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Situation sécuritaire dans le Liptako-Gourma : L’étude d’Alomra Intelligence qui en dit long
Publié le samedi 28 mai 2022  |  Aujourd`hui
Gourma-Rarhous
© Autre presse par DR
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Vaste région frontalière entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, d’où son appellation de zone des “Trois frontières” le Liptako Gourma est devenu “la région de tous les dangers” comme le constate “Alomra Intelligence”, filiale d’Alomra Group International basé au Maroc, dans un “dossier spécial” publié le 18 mai 2022, essentiellement consacré à l’insécurité dans le Sahel.

Dans son étude, Alomra intelligence relève tous les aspects liés à l’état d’instabilité du Liptako Gourma devenue depuis des années le théâtre d’actions terroristes. Cette zone qu’on appelle “la région des trois frontières” sans une délimitation physique réelle, est située entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Dès qu’on parle d’insécurité dans le Sahel on pense d’abord à cette zone devenue un sanctuaire des groupes armés radicaux qui y favorisent la concentration de menaces sécuritaires diverses, avec notamment des activités criminelles, du grand banditisme, des conflits communautaires.

Selon Alomra Intelligence, des trois pays concernés, c’est le Mali qui enregistre le plus lourd bilan si l’on considère les exactions des groupes armés qui massacrent les civils par dizaines, obligeant ainsi les populations victimes de l’insécurité à abandonner leurs terres et leurs biens pour fuir, devenant ainsi des déplacés et des réfugiés. C’est donc un dépeuplement de cette partie du territoire malien à cause de l’insécurité ambiante.

Le Burkina Faso est l’exemple type de l’importance stratégique de la région des trois frontières en matière de lutte contre l’insécurité dans le Sahel puisque cette zone du Liptako-Gourma est le point d’entrée et d’ancrage des groupes jihadistes qui sont en train de menacer la stabilité et l’intégrité du territoire burkinabé. En sept ans, précise Alomra Intelligence, les actes jihadistes ont causé plus de 2.000 morts et contraint au moins 1,8 million de citoyens burkinabés à fuir leurs foyers. Et Alomra Intelligence de rappeler que la junte qui a renversé le président élu du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, le 24 janvier 2022, avait justifié le coup d’Etat par l’incapacité des autorités à endiguer la violence jihadiste qui s’abat sur le pays. Mais trois mois plus tard, la situation n’a pas évolué parce qu’une bonne partie du territoire national continue d’échapper au contrôle de Ouagadougou. En d’autres termes, la menace jihadiste s’étend de plus en plus sur le territoire burkinabé.

Le Niger, qui vit déjà sous l’insécurité, rappelle l’étude, redoute le regain de violence qui va accentuer l’insécurité, suite à la décision française de retirer du Mali ses forces Barkhane et les forces européennes Takuba. En effet, une poussée jihadiste n’est pas à exclure dans l’immense région enclavée de Tillabéri (ouest du Niger) et dans la zone dite des trois frontières. D’ailleurs, l’une des conséquences de l’insécurité grandissante de la région des trois frontières, c’est la fuite des populations vers le Niger où elles vivent en réfugiés et dans des conditions déplorables. C’est pourquoi, en visite à Ouallam, une ville de la région de Tillabéri, au cours de ce mois de mai 2022, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a souligné que les déplacés et réfugiés trouvés sur place sont “des populations martyrisées” par la violence jihadiste dans les pays du Sahel.

Trois principaux acteurs de l’insécurité

Au sujet des acteurs de l’insécurité dans le Liptako-Gourma, trois groupes sont identifiés : l’organisation Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et Ansarou l-Islam. Mais, souligne Alomra Intelligence, le groupe le plus visible des trois reste l’organisation Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) et ce n’est pas un hasard si, en janvier 2020, le sommet du G5-Sahel à Pau (sud de la France) désignait l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) comme l’ennemi numéro. Ses combattants, estimés à plusieurs centaines de combattants, sont répartis entre deux katibas (unités combattantes), l’une composée principalement d’un clan touareg et l’autre de membres de la communauté peule, cible privilégiée des recruteurs jihadistes.

Alomra Intelligence rappelle que le chef historique de l’EIGS au Sahel, Adnane Abou Walid Al Sahraoui, tué en août 2021 lors d’une frappe de l’armée française, aurait été remplacé par un nouvel émir, Abdoul Hakim Al-Sahraoui. Selon toujours Alomra Intelligence, l’EIGS, dans son idéologie, fait abstraction des frontières et envisage d’installer un califat sur les espaces occupés. L’EIGS, précise Alomra Intelligence, a des capacités d’action dans les trois pays : Mali, Niger et Burkina Faso.

