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La justice attendue sur de gros dossiers : Des patates chaudes sur la table des juges
Publié le samedi 18 juin 2022  |  Aujourd`hui
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© aBamako.com par AS
La cérémonie de prestation des membres de la cour constitutionnelle du Mali
Bamako, le 10 Août 2020, les nouveaux membres de la cour constitutionnelle ont prêté serment devant l`Assemblée nationale et la cour suprême réunies.
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Ces dernières années, la lutte contre la corruption a beaucoup fait parler d’elle et l’avènement de la Transition a donné l’espoir qu’un coup d’accélérateur sera donné au traitement de grands dossiers, lesquels ont fait couler beaucoup d’encre et de salive, soit à cause des personnalités incriminées soit au vu des montants faramineux mis en cause. Flashback sur certains dossiers qui ont secoué la République et pour lesquels la justice est très attendue.

SUR LES TRACES DES 1230 MILLIARDS FCFA DE LA LOI D’ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION MILITAIRE

La Loi d’orientation et de programmation militaire (Lopm) qui concrétise la volonté du président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, de doter le Mali d’un outil de défense capable de relever les nombreux défis sécuritaires, a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale au mois de mai 2015. Le texte prévoit un immense investissement pour l’armée, d’un montant de 1230,563 milliards Fcfa sur la période 2015-2019.

Dans son discours prononcé à l’occasion du 20 janvier 2020, l’ex-président de la Transition, Bah N’daw, précisait que la lutte contre la corruption et l’impunité reste un impératif pour la Transition. Et il annonçait : “L’argent dépensé pour l’Armée, pour la défense et la sécurité des populations sera justifié au centime près. Les Lopm seront auditées, leurs leçons tirées et les responsabilités situées”, affirmait-il.

Il faut rappeler que sur les 1230.563.972.347 Fcfa come budget voté par l’Assemblée nationale pour la mise en œuvre de la Loi d’orientation et de programmation militaire, les investissements représentent 427.598.785.582 Fcfa, soit 34,75%, le fonctionnement 442.577.348.718 Fcfa, soit 35,97% et le personnel 360.387.838.047 Fcfa, soit 29,29% du budget. L’effort pour la Lopm en 2015 a été estimé à 104.098.958.122 de Fcfa. En 2016, il est de 109.489.958.134 de Fcfa. Il était prévu de le porter à 97.282.269.381 de Fcfa en 2017, à 110.921.994.129 de Fcfa en 2018 et à 92.898.865.082 de Fcfa en 2019.

Noter que dans l’effort de financement, la part de l’Armée de l’Air est la plus importante avec 34.15%, soit 175.752.927.230 de Fcfa. Elle est suivie par celle de l’Armée de terre qui représente 22.86%, soit 117.664.537.912 de Fcfa.

AUDIT DE 13 CONTRATS D’EQUIPEMENTS MILITAIRES D’UN COUT TOTAL DE 236,332 MILLIARDS DE FCFA

Dans le cadre de la mise en œuvre de la Loi d’orientation et de programmation militaire, notamment en ce qui concerne le volet 2015-2016, le Ministère de la Défense et des Anciens Combattants (MDAC) avait passé en 2015, 13 contrats dont le coût total s’élève à 236,332 milliards de Fcfa. Il s’agit des marchés : par entente directe pour la réparation de MI-24D conclu avec le fournisseur Algemira d’Algérie, d’un coût de 5,820 milliards de Fcfa signé le 10/06/2015 ; le marché relatif à la fourniture de six (06) avions Super Tucano, conclu avec le Fournisseur Embraer-sa du Brésil pour 51,682 milliards Fcfa ; la fourniture d’aéronefs d’une valeur de 20,903 milliards Fcfa par le fournisseur China National Aéro-technologie Import & Export Corporation (Catic), marché conclu le 07/08/2015 ; la fourniture d’un avion de transport de troupes “Casa”, contrat signé avec le fournisseur Airbus Defense & Spaces Europe, le 13/10/2015 pour une valeur de 22,184 milliards Fcfa; la fourniture d’un Super Puma révisé dont le marché était conclu le 15/06/2015 avec le fournisseur Airbus Hélicoptère Europe pour un montant de 3,870 milliards Fcfa.

