Qu’elle soit humaniste ou culturelle, l’universalisme qui a longtemps été une valeur très largement partagée par les êtres humains, est-elle encore possible de nos jours ? Car c’est bien vers cette interrogation d’ordre existentiel que l’on s’achemine à force de vouloir mettre toutes les personnes dans un même moule.
Bien qu’il soit un excellent milieu de terrain, maitrisant quasiment à la perfection l’art du positionnement et de la récupération (du ballon) quand il le faut, Idrissa Gueye, se serait bien passé d’une telle polémique qui nuit tant à sa quiétude sportive. Et pourtant, ses convictions cultuelles et aussi culturelles, qu’ils portent viscéralement en lui, sont si fortes, qu’ils ne pouvaient se résoudre à arborer le maillot arc-en-ciel le 14 mai dernier, lors de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie. Il n’en a fallu pas plus pour déclencher une vive polémique en France. Pour beaucoup, Idrissa du fait de ce refus, serait le diable en personne. Alors qu’en réalité, il a fait un choix, en toute liberté de conscience et de religion.
Le mouvement LGBTQI+ en France s’est empressé de condamner l’acte de Idrissa Gana Gueye le qualifiant d’homophobe, tout en exhortant qu’il soit sanctionné par son club avec à la clé une mise à pied. Même son de cloche sur la quasi-totalité des réactions auxquelles l’on a pu assister dans le pays. Et les rares téméraires qui essayent d’expliquer la motivation du choix de Gueye sont, au mieux des cas incompris, lorsqu’eux aussi ne sont pas qualifiés d’homophobes. C’est le cas du journaliste Gilles Verdez, bien qu’ayant clairement expliqué le raisonnement du joueur lors de l’émission Télé à succès « Touche Pas à Mon Poste » (TPMP) sur C8. Il aura été violemment pris à parti par deux de ses collègues sur le plateau, l’un n’hésitant pas à lui qualifier de noms d’oiseaux avant de quitter les lieux.
A travers l’Affaire Idrissa Gueye qui n’a pas encore connu son épilogue, des interrogations surgissent quant à nos capacités respectives à tolérer la façon de voir de l’autre, tout en étant fidèles à nos convictions les plus profondes. Car il semblerait que chacun ait sa propre ligne rouge qui ne correspond pas forcément à celle de l’autre.
Au fond, que peut-on reprocher à Idrissa Gueye ? Il n’a agressé personne ni verbalement ni physiquement. Peut-on ou doit-on obliger quelqu’un à arborer des symboles qui trahissent sa conscience confessionnelle ? Car oui, être fidèle à ses valeurs est aussi une liberté individuelle. La condition serait de le faire sans offenser l’autre. C’est cela qu’a accompli Gueye. Il aura fait son choix en toute discrétion. Et d’ailleurs, depuis l’éclatement de l’affaire, il aura gardé un silence qui en dit long sur sa maturité et sa force de conviction. Il faut aussi saluer le courage de l’homme qui bien qu’étant conscient que son geste avait de forts risques de lui valoir blâmes, remontrances voire insultes, sera resté droit dans ses crampons.
Y aura-t-il une Jurisprudence Gueye en la matière ?
Assez peu connu du grand public, des joueurs professionnels auront fait des choix forts pour être en paix avec leur liberté de conscience et de religion. C’est le cas, par exemple, du joueur marocain Mehdi Benatia qui aura fait ses valises pour le Qatar alors qu’il évoluait au sommet du foot européen. L’ancien du Bayern Munich et de la Juventus avait justifié son choix pour des raisons religieuses. Pour lui, dans l’Emirat, il serait dans un cadre qui lui conviendrait mieux et avait demandé à tout le monde de respecter son choix. C’était en début de l’année 2019. Un autre cas, c’est celui du joueur Nicola Legrottaglie qui assuma publiquement ses convictions religieuses qui vont à l’encontre de l’homosexualité. Fervent catholique, pour lui, la Bible aura été clair : « Dieu dit qu’un homme et une femme sont nés pour être une seule chose et faire grandir des enfants. Si deux hommes veulent être ensemble, je les respecte, mais je ne suis pas d’accord. Dieu aime chaque créature, mais n’aime pas le péché ».
Dès lors, l’on comprend que la tendance globale du monde, mais surtout de l’Occident, c’est l’athéisme. La religion a de moins en moins sa place dans quasiment tous les domaines de la vie. Souvent, elle se retrouve même déformée de son origine pour être conforme à l’ordre voulu du moment. Cependant, dans les tous prochains jours, la réaction de la Fédération française est attendue. Soit la balance penchera du côté de Gueye et désormais chaque joueur aura le droit de porter ou nom tout symbole, ce qui est fort peu probable, soit ce dernier sera sanctionné pour l’exemple. Dans ce dernier cas de figure, il n’est pas exclu, au grand dam des supporters parisiens, que le joueur fasse le choix de partir dans un autre championnat où les gens sont plus tolérants sur le sujet.
Toutefois, l’erreur que commet les instances du foot européen c’est de mettre la lutte contre le racisme et celle contre l’homophobie dans le même panier. Il n’est pas de religion qui encourage le racisme, bien au contraire. Tandis que l’homosexualité peut constituer un blocage pour quelqu’un issu d’un environnement autre que celui occidental. Le foot européen attirant des joueurs de tous origines, son principal défi serait peut-être de trouver la bonne formule pour que les uns et les autres puissent évoluer sur le terrain ensemble. Pour cela, il faudra que les fédérations fassent preuve de tact, mais surtout, d’ouverture d’esprit, au risque de priver leurs équipes de personnels de qualité. Elles ne devront pas se borner à leur vision strictement occidental. Car si l’universalisme devient de plus en plus difficile de nos jours, le football, lui, est bien universel.