Concernant le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaida, il est né en 2017 de l’agrégation de plusieurs groupes jihadistes sous l’autorité de Iyad Ag Ghali, “un charismatique chef touareg omniprésent au Mali depuis le début des années 1990”. Avec au moins un millier de combattants, le GSIM, qui a survécu à la présence de Barkhane malgré la perte de beaucoup de ses cadres, est actuellement un acteur incontournable du conflit au Sahel et surtout dans le Liptako-Gourma.

Il est bon de noter, comme l’a fait Alomra Intelligence dans son étude, que sous la coupe du GSIM, un autre groupe, la katiba Serma, s’active dans la partie malienne mais ses actions ne dépassent guère les limites du territoire malien.

Alomra Intelligence révèle que, récemment, le GSIM a revendiqué la capture d’un Russe de Wagner dans la région de Ségou au Mali. Ensuite, précisent les auteurs de cette étude, le GSIM a retrouvé une liberté de mouvement que n’arrive pas à contrer les forces maliennes depuis retrait de la force Barkhane du nord du Mali, notamment à Gao et Kidal, deux localités que les jihadistes avaient prises en 2012 et y avaient donc établi leur quartier général et leur état-major. Profitant de cette occupation pour s’ancrer profondément au sein des populations dont il bénéficie du soutien, le GSIM qui fait preuve d’une certaine efficacité au combat, doit mériter plus d’attention de la part des autorités des trois pays du Liptako-Gourma car, comme le précise Alomra Intelligence, la paix au Mali ne peut se faire sans son accord à défaut de son éradication pure et simple.

Ces deux groupes, plus précisément l’État islamique au Grand Sahara et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans sont particulièrement actifs, précise Alomra Intelligence.

Le troisième groupe armé identifié comme étant en train de s’activer dans cette zone, agit beaucoup plus au nord du Burkina Faso, même si base était auparavant dans le Liptako-Gourma où il a pris naissance. Il s’agit d’Ansarou l-Islam, un groupe constitué majoritairement de Peuls, apparu à la fin de 2016 et dirigé par un certain Ibrahim Malam Dicko qui rêve de fonder l’empire peul du Macina fondé au début du XIXe siècle par le marabout Peul, Sékou Amadou.

Le Burkina se trouve pris dans l’étau du GSIM et de l’EGIS d’un côté et d’Ansarou l-Islam de l’autre. Ansarou l-Islam a fait fuir les populations de plusieurs localités du nord du Burkina Faso où ce groupe jihadiste fait monter la pression avec notamment des assassinats ciblés de personnes suspectées de collaborer avec l’Etat, des menaces sur les écoles finalement désertées par les enseignants, des attaques contre les postes de sécurité, l’intimidation de la population, l’interruption des mariages et des baptêmes jugés trop fastueux et donc non conformes à l’esprit de l’islam que prône son idéologie, etc.

Les groupes jihadistes ont pu prospérer sur un terreau favorable fourni par la sécheresse et des rivalités historiques entre agriculteurs et éleveurs

Naturellement, il faut penser à la cohabitation entre ces différents groupes, surtout si l’on sait qu’entre les grands chefs de l’Etat islamique et d’Al Qaeda ce n’est pas le parfait amour. Mais cette divergence, selon Alomra, n’est pas visible sur le terrain où les combattants s’identifient beaucoup aux chefs locaux. Une concurrence existe quand-même, chacun des groupes voulant se rendre plus attrayant pour le recrutement de nouveaux combattants.

Dans ce “dossier spécial” sur l’insécurité dans le Sahel et focalisé sur le Liptako-Gourma, les auteurs rappellent les violents affrontements, au mois de mars 2022, entre la Coalition du Mouvement pour le Salut de l’Azawad (MSA) – Groupe d’Autodéfense Touareg Imghad et Alliés (Gatia) et un groupe terroriste affilié à Daech dans la région de Ménaka au nord du Mali.

Les groupes jihadistes ont pu prospérer sur un terreau favorable fourni par la sécheresse et des rivalités historiques entre agriculteurs et éleveurs.