Il faut y ajouter le marché de fourniture d’un (01) Hélicoptère AS332L (Super Puma) conclu le 15/06/2015 avec le fournisseur Vector Aéropspase Financial Services Ireland Limited, pour une contrepartie financière de 3,466 milliards de Fcfa ; la fourniture de quatre (04) Hélicoptères MI-35M dont le contrat a été conclu le 18/06/2015 pour un montant de 72,274 milliards de Fcfa avec le fournisseur Rosoboron Export-sa de la Russie, lequel fournisseuri va d’ailleurs bénéficier d’un autre contrat de fourniture de munitions d’aviation d’un coût de 9,354 milliards Fcfa conclu, tenez-vous bien, le même jour du 18/06/2015.

Sans oublier le marché de fourniture de pièces de rechanges & outillage, de formation, de maintenance et d’Assistance technique d’une valeur de 3,908 milliards Fcfa, signé le 21/09/2015 avec Airbus Hélicoptère Europe ; le marché de la formation des pilotes conclu 16/11/2015 au profit de Fournisseur Site Dixel Partners Singapore pour 3,780 milliards Fcfa ; le marché de fourniture de Véhicules blindés Maraudeurs et des pièces de rechange de 34,948 milliards Fcfa, signé le 02/10/2015 avec le fournisseur Groupe Paramount LTD Afrique du Sud (voir ci-bas); le marché de rénovation de l’atelier de coupe et de couture de Kati pour 1,489 milliards Fcfa, conclu encore le 02/10/2015 avec le fournisseur Sofrecap-sa France et enfin le marché de fourniture de munitions, conclu le 13/07/2015 avec le fournisseur Compel Industrie s.r.o. pour un coût de 2,654 milliards de Fcfa.

SURFACTURATION PRESUMEE à HAUTEUR DE 2 MILLIARDS 130 MILLIONS FCFA SUR 3 MARCHES D’EQUIPEMENTS MILITAIRES

Selon l’audit de ces 13 marchés, les prix de trois d’entre eux attirent beaucoup plus l’attention, puisque sources d’une surfacturation à hauteur de 2 milliards 130 millions de Fcfa. Il s’agit du marché de fourniture des 06 Avions Super Tucano avec Embraer-sa du Brésil ; du marché de fourniture d’aéronefs avec China National Aéro-technology Import & Export Corporation (Catic) et du marché de fourniture de Véhicules blindés Maraudeurs et pièces de rechange passé avec le Groupe Paramount LTD d’Afrique du Sud.

En effet, concernant le marché de fourniture des 06 Avions Super Tucano conclu avec Embraer-sa du Brésil, les auditeurs ont fait ressortir un écart de 1,562 milliards de Fcfa. La valeur recalculée du marché se chiffre exactement à 51,682 milliards de Fcfa au lieu de 53,247 milliards inscrits comme étant la valeur du contrat en date du 09/10/2015.

Pour le marché de fourniture d’aéronefs avec China National Aéro-technology Import & Export Corporation (Catic), les auditeurs constatent une surévaluation de la valeur à hauteur de 118 millions de Fcfa, soit une valeur recalculée de 20,903 milliards Fcfa au lieu de 21,021 milliards de Fcfa comme indiqué en tant que valeur du marché conclu le 07/08/2015.

Pour le marché de fourniture de Véhicules blindés Maraudeurs et pièces de rechange passé avec le Groupe Paramount LTD Afrique du Sud, il y a une surfacturation de 450 millions de Fcfa. La valeur réelle recalculée de ce contrat par les auditeurs s’élève à 34,948 milliards de Fcfa au lieu de 35,399 milliards Fcfa comme valeur inscrite sur le contrat en date du 02/10/2015.

Il faut aussi retenir que ces trois marchés d’un coût total de plus de 136 milliards de Fcfa, ont été attribués en 2015 par le Ministère de la Défense et des anciens combattants dans des conditions d’absence totale de transparence et en violation totale des règles des marchés publics au Mali. La justice appréciera.

LE DOSSIER PARAMOUNT GROUP D’AFRIQUE DU SUD

En novembre 2015, Paramount, un groupe sud-africain spécialiste d’armement, signe avec le gouvernement malien un gros contrat de fourniture d’une quarantaine de blindés, en contrepartie du versement d’un montant de 60 millions de dollars, soit plus de 35 milliards de nos francs, exactement 35 399 259 739 Fcfa.

Il s’agissait, pour le président IBK, de réaliser ainsi sa volonté de renforcement de l’équipement de l’Armée malienne qui devait ainsi pouvoir disposer d’une quarantaine d’engins blindés dits “Maraudeurs” fabriqués par la firme sud-africaine. Les engins Maraudeurs tant vantés par leur capacité à la fois d’être dotés de l’équipement armé d’un blindé militaire, tout en offrant une capacité de transport de troupes puisque pouvant prendre à son bord une douzaine de combattants. Selon l’échéance indiquée sur le contrat, un versement d’une avance de 20% du montant du contrat, soit près de 7 milliards de Fcfa, devrait être mis dans un compte séquestre sous 14 jours après la date effective du contrat, le reliquat devant être payé en trois versements annuels, plus précisément au 1er trimestre de chacune des trois années suivantes à hauteur de 30% de la valeur du contrat pour les deux premières années, soit plus de 10 milliards de Fcfa chaque année et 20% de la valeur totale du contrat à la troisième année.

Paramount s’était engagé à livrer les engins à Bamako dans un délai maximum de 15 mois. Mais à la fin du délai, seulement une dizaine de Maraudeurs sont arrivés. Pour le reste, patatras…Qu’est-ce qui s’est alors passé ? A la justice de nous éclairer !

Il faut cependant retenir que l’audit de ce marché nous apprendra que la partie malienne n’a pas exigé dans le contrat une garantie de bonne exécution. En plus, il n’y avait ni référence d’imputation budgétaire ni preuve d’habilitation du signataire, encore moins d’information relative à l’inscription au Registre de commerce et du crédit mobilier.

Pourtant, à Bamako, une avance a été décaissée. Le reste du montant dû à Paramount group devait être payé en plusieurs tranches, à chaque livraison, comme indiqué ci-dessus. Mais seulement une dizaine de véhicules seront finalement reçus à Bamako, en 2019. En définitive, le Mali a versé 30 millions de dollars (la moitié de la valeur du contrat) mais n’a reçu qu’un quart du matériel qui devait être livré. Le ministre de la justice a cité ce dossier parmi ceux dont les enquêtes sont bouclées et devraient donc, sans tarder, pouvoir être jugés très prochainement.

DEUX AERONEFS ACHETES MAIS CLOUES AU SOL

Suite à des discussions avec les autorités maliennes qui avaient exprimé le besoin d’acquisition de quatre hélicos en 2015, Airbus Helicopters avait fait une offre pour 2 appareils d’occasion de type AS332L non armés et deux appareils neufs de type AS332C1 armés. La priorité des forces maliennes s’est portée sur les deux appareils d’occasion qui étaient déjà en service dans le Sahel, dans le cadre d’opérations de maintien de la paix. Leur contrat arrivait donc à son terme. Le gouvernement malien a saisi l’opportunité pour acquérir ces deux appareils en signant avec Airbus Helicopters et son ex filiale Vector Aerospace, deux contrats d’acquisition (un pour chacun des appareils).

Les transferts de propriété des deux hélicoptères ont eu lieu en juillet et décembre 2016 (s/n 2122 et s/n 2046 respectivement) et en parallèle un contrat de remise en service a été signé avec Airbus Helicopters pour réaliser la mise en place d’un stock de pièces de rechange, la peinture, l’assistance technique à la mise en vol de la flotte sur deux ans et la formation des équipages (8 pilotes) et des équipes techniques (6 mécaniciens et 4 avioniques) destinées à assurer la maintenance de la flotte.

Les deux appareils en question, notamment 2 AS332 L1 vendus au Mali en juin 2015 ((1 ex-Starlite + 1 ex-Victor, livrés en juillet 2016 (SN2122) et en décembre 2016 (SN2048) pour un montant respectivement de 5,3 millions d’Euro et 5,9 millions d’Euro, ont été initialement opérés avec succès, dit-on, le SN 2046 enregistrant 70 heures de vol et le deuxième appareil (SN 2122) 150 heures avant de devoir rentrer en maintenances programmées, respectivement grandes visites 6 ans en février 2018 pour le SN 2046 et 2 ans en Mai 2017 puis 12 ans en juin 2019 pour le SN 2122.

Que s’est-il passé par la suite pour que ces deux hélicoptères restent cloués au sol pour que le Mali se voit obligé de négocier un nouvel accord avec Airbus pour les rendre opérationnels ? Evidemment, pour délier de nouveau le cordon de la bourse ! Peut-être qu’à la fin du processus judiciaire en cours, le peuple malien saura ce qu’il s’est réellement passé.

SUR LES TRACES DES 446 MILLIARDS FCFA DE LA LOI D’ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION DE LA SECURITE INTERIEURE

D’un montant de 446 milliards 381 millions de Fcfa et couvrant une période de 5 ans (2017-2021), la Loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure se veut une réponse à tous les besoins des Forces de sécurité en termes de recrutement et de formation du personnel, d’équipement, de réalisation d’infrastructures et d’amélioration des conditions de vie et de travail des agents de sécurité. C’est dans ce cadre que des recrutements et équipements ont été programmés en vue de combler le vide constaté et aussi afin de mieux combattre l’insécurité.

Mais la mise en œuvre de cette Loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure a fait couler beaucoup d’encre et de salive, avec notamment des accusations de surfacturations sur l’acquisition de matériels et équipements au profit de nos forces de sécurité. Et on avait vu circuler, jusque sur les réseaux, des devis et factures de fournisseurs portant des prix invraisemblables en ce qui concerne le matériel et les équipements achetés au profit des éléments des forces de sécurité, notamment une paire de chaussettes à 7500 FCFA l’unité, des chemises de policiers à 25.000 Fcfa, etc…

Si l’on sait que les commandes concernaient 5000, voire 10.000 jusqu’à 15.000 unités, le principe de la loi du nombre, appliqué à ces commandes, bannissait déjà l’application de certains prix proposés, de surcroit par des gens connus comme vendeurs de céréales ou pièces détachées d’occasion, mais transformés subitement en grands spécialistes de vente de matériel et équipements de forces de sécurité.

Ces fuites savamment organisées sur Internet, avec publication de photocopies de documents portant le sceau de l’authenticité, étaient certainement le moyen trouvé par des lanceurs d’alerte tapis dans l’administration, pour attirer l’attention sur des faits présumés de surfacturation, à défaut de pouvoir s’exprimer ouvertement. Au niveau de l’Etat, ces fuites irritaient tellement qu’un haut responsable du gouvernement a lancé un jour : “Le ver est dans le fuit. Il faut l’extirper !”.S’y ajoutent les contestations consécutives à des véhicules réceptionnés par le ministère de la Sécurité. Les conditions et prix d’acquisition étaient mis en cause. Au vu de tout cela, le Malien Lambda se pose la question : où sont passés les 446 milliards 381 millions de Fcfa de la Loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure ? Il attend une réponse dont une partie doit émaner de la justice, suite à l’audit commandité par la Transition.

L’AFFAIRE BAKARY TOGOLA

L’ex- chef des cotonculteurs qui était poursuivi pour détournement de plus de 9 milliards de Fcfa a été acquitté par la Cour d’assises et remis en liberté, après une longue période de détention préventive. Mais coup de tonnerre ! Lui et certains de ses co-accusés sont ensuite retournés en prison, en attendant d’être jugés par une autre Cour d’assises recomposée. Explication : le mercredi 20 avril 2022, leur arrêt d’acquittement rendu par la Cour d’assises de Bamako le 29 novembre 2021 a été cassé à la Cour suprême.

En effet, l’affaire Ministère public contre Bakary Togola, Djiguiba dit Ampha Coulibaly, Soloba Mady Keïta, Seydou Coulibaly, Drissa Traoré, Tiassé Coulibaly, M’Piè Doumbia, Alou Dembélé, Mamadou Fomba, Dialla Moussa Dembélé, Bréhima Coulibaly et Mady Kéïta, inculpés d’atteinte aux biens publics, faux et usage de faux et complicité n’a donc pas fini de nous livrer tous ses secrets.

