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Nouveau panafricanisme en gestation : Quand la jeunesse consciente de l’Afrique veut s’émanciper à partir du Mali
Publié le mercredi 1 juin 2022  |  Le Matin
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Avec une puissance économique adossée aux richesses de l’Afrique, la crainte de la France par rapport à l’éveil du peuple malien est que cette «rébellion» fasse tâche d’huile sur un continent extrêmement jeune. Une jeunesse décomplexée et déterminée à offrir à l’Afrique son poids réel dans les relations internationales. Malheureusement pour Paris, les manifestations au Tchad et en Afrique du Sud mercredi dernier (25 mai 2022) ne laissent plus de doute sur le fait que ce rejet de la politique française se propage comme un feu de brousse dans nos Etats !

«La présence de toutes ces communautés atteste que le destin de l’Afrique se joue au Mali» ! Telle est la conviction partagée par le Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maïga, avec les ressortissants de différents pays africains rassemblés à la Tour de l’Afrique à l’occasion de la célébration de la Journée panafricaine mercredi dernier (25 mai 2022). Un événement qui célèbre la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), devenue par la suite l’Union africaine (UA), le 25 mai 1963 à Addis-Abeba (Ethiopie).

L’un des rares, voire seul pays d’Afrique, où l’unité africaine est inscrite dans la constitution, le Mali a toujours joué un rôle primordial dans l’émancipation des peuples africains et dans la réalisation de l’intégration africaine. La première République avait déjà montré la voie à suivre aux autres Etats pour parvenir à la vraie indépendance, pour se libérer totalement du joug colonial. Une expérience malheureusement interrompue par le coup d’Etat du 19 novembre 1968. Et depuis, la France n’a cessé d’étendre sa mainmise sur notre pays.

Mais, depuis le 24 mai 2021 (avec la rectification de la Transition), les choses commencent à entrer dans leur ordre naturel avec la détermination des autorités de la transition malienne de reconquérir la souveraineté nationale. Si les actes posés sont diversement interprétés dans nos murs (entre patriotisme et populisme), ils ressuscitent en Afrique l’espoir de l’avènement d’un nouveau panafricanisme. Le Mali est de plus en plus cité en référence par les populations africaines, notamment les jeunes, qui n’hésitent plus à comparer le Colonel Assimi Goïta au regretté Capitaine Thomas Sankaré dont l’élan émancipateur des Burkinabé et des Africains a été lâchement interrompu le 15 octobre 1987 par son assassinat. Des jeunes africains commencent donc à s’identifier au président de la transition malienne, à l’image de ce jeune Gabonais qui a relativement fait le buzz avec une vidéo dans laquelle il déclare avoir accompli les formalités nécessaires pour acquérir la nationalité malienne.

N’Djamena, Pretoria…, la résistance malienne commence à faire tâche d’huile sur le continent

La France, soutenue par ses alliés européens, a tout fait pour étouffer le sursaut d’orgueil des Maliens face à l’arrogance française. Et cela parce qu’elle craignait qu’il ne fasse tâche d’huile en contaminant le continent. Elle n’y échappera pas malheureusement puisque que la résistance, la résilience du peuple malien pousse aujourd’hui d’autres pays à revendiquer leur souveraineté, à s’affranchir de la tutelle de la France, des puissances impérialistes. Le flambeau de l’émancipation africaine est désormais porté par une jeunesse déterminée à débarrasser son continent des stigmates d’un encombrant et appauvrissant passé colonial.