Mais ce dossier ne pouvait être complet s’il n’évoquait pas les trafics de toutes sortes qui se déroulent dans cette zone. A l’image du trafic de drogue que les jihadistes cautionnent pour en faire une source de revenus en prélevant des taxes. Il y a aussi le trafic d’armes ou de médicaments dans lesquels les prétendus jihadistes interviennent directement en prélevant une part de la marchandise, sous forme de dîme à payer en contrepartie de la couverture desdits trafics.

Mais qu’est-ce qui a été fait jusque-là pour améliorer la situation sécuritaire ?

Alomra Intelligence identifie quatre démarches qui ont été entreprises pour contenir le phénomène d’insécurité et assurer le développement économique et humain dans la zone : création de la Minusma ; constitution du G5 Sahel ; déploiement de l’opération Barkhane ; lancement du “Projet des Trois Frontières”.

En dépit de toutes ces dispositions, l’insécurité persiste dans la région des trois frontières et en plus, souligne Alomra Intelligence, elle connaît un tournant tragique depuis un moment pour les populations vivant dans les localités de Tessit, Talataye, Ansongo et la région de Ménaka, situées dans la zone frontalière entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, où la situation sécuritaire s’est considérablement dégradée au cours des derniers mois. Selon Alomra Intelligence, à partir du mois de mars 2022, les villages de la zone des trois frontières sont le théâtre des pires massacres de civils qu’a connus le Sahel depuis le début de la crise en 2012. Plusieurs villages des environs de Gao ont été ciblés par les jihadistes de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS). Entre 300 et 500 personnes ont été tuées, principalement des civils. C’est le bilan le plus lourd jamais enregistré depuis le début du conflit. Face aux attaques, les combattants du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) et du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA), organisations armées touaregs loyalistes – réputées proches du pouvoir central – se battent presque seuls, quasiment sans soutien de l’armée régulière.

Sur le plan militaire, le Burkina Faso et le Niger mènent des opérations conjointes, essentiellement à leurs frontières. Cependant, faute de coopération plus étroite entre les trois Etats partageant cette zone, la situation a dégénéré, et la nature ayant horreur du vide, les terroristes et autres narcotrafiquants s’y sont solidement incrustés, au moment où Niamey, Ouagadougou et Bamako n’arrivent pas à définir une stratégie commune face à la déferlante jihadiste. Malgré la montée en puissance des Forces Armées Maliennes (FAMa), qui causent d’importantes pertes aux jihadistes, une véritable coopération militaire tripartite s’imposerait pour mener une lutte implacable contre ces terroristes qui ont causé d’énormes pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels.

Faut-il dialoguer avec les jihadistes ?

A l’heure actuelle, il est évident que le tout sécuritaire ne suffit plus pour sortir la zone de l’impasse et cette idée semble être la mieux partagée aussi bien par les dirigeants des Etats que par les experts en question sécuritaire. Comme quoi, un dialogue avec des groupes armés pourrait être un passage pour parvenir à la paix. Mais, comme le relève Alomra Intelligence, des quetions restent encore sans réponse: Faut-il négocier avec les jihadistes ? Si oui, avec qui ? Et quels sont les résultats escomptés ? Au Burkina Faso, comme au Mali et au Niger, s’est vite posée la question : faut-il prendre langue avec les groupes armés ? Contrairement à Niamey, Ouagadougou exclut toute négociation avec Al-Qaïda et l’Etat islamique, mais envisage de dialoguer avec les combattants locaux, qui souhaiteraient déposer les armes, selon les autorités.

Au Mali, la présence du groupe paramilitaire russe Wagner confirme la volonté des autorités maliennes de chercher une victoire militaire contre les jihadistes. Pourtant, les relations avec les groupes armés n’ont jamais été interrompues. Il était quand même bon de rappeler qu’en 2020, l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta avait demandé l’envoi d’émissaires vers deux chefs jihadistes et ce sujet a refait surface après le départ des forces de de la France, qui s’est toujours opposée à une telle stratégie.

Au Niger, les armes ne permettant pas d’emporter une victoire, l’option de négocier avec tous les jihadistes, organisations transnationales comprises, semble être la voie privilégiée. Le président nigérien Mohamed Bazoum, défenseur acharné de cette ligne, a amorcé ces derniers mois des discussions avec des éléments du groupe jihadiste de l’EIGS. Pour Niamey, l’objectif est double : empêcher le recrutement de nouvelles recrues et réinsérer les combattants qui rendent les armes.

A.B.N.
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