La justice malienne semble être au pied du mûr. Depuis quelques décennies et principalement sous l’ère du général fuyard, la Justice au Mali n’a certainement pas une forte cote de popularité et d’amour auprès des justiciables maliens.
Sous l’ère du général ATT, en tout cas et dans tous les cas, l’institution judiciaire, dans notre pays, est la plus crainte qu’aimée, plus redoutée que respectée. Comme si les Maliens, par méfiance, fuyaient leur Justice, se cachaient de leur Justice.
Pourtant, nos tribunaux drainent du monde. Nos magistrats et autres justiciers sont à pied d’œuvre. Les défenseurs (avocats) font le tour des affaires tant dans la journée que dans la nuit. Et nos prisons ne désemplissent pas. Seule une justice qui tourne à plein régime est capable d’un tel dynamisme. Peut-on soutenir, dans ces conditions, que la Justice au Mali est loin du justiciable? Nous avons tout à gagner à apprécier notre Justice au-delà des apparences. Nous avons intérêt à approcher notre Justice au fond et dans ses ressorts cachés.
Nous affirmons, d’une part, que notre Justice est encore largement étrangère. La plupart des lois qui en constituent l’ossature et qui en sont l’épine dorsale ne s’inspirent ni du vécu de nos populations ni des réalités de l’environnement socioculturel de celles-ci. Nous devons dramatiquement prendre conscience que nous sommes en face d’une absurdité.
Elle est à remettre en question sans délai et radicalement.
Dans ce Mali indépendant, qui égrène près de cinquante-deux ans de souveraineté, le citoyen malien de Bandiangara est justiciable, en son pays, au même titre que le citoyen français. Un système purement calqué du système européen. Pourtant, tout les sépare: la distance, les contextes, la culture, le rapport aux êtres et aux choses. Inacceptable que l’un et l’autre soient jugés avec les mêmes lois. Inadmissible que l’un et l’autre aient à répondre de leur culpabilité ou de leur innocence sur la foi des mêmes lois. Pour ne plus avoir à s’étonner de rien, signalons que, il y a quelques jours, des personnalités maliennes respectables, se prévalant de leur double nationalité, étaient allées accomplir leur devoir civique, prenant part aux dernières élections françaises. Il est temps de nous asseoir autour de la même table pour remettre notre justice sur les rails avant qu’il ne soit trop tard. La preuve, la situation qui prévaut actuellement dans notre pays, depuis le 21 mars dernier, doit nous interpeller à procéder à une révision de la Constitution du 25 février 1992.
Cette Constitution nous a montré ses limites face à la gestion de la crise institutionnelle. Ce qui nous a conduits à un Accord-cadre dont le contenu pose toujours problème. A-t-on vraiment des constitutionalistes dans notre Mali ? Une question qui mérite des réponses de la part des législateurs ! Il nous fallait coûte que coûte une Constitution taillée à partir de celle de la France (1789). Dommage que les réalités ne sont pas les mêmes entre le Mali et la mère-patrie. Tout porte à croire que nous n’avons pas d’ambition pour notre pays. Depuis que le général fuyard a pris ses jambes à son cou, nous sommes face au vent de l’histoire.
Nous affirmons, d’autre part, que notre justice est inconnue de la plupart des Maliens. Ces derniers n’en connaissent pas les rouages. Ils ignorent tout de son mode de fonctionnement. Il n’y aura pas de miracle. La plupart de nos concitoyens, vivent avec l’ignorance de la loi, la méconnaissance des droits. Et tant qu’il en sera ainsi, la justice, pour la plupart de nos compatriotes, sera de l’ordre d’un pis-aller, c’est-à-dire de quelque chose à quoi on a recours faute de mieux.
Nous affirmons, enfin, que notre Justice est loin de bénéficier de la confiance d’une majorité de nos concitoyens. Les Maliens ne sont point encore parvenus au stade où ils jureraient sur leur justice comme l’on jure sur le Coran. Cela est loin d’être une réalité dans notre pays après 52 ans d’indépendance. Nous tournons toujours nos idées en rond sans destination finale.