C’est ainsi que, depuis le 14 mai dernier, le Tchad (un pays important dans le pré-carré français, notamment dans son dispositif de conquête militaire du Sahel pour préserver ses intérêts) les populations ont montré la porte de sortie à la France. Des centaines de personnes y ont manifesté contre l’Hexagone, accusé de soutenir la junte militaire au pouvoir, à la demande de la plateforme d’opposition de la société civile «Wakit Tamma». Des drapeaux tricolores ont été brûlés ; des stations-service Total, «symbole» de la France, vandalisées par des manifestants scandant des slogans comme «la France, dégage !» ou «Non à la colonisation»…

Et le 25 mai 2022, jour symbolique de la célébration de la Journée de l’Afrique, des jeunes Sud africains sont aussi entrés dans la danse. Les Combattants pour la liberté économique (EFF), T-shirts et casquettes rouges avec un logo en forme d’Afrique, ont brandi des pancartes avec des slogans comme «La France dehors», «Richesse de la France sur le dos des Africains» ou encore «Réparations pour les crimes coloniaux». Quelques centaines de militants de la gauche radicale sud-africaine ont ainsi manifesté à Pretoria pour exiger que la France, taxée d’impérialisme post-colonial, quitte le continent africain.

«Va te faire foutre la France, va te faire foutre», a scandé un militant sur une scène aménagée sur un camion ouvert, la petite foule reprenant les slogans en chœur avant de se rapprocher des grilles de l’ambassade de France protégée par un cordon de policiers armés. «Vous avez tué beaucoup de gens en Afrique, pourquoi avez-vous si peur aujourd’hui ?», a lancé Julius Malema en exigeant de rencontrer un représentant français, l’un des tenants de la «suprématie blanche française».

Pour l’un des porte-paroles de l’EFF, «la France a ses sales petits doigts encore profondément enfoncés dans ses anciennes colonies françaises. Les pays africains ne peuvent pas respirer». Un autre a exigé que «la relation France-Afrique doit changer, les pays africains doivent être considérés comme des partenaires et pas seulement comme des fournisseurs de matières premières».

«La France est un partenaire solide de l’Afrique du Sud et elle respecte pleinement l’intégrité, la souveraineté et l’indépendance de toutes les nations africaines», s’est défendue l’ambassade de France à Pretoria dans un communiqué de presse.

L’Afrique du Sud, un symbole pour les Maliens pour mieux concrétiser l’espoir des Africains

Le cas sud africain est symbolique à plus d’un titre car il s’agit d’un pays anglophone qui veut contraindre la France à lever sa main mise sur ses anciennes colonies en Afrique. Les Noirs d’Afrique du Sud sont aussi le symbole de la lutte d’émancipation. Pendant des décennies, des homme engagés comme Nelson Mandela Steve Biko (fondateur du mouvement de la conscience noire), Joe Slvo, Tabo Nbéki, Walter Sisulu, Oliver Tambo, Ahmed Kathrada, Denis Goldberg, Cyril Ramaphosa… ont surmonté la répression féroce, la violence sous toutes ses formes, la persécution, la prison, l’humiliation pour que la nation Arc-en-en ciel puisse voir le jour.

On nous dira sans doute que ce sont les Blancs qui contrôlent toujours les leviers de l’économie sud-africaine et que les Noirs sont encore majoritairement cantonnés dans les ghettos réduits au chômage et à la misère. Mais, le changement de système politique n’entraîne pas systématiquement celui des conditions de vie et de subsistance des communautés qui étaient les victimes de l’ancien. Il sert juste de tremplin au changement qui s’opère progressivement sur le long terme.

En Afrique du Sud, le combat des résistants à l’apartheid doivent amener les Maliens à comprendre qu’il y a toujours un prix à payer pour parvenir au changement tant espéré, des sacrifices (souvent humains) à concéder… Et aujourd’hui, nous sommes obligés d’accepter de payer ce prix parce que nous ne pouvons pas nous permettre de décevoir tous ces Africains émerveillés par notre volonté de nous émanciper de la France et du néocolonialisme.

Nous sommes désormais condamnés à réussir si nous ne voulons pas comparaître devant le tribunal de l’histoire comme ceux qui n’ont pas eu le courage d’aller au bout de leur volonté pour conduire les Africains à l’émancipation totale.

Moussa Bolly

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