Avec une prestigieuse casquette de président en exercice de l’UA, le chef de l’Etat sénégalais était à la manœuvre, la semaine dernière, au détour d’un besoin de juguler les effets de la guerre russo-ukrainienne sur le continent et son corollaire de péril alimentaire latent. Son bâton de pèlerin l’a ainsi conduit jusqu’à Sotchi où Macki Sall a ouvertement revendiqué à Vladimir Poutine les dividendes de la position des pays africains sur la question russe aux Nations Unies. La majorité d’entre eux ayant contribué par la neutralité au blocage du vote des résolutions contre Moscou, cette posture devrait pouvoir se monnayer en traitement de faveur pour l’Afrique dans la gestion des couloirs d’acheminement des céréales et des engrais par la mer noire. Et le président en exercice de l’UA n’est pas allé de mainmorte pour rajouter d’autres couches à son marchandage, en fustigeant notamment l’étendue des sanctions occidentales contre la Russie. Ça n’est pas tout. L’hôte de Vladimir Poutine s’est en outre employé à enivrer son interlocuteur par le rappel du glorieux passé anti-colonial de la Russie soviétique, quoique les présidents sénégalais et russe en aient sans doute des perceptions dissonantes. Tandis que l’un n’en parle qu’au passé, l’autre considère que la décolonisation n’est pas encore achevée comme pour accuser la politique européenne en Afrique. En plein conflit contre l’Occident l’offensive de charme russe en direction de l’Afrique passe ainsi par cette visite du président Macki Sall à qui Vladimir Poutine propose plus une roulette russe qu’il ne lui donne de gage sur la levée des blocages dans l’approvisionnement de l’Afrique en céréales et en engrais.
Et si Mahmoud Dicko n’avait pas tort ?
Le président d’honneur de la CMAS, Mahmoud Dicko, était au cœur de la polémique depuis son intervention alambiquée au Forum de Bamako. C’est là, en effet, que le célèbre imam a rompu le silence plus bruyamment qu’attendu, en martelant à qui veut l’entendre que ces concitoyens paient un lourd le tribut à l’arrogance des gouvernants et à l’orgueil de la communauté internationale. L’assertion a curieusement déclenché moins de réactions chez les gouvernants que du côté des coreligionnaires de son auteur qui s’en sont donnés à cœur-joie. Du leader d’Ancar Dine, Ousmane Cherif Madani Haïdara, au célèbre prêcheur Mahi Ouattara, en passant par l’imam-ministre Oumar Diarra, le monde religieux proche du pouvoir n’a pas fait dans la tendresse vis-à-vis de l’ancien président du Haut conseil islamique du Mali. Même tonalité chez tous dans les tirs croisés contre les déclarations de Mahmoud Dicko que d’aucuns jugent indignes d’un chef religieux. Seulement voilà : les proches collaborateurs de l’ancienne autorité morale en ont une lecture très différente et pour le moins convaincante. Prenant à contrepied ses détracteurs, ils soutiennent en substance que leur mentor ne s’est pas prononcé avec une casquette de leader religieux mais plutôt avec le statut qui lui a valu une participation au Forum de Bamako en tant qu’acteur de la promotion de la paix dans le Sahel au nom de laquelle il a même dédié un centre.
Le silence douteux et intrigant du PM Choguel
Connu comme le hâbleur hors-pair parmi tant de leaders de la Transition, le Premier ministre Choguel Maiga a curieusement opté pour le mutisme et la discrétion depuis l’épisode de Sekou Tounkara à la Primature. Ni les bouillonnements internes au sein du M5, ni les démarches pour la levée des sanctions de la CEDEAO n’ont perturbé l’omerta de Choguel et partisans comme si la posture leur avait été imposé par le plus haut sommet de l’Etat. Quoi qu’il en soit, le mutisme semble surtout profiter au Premier ministre comme paravent et couverture contre la déconvenue que lui inflige le cinglant démenti que la Maison de la Presse a apporté à ses récentes affirmations en rapport avec l’aide publique à la presse. En effet, c’est en ouvrant le bal de la série de passages des membres de son gouvernement sur les antennes nationales, dans le cadre d’une communication gouvernementale d’envergure, que Choguel Maiga a soutenu sans ciller que la presse malienne a bénéficié d’une enveloppe de 600 millions d’aide sous la transition. Or tout a prouvé, après le tollé déclenché par ses affirmations, que la manne reçue des autorités pendant la période désignée n’atteint pas 200 millions de nos francs, soit le total dû pendant une année budgétaire. Et là également, au lieu d’apporter la preuve du contraire par d’autres arguments contradictoires, le chef gouvernement choisit de s’emmurer derrière le silence sur une question ayant tant contribué à exacerber les tensions, suspicions, méfiances et divergences internes de la grande famille médiatique malienne.