Le cri de détresse des victimes de l’esclavage par ascendance dans la région de Kayes a-t-il a été entendu par les autorités et les ONG en charge des droits de l’homme. En tout cas, c’est ce qui nous fait croire la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh) qui a publié son rapport d’étude sur les besoins et attentes des victimes de l’esclavage dans la région Kayes, la semaine dernière.
En effet, dans le cadre du projet « Soutenir la lutte contre l’impunité au Mali », la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh), avec l’accompagnement de son partenaire stratégique, Avocats Sans Frontières Canada (Asfc), a en fin publié son premier rapport de l’étude sur les besoins et attentes des victimes de l’esclavage dans la région de Kayes, où a lieu cette pratique digne d’une autre époque.
Même si la présence des victimes et que la parole ne leur a pas été donnée (parce qu’elles n’ont pas été invitées), la cérémonie de présentation de ce rapport a eu lieu dans un Hôtel à Bamako.
Elle était présidée par le représentant du ministre de la Justice et des droits de l’Homme, Garde des Sceaux, M. Cheick Tidiane Traoré, en présence du Président de la Cndh, M. Aguibou Bouaré, et de nombreux invités de marque dont le chef des projets d’Avocats sans Frontières Canada, M. Abdoulaye Doucouré, et du représentant du ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale, M. Coulibaly.
Les « esclaves » et leurs « maitres », plusieurs organisations de défense des droits humains, notamment les membres de la Coalition nationale de lutte contre l’esclavage au Mali, de la société civile, des partenaires techniques et financiers de la Cndh ont également pris part à cette activité.
Ainsi, prenant la parole, le représentant du ministre de la Justice et des Droits de l’homme a précisé que l’esclavage est une pratique inhumaine d’un autre âge qui ne peut prospérer au Mali.
« C’est pourquoi le ministère de la Justice et des Droits de l’Homme ne ménagera aucun effort pour instruire les procureurs de la République et autres poursuivants à accorder la plus haute importance aux dossiers d’esclavage afin de l’éradiquer totalement dans toutes ses manifestations sur l’ensemble du territoire national », a promis Cheick Tidiane Traoré.
Se sentant seule dans la lutte contre l’esclavage au Mali, le Président de la Cndh a appelé à agir en synergie contre la pratique en ces termes : « Nous devons agir de concert afin de faire cesser de telles pratiques dignes d’une autre époque, qui n’honorent pas notre pays ».
Le Coordonnateur des projets d’Avocats Sans Frontières Canada, M. Abdoulaye Doucouré, a souligné que les diverses manifestations de l’esclavage par ascendance constituent de graves violations des droits humains au regard des articles 1er, 2 et 3 de la constitution malienne qui consacrent respectivement la sacralité de la personne humaine, interdisent toute discrimination basée sur l’origine sociale, et les sévices ou traitements inhumains, cruels, dégradants ou humiliants.
Selon la Cndh, le cabinet Ceda qui a réalisé l’étude a présenté un rapport de 89 pages qui traite de la problématique de l’esclavage par ascendance dans la région de Kayes dans plusieurs aspects. Cette présentation du rapport a suscité beaucoup de réactions dans la salle, surtout du côté de la société civile.
Il faut noter qu’en fin 2017 début 2018, un éveil de conscience conduit des citoyens considérés comme esclaves, par d’autres citoyens supposés être leurs maîtres, à se révolter contre leur statut dans la région de Kayes.
Pour se libérer, les premiers ont donc entrepris de se soulever contre leurs conditions alors que les seconds tentaient tout pour maintenir le statuquo né de la pratique de l’esclavage par ascendance dans la région de Kayes. La radicalisation des positions ne pouvait que conduire à des violences constitutives d’atteintes souvent graves aux droits de l’Homme, entrainant des déplacements forcés, des traitements cruels inhumains ou dégradants, des coups et blessures, des injures.
Face à cette atteinte intolérable à leur dignité, les victimes ont entrepris des actions sur le plan judiciaire, très souvent sans succès. La Cndh a très vite estimé que les réponses apportées par l’Etat du Mali restaient insuffisantes, car laissant les victimes dans une situation de vulnérabilité infra minimale.
L’institution nationale en charge des droits de l’Homme ne disposait pas de données fiables permettant de quantifier le nombre de victimes ou faire un état des procédures judiciaires entamées par les organisations de la société civile, les victimes, et leurs représentants légaux. De même, la Cndh ne disposait d’aucune donnée sur les besoins et attentes des victimes en termes de réparation et/ou de justice.
« C’est pourquoi, avec l’accompagnement de son partenaire privilégié, Avocats Sans Frontières Canada (Asfc), la Cndh, dans le cadre du projet « Soutenir la lutte contre l’impunité au Mali », a confié à un cabinet spécialisé une étude sur les besoins et attentes des victimes de l’esclavage par ascendance dans la région de Kayes », explique la Cndh.