BAMAKO - Deux civils ont été tués et six soldats blessés samedi à Tombouctou, dans le nord-ouest du Mali, dans une attaque suicide contre un camp de l’armée, signe d’un regain de violences dans le pays qui a mené, avec l’appui de troupes franco-africaines, une guerre contre des jihadistes.
C’est la troisième attaque suicide de l’histoire Tombouctou, ville mythique à 900 km au nord de Bamako, qui avait été secouée par deux fois en mars 2013 par des attaques kamikazes. La cité avait été occupée plusieurs fois en 2012 par des groupes jihadistes dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui en ont été chassés fin janvier par des soldats français et africains.
Samedi, des kamikazes à bord d’un véhicule ont ciblé le camp de l’armée
malienne situé dans le centre-ville, selon un soldat malien et une source
militaire africaine au sein de la Minusma, la mission de l’ONU au Mali,
jointes sur place et qui ont parlé de deux assaillants.
L’attentat suicide a eu lieu "aux environs de 13H00 (locales et GMT)" et il
a été commis "par quatre terroristes", faisant six morts: "deux civils et les
quatre terroristes qui ont été tués sur le coup", a affirmé le gouvernement
dans un communiqué samedi soir.
Il a également annoncé "six soldats blessés" et indiqué que "la
déflagration a entraîné d’importants dégâts matériels".
"Je condamne fermement ce type d’attaques, elles sont inacceptables", a
réagi dans un communiqué Bert Koenders, représentant du secrétaire général des
Nations unies au Mali et chef de la Minusma, en réitérant le soutien de sa
mission aux autorités maliennes pour la restauration de la paix et de la
stabilité sur tout le territoire.
Le gouvernement malien a rappelé que cet attentat est survenu au lendemain
d’une attaque ayant visé des militaires maliens dans une autre ville du Nord,
Kidal, chef-lieu de la région du même nom.
Des hommes armés non identifiés ont jeté deux grenades en direction de
militaires maliens qui sécurisaient une banque de la ville avant de prendre la
fuite. Deux militaires maliens ont été légèrement blessés, et étaient samedi
hors de danger, a-t-on indiqué au gouvernorat de la région.
"Des dispositions sont prises pour renforcer la sécurité sur l’ensemble du
territoire national. Les investigations sont en cours pour rechercher les
responsables de ces actes", a déclaré le gouvernement.
"La multiplication de ces attentats démontre que la guerre contre le
terrorisme n’est pas terminée et que la situation sécuritaire demeure fragile
dans toute la zone sahélo-saharienne", a-t-il estimé.
Nouveaux chefs d’Aqmi dans le nord du Mali
Samedi soir, aucun élément ne permettait de dire s’il y avait un lien entre
ces violences et l’annonce récente de la nomination par Aqmi de deux nouveaux
chefs de ses unités combattantes dans le nord du Mali.
Parmi ces nouveaux dirigeants, figure l’Algérien Saïd Abou Moughatil, qui
remplace son compatriote Abdelhamid Abou Zeïd, un de ses chefs les plus
radicaux, tué lors de l’intervention militaire franco-africaine.
Samedi, deux hauts responsables de la Communauté économique des Etats
d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et de la Minusma, se sont rendus à Kidal "pour
une mission de paix", prévoyant des rencontres avec des notabilités locales,
d’après la source au gouvernorat.
Ces dernières attaques marquent un regain de violences au Mali, qui a connu
en 2012 et 2013 la plus grave crise de son histoire, marquée notamment par
l’occupation du Nord par les groupes armés et l’intervention militaire
franco-africaine contre eux.
La crise a duré 18 mois, jusqu’à l’élection présidentielle de juillet-août
remportée par Ibrahim Boubacar Keïta, qui a pris ses fonctions le 4 septembre,
suscitant l’espoir d’un nouveau départ pour le Mali.
Mais jeudi, trois groupes armés - deux touareg et un arabe - ayant leurs
bases dans le Nord, notamment à Kidal, ont annoncé qu’ils suspendaient leur
participation aux discussions prévues avec le gouvernement malien dans le
cadre d’un accord signé avec Bamako en juin à Ouagadougou.
Ils ont accusé le gouvernement malien de ne pas respecter ses engagements et de causer de "multiples difficultés" dans la mise en oeuvre de l’accord.
"Nous sommes en train de faire ce qu’il faut", avait réagi le président
Keïta vendredi depuis New York, en prônant la confiance, tandis qu’à Bamako,
le gouvernement s’était dit toujours "disposé au dialogue".
Les deux précédentes attaques suicides à Tombouctou, cité au patrimoine culturel inestimable, s’étaient déroulées les 21 et 30 mars. Le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), un des groupes islamistes ayant occupé le nord du Mali en 2012, avait affirmé avoir commis la première, la deuxième n’avait pas été revendiquée.
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