Démarré le 23 novembre 2021, le procès de Bakary Togola et ses 11coaccusés a pourtant connu un arrêt d’acquittement rendu par la Cour d’assises spéciale de Bamako, le 29 novembre 2021, pour faute de preuve. Mais c’était sans compter sur la pugnacité du Parquet qui a exercé un recours : pourvoi en cassation. Ainsi, la décision de la Cour suprême du Mali est tombée le mercredi 20 avril 2022. Dans sa décision, la Cour suprême, qui venait d’être renouvelée, a cassé l’arrêt d’acquittement concernant Bakary Togola.

A rappeler que l’ancien président de l’Apcam (Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali), Bakary Togola qui est aussi ancien président de la Confédération des Sociétés coopératives des producteurs de coton (C-Scpc) et ses 11 co-accusés étaient tous poursuivis pour atteinte aux biens publics et complicité, faux et usage de faux. Mais l’accusé principal, Bakary Togola, était poursuivi pour des faits d’atteinte aux biens publics par détournement et autres malversations financières portant sur la somme totale de plus de 9 milliards de nos francs, plus exactement 9.462.152.071 Fcfa appartenant à la Confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton du Mali, sur la période de 2013 à 2019.

Déclarés non coupables, le 29 novembre 2021 par la Cour d’assises spéciale de Bamako, des faits qui leurs étaient reprochés, le 10 décembre 2021, lors de la cérémonie de clôture de ladite session d’assises, le Procureur général d’alors, près la Cour d’appel de Bamako, Idrissa Arizo Maïga, était revenu sur la décision d’acquittement de l’ex- chef des Cotonculteurs, Bakary Togola, et de ses 11 coaccusés, prononcée par la Cour d’assises le 29 novembre 2021. Selon le procureur, devenu membre de la Cour suprême du Mali, rien ne pouvait justifier un acquittement. “Devant une décision aussi inique et scélérate, il ne restait plus qu’un seul recours : le pourvoi en cassation ; que le Parquet Général a exercé, immédiatement. On passera longtemps à ruminer la douleur et la colère, qu’alimenteront les quolibets et les sarcasmes de nos concitoyens toujours prompts à charcuter la justice en pareille occurrence. Près de quatre mois d’Assisses, il faut le dire, parfaitement réussie, n’eût été la débâcle autour du dossier le plus important et le plus attendu de la session…”. Tels sont les propos de l’ex Procureur général près la Cour d’appel de Bamako.

Comme on le voit, concernant ce dossier, la justice s’est auto flagellée. Mais la suite, très scrutée par la population, est attendue à ce jour…

LES TUERIES DES 10, 11 ET 12 JUILLET 2020

Le communiqué publié le 21 décembre dernier par le Bureau du Procureur de la République près le tribunal de Grande instance de la commune III du district de Bamako, en charge du dossier, promettait un coup d’accélérateur sur l’enquête relative à la répression meurtrière des manifestants sous le régime d’IBK, devant la mosquée de l’imam Mahmoud Dicko à Badalabougou. Et ce communiqué de rappeler que suite aux événements du 10, 11, 12 juillet 2020 ayant entrainé des pertes en vies humaines, des blessures et des dommages aux biens publics et privés, une information judiciaire a été ouverte au niveau du premier cabinet d’instruction dudit tribunal, depuis le mois de juillet 2020 pour faits d’assassinats, tentatives d’assassinats, meurtres, coups et blessures volontaires aggravés, menaces de morts, tortures, violences et voies de fait, crimes et délits relatifs à l’exercice des droits civiques. Ce n’est pas tout ! Il est aussi mentionné des attentats à la liberté, l’utilisation illégale d’armes à feu contre des manifestants, la violation de domiciles et de lieux de culte, la destruction d’édifices, des dommages à la propriété et la complicité de ces faits.

Depuis lors, les auditions et interpellations se poursuivent et tout le monde se rappelle la démonstration de force des policiers pour empêcher l’incarcération du commandant de la Force Spéciale Anti-Terroriste (Forsat), le commissaire Oumar Samaké, qui avait été soustrait des mains de la justice, le vendredi 3 septembre 2021, par des policiers en colère.

