Comme nous l’avions écrit dans les colonnes de ce journal, les élections au Conseil malien des chargeurs – premier scrutin géré par la Transition- sont donc un test sérieux pour inspirer confiance avant les élections générales. Mais il se trouve que c’est au cœur même du gouvernement que partent des tripatouillages et tentatives de sabordage d’un processus pourtant, jusque-là, si bien maîtrisé par Mme Dembélé, ministre des Transports, restée sourde aux pressions et surtout aux manœuvres fondées sur des considérations politiciennes ou calculs d’intérêts partisans.
Le mandat de l’Administration provisoire étant parvenu à son terme des six mois au maximum prévus par les textes, du côté de la Primature, on s’entête à vouloir le prolonger, malgré les avertissements de voix autorisées du ministère des Transports et celui de la Justice, prévenant que ladite prolongation est en porte à faux avec les dispositions légales.
Il aurait été donc plus sage de renoncer à un tel projet, même si des membres de l’Administration provisoire – et encore une minorité- sont en train de remuer ciel et terre pour prolonger leur séjour au sein de cette instance où ils jouissent d’avantages et prébendes, alors que, jusqu’au moment de leur nomination, ils tiraient le diable par la queue.
Mais la Primature veut faire fi de tous les conseils, pour seulement satisfaire les désidératas de deux ou trois personnes faisant ainsi de l’Administration provisoire une planque de recrutements politiques. En effet, un projet de décret de prolongation du mandat de l’Administration provisoire est sur la table du Premier ministre. S’il le signe, il signera donc un acte illégal.
Il faut noter que cette Administration provisoire a été installée pour gérer la période transitoire avant donc l’aboutissement du processus électoral. À ce jour, rien ne s’oppose à la convocation et l’installation de l’Assemblée consulaire du Conseil malien des chargeurs (CMC).
Il convient de signaler que la liste A portée par Bourama Mounkoro, seul candidat déclaré à la présidence du CMC, est sortie victorieuse à Bamako pour constituer donc l’Assemblée consulaire du district de Bamako. Les élus des autres régions devront s’adjoindre à ceux de Bamako pour constituer l’Assemblée consulaire du CMC d’envergure nationale.
Mais c’est ce moment attendu par un élu de la liste de Mounkoro, pour contester son leadership, parce que soutenu par ses camarades partisans du M5-RFP tapis dans le gouvernement. Faut-il, dès le départ, afficher le risque de faire du CMC une vache laitière d’un parti politique ou d’un mouvement, fut-il le M5-RFP ? Ce ne serait pas juste et accepter cela équivaudrait donc à un rétropédalage de la Transition qui aura finalement choisi de laisser libre cours aux anciennes pratiques dans les élections consulaires, où était imposé le candidat parrainé par le parti au pouvoir ou bien le candidat issu des milieux d’affaires les plus loufoques qui procédaient à l’achat des consciences, depuis les autorités jusqu’aux électeurs, au vu et au su de tout le monde.
La triste image d’une élection du président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali est restée gravée dans les esprits : un tristement célèbre opérateur économique est venu s’installer dans un bureau jouxtant la salle de l’Assemblée consulaire où devait se dérouler le vote pour l’élection du président.
Après s’être installé confortablement, l’opérateur économique en question, parrain d’un des candidats, a ouvert sa mallette pour en sortir des centaines de millions de Fcfa disposés en tas de 2 millions de Fcfa. Chaque tas devait acheter la conscience d’un électeur. Il fallait tout simplement prouver par l’image de son téléphone et la présentation des bulletins des autres candidats, le vote du protégé du monsieur, présenté comme le candidat du pouvoir.
Toutes les autorités présentes et celles qui ont fait un tour dans les locaux où se déroulaient ces élections ne s’en étaient guère offusquées. Bien au contraire, on les accueillait comme il fallait (comprenez le reste) et ces autorités repartaient avec le sourire. Quelle honte !
Faut-il rappeler qu’avec la Transition tous les dossiers remontent jusqu’à Koulouba, au Cabinet du président Assimi Goïta, pour y être traités dans la légalité requise. C’est une tendance qui est en train de se confirmer puisque, de plus en plus, des dossiers importants de la République ne trouvent issue heureuse ni au sein des départements ministériels ni à la Primature, mais seulement à Koulouba.
La Primature veut en rajouter par un forcing illégal
Ce n’est pas du bon vouloir du colonel Assimi Goïta, mais c’est un sérieux problème de gouvernance du gouvernement de Choguel Maïga où la plupart des ministres et surtout ceux issus de partis et mouvements politiques sont beaucoup plus préoccupés à traiter les dossiers sous le prisme partisan, au risque même de violer parfois la loi, obligeant ainsi le Cabinet du président de la Transition à jouer aux Sapeurs-pompiers, pour circonscrire rapidement le feu allumé soit par l’attitude soit par les déclarations ou encore par les décisions du gouvernement jusqu’au sommet de la hiérarchie. Il est temps, vraiment temps, que des signaux forts de l’avènement du Mali kura soient envoyés aux Maliens qui ne se retrouvent plus dans la gestion des affaires publiques.
À l’heure actuelle, des tentatives de tripatouillage du processus électoral au CMC risquent de saper tous les efforts déployés par Mme la ministre des Transports restée à équidistance de tous ceux qui ont, jusque-là, manifesté un quelconque intérêt dans les élections au CMC.
Mais quand un autre ministre de la République, parce qu’il a deux frères élus dans une région, propose vaille que vaille que les élus régionaux figurent dans le bureau national en violation flagrante des textes ; quand des membres du gouvernement cherchent à parrainer, au nom de raisons d’appartenance politique, la candidature d’un élu de la liste Bourama Mounkoro, contre ce dernier qui est pourtant tête de liste acceptée par tout le monde au départ, il y a problème.
Si, maintenant, la Primature veut en rajouter par un forcing illégal pour prolonger le mandat d’une Administration provisoire qui ne se justifie plus, c’est uniquement pour ternir le blason de la Transition à travers ces élections du CMC qui constituent un premier test électoral sérieux pour les autorités actuelles.
Le colonel Assimi Goïta, président de la Transition, est interpellé pour faire cesser les immixtions intempestives dans ce processus électoral que la ministre des Transports a su bien gérer jusque-là, au contraire de son prédécesseur, qui n’a même pas pu le démarrer, après moult tentatives. En plus, c’est le seul gage qu’au Mali rien ne sera plus comme avant, surtout en matière électorale, qui portera désormais le sceau du Mali kura.