement, nous partageons la même idée et cela nous rappelle un des discours de Modibo avertissant l’Afrique contre les dangers de ce qu’il a alors appelé des “micro-nations”
Toutefois, pour une fois, nous allons y avoir recours pour éviter une de ces erreurs coloniales faisant appeler tous les soldats afrcains “tirailleurs sénégalais” des soldats africains qui, à force de “tirer ailleurs”, ont grandement contribué à la victoire mondiale contre le nazisme (Kamian 2001 citant, entre autres, les 80 000 soldats maliens qui y ont pris part). Dans sa clairvoyance et sa gratitude, François Hollande, alors Président français, y a fait une référence positive lors de sa visite à Bamako en 2013. Parti de Dakar, Sénégal devant l’Ambassade du Mali, le l6 février 2022, le groupe de 13 panafricains/nes, au lieu de diminuer avec la dure épreuve d’une si longue marche, a grossi progressivement dès l’entrée en territoire malien et ce au fur et à mesure qu’il approchait du point d’arrivée, Bamako. Ces jeunes gens étaient du Sénégal, de la Guinée Conakry, du Congo Brazzaville, de la Côte d’Ivoire, et de la République Centrafricaine. Selon ce groupe, leur motivation pour une entreprise si gigantesque vient de la lutte menée farouchement par Modibo Kéita et Cheick Anta Diop (voir notre Lettre ouverte No. 11, journal Le Républicain No. 6644 daté du 25 mars 2022).
En effet, le panafricanisme a été une permanence très dynamique de l’exercice du pouvoir de Modibo, lui qui, comme seulement une poignée de dirigeants africains des premières années d’indépendance (entre autres, Sékou Touré de la Guinée-Conakry, Kwame NKumah du Ghana, Gamal Abdel Nasser, Hailé Sélassié d’Éthiopie, Jylius Nyerere de la Tanzanie) , avait pour crédo : “L’Afrique ne sera indépendante tant qu’une seule partie du continent reste colonisée.” Que l’on aime Modibo ou pas, son engagement déterminé, déterminant, et farouche mais éclairé pour le panafricanisme n’a été contredit d’aucune personne respectable, morale ou physique. (ceci qui ne signifie point que tout le monde aimait cette lutte). À cet effet, l’on se rappelle l’hommage aussi clair que retentissant a lui porté par le Président Robert Mugabe, Zimbabwe, alors président en exercice de l’Union africaine. Exprimé lors de sa participation, à Bamako, aux cérémonies d’investiture du premier mandat présidentiel de Ibrahim Boubacar Kéita en 2013, ce vibrant hommage de Mugabe célébré un demi siècle après sa mort, l’engagement sans faille de Modibo dans la lutte pour l’indépendance totale de l’Afrique, ici, celle la Rhodésie du Sud avec le ZANU PF (Zimbabwe African National Union – Patriotic Front google.com le 18 avril 2022). Pour rappel, cette, lutte a abouti à la naissance du Zimbabwe en 1980, indépendance acquise 12 ans après le décès de Modibo dans des circonstances non encore éclaircies.
Armé de cet engagement panafricaniste aussi éclairé que farouche, Modibo a aussi soutenu vaillammment les luttes d’indépendance de la SWAPO (South West African People’s Organization), Namibie avec Sam Nujoma, et l’ANC (African National Congress avec Nelson Mandela (voir Diallo, 2014 Où est ma société civile?). Pour l’ANC, rappelons la visite clandestine rendue à Bamako le 2 avril 1962 (nelsonmandela.org consulté le 13 avril 2022 – ou le 10 avril 1963 selon d’autres sources) par Mandela et Oliver Tambo, visite au cours de laquelle Mandela a expliqué la nessécité d’engager la lutte armée contre l’apartheid (la politique de développement séparé entre les Noirs et les Blancs de l’Afrique du Sud) face à l’échec des voies pacifiques. En réponse, pour vérifier la nécessité d’une si grande décision, l’échange suivant a eu lieu:
Modibo: Est-ce que vous avez l’accord de votre peuple?
Mandela: Oui.
Modibo: Ainsi, nous vous donnons notre soutien pour la lutte anti-apartheid. Attaher Maig (alors ministre des finances et de l’économie) : Malgré nos difficultés actuelles et notre monnaie nationale, [le Franc malien], au nom du peuple malien, donne 100 millions de Francs CFA tirés de nos réserves à l’ANC pour la lutte anti-apartheid. Ousmane Bah (alors ministre des Affaires étrangères): donne-leur 100 passeports diplomatiques. (Cheick Sadibou Cissé; Boubacar M. Traoré et autres)
Peut-on imaginer dans sa vraie dimension l’ampleur d’un tel soutien dans un contexte mondial alors miné par la guerre froide et où l’ANC avait plus d’ennemis que d’amis? Ainsi, aucune surprise de voir Mandela rendre une visite, cette fois officielle, au Mali le 2 mars 1996 (sahistory.org.za) lors de sa tournée mondiale (visite de six semaines rendue à 13 pays washingtonpost.com le 13 avril 2022) de remerciements aux “amis de l’ANC” pendant sa lutte contre l’apartheid, 26 ans après la mort de Modibo. En cette journée mémorable à l’Assemblée nationale du Mali, Mandela a dit, entre autres:
Au nom de tous les Sud africains, je voudrais remercier le gouvernement et le peuple du Mali pour leur soutien et leur contribution, tout au long des années, à la lutte contre l’apartheid.
(hartford-hwp.com/archives/30/055.html, extrait traduit par nous). A suivre