Le commandant de la (Forsat), Oumar Samaké, s’est ensuite rendu à la justice le lundi 6 septembre 2021, notamment au camp 1 de la gendarmerie de Bamako, après des négociations entre le ministère de la sécurité et la synergie des syndicats de la police.

Le lendemain, mardi 7 septembre 2021, la justice malienne a confirmé son retour en détention, dans un communiqué où le Procureur rassure que cet incident n’entame en rien la détermination de la justice à poursuivre, dans la totale impartialité et le respect strict de la loi, les investigations dans ce dossier relatif à l’affaire dite des évènements des 10, 11 et 12 juillet 2020. Pour le Procureur, toute obstruction faite à l’exercice de la justice constitue une atteinte à l’État de droit dont le respect incombe à chaque citoyen. “Le Procureur de la République tient, en outre, à rassurer contre toute idée d’une justice sélective dans la conduite de ce dossier”, tenait à préciser le communiqué. Soit ! Les citoyens attendent la suite du traitement du dossier pour en avoir le cœur net.

LE BRADAGE DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L’éTAT

Sous le régime du président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) à la tête du Mali, plusieurs bâtiments publics ont été frauduleusement expertisés puis cédés à certains opérateurs économiques à des prix de vente quatre fois inférieurs à leur valeur réelle.

Au total, 27 bâtiments publics, relevant du patrimoine immobilier de l’État, ont été bradés puis parfois loués à ce même État-vendeur. Face à l’opacité qui entoure la cession de ces bâtiments publics, le procureur du Pôle économique et financier de la commune III du district de Bamako d’alors, Mamoudou Kassogué, devenu ministre de la justice, a ouvert le jeudi 29 avril 2021 une enquête au niveau de son parquet afin de “faire toute la lumière sur la régularité formelle et les conditions de fonds de ces opérations”.

Il faut retenir que, jusque-là, les nombreuses irrégularités qui caractérisent les opérations de cession ces immeubles de l’Etat, bien que relevées par le Bureau du vérificateur général, en son temps, n’avaient connu aucune suite, jusqu’à ce conseil des ministres du mercredi 6 avril 2022 où les autorités de la Transition ont annoncé avoir transmis ce dossier sulfureux à la justice. D’ores et déjà, dans le viseur de la justice, deux ex-ministres de Feu le président IBK et un ex-PDG de l’ACI qui a mené cette opération ayant rapporté plus de 16 milliards de Fcfa, non sans permettre à des intermédiaires déclarés de se partager un peu moins d’un milliard de Fcfa.

Rappelons que le Ministère du Logement, des Affaires foncières et de l’Urbanisme (MLAFU) avait commis l’Agence de cessions immobilières (ACI), par mandat n°2013-001/MLAFU-SG du 25 juillet 2013, pour procéder à la vente de certains bâtiments publics de l’Etat. C’est ainsi qu’un nombre important de bâtiments de l’Etat dans le district de Bamako ” a fait l’objet de cession suite au changement de leur vocation ou en raison de leur situation au centre commercial dans le District. Ces cessions n’ont néanmoins fait l’objet d’aucune évaluation tant sur le plan technique que financier par les services compétents ” écrivait le Bureau du vérificateur général (BVG) dans son rapport annuel 2015.

Plus grave, le ministre du Logement, des Affaires foncières et de l’Urbanisme, en donnant ce mandat à l’ACI, violait la loi car il n’existe aucun décret pris en Conseil des ministres pour autoriser la cession desdits immeubles. Il y a donc violation des dispositions du Décret n°01-040/P-RM du 2 février 2001 déterminant les formes et conditions d’attribution des terrains du domaine privé immobilier de l’État, comme le signalait d’ailleurs le BVG dans le rapport précité.

Il faut retenir que le MLAFU s’est borné à s’en référer aux Lettres n°0653/PM-CAB du 21 mai 2008 et n°0236/PM/CAB du 14 mars 2013 du Premier ministre pour donner mandat à l’ACI en vue de la vente ou de la location des bâtiments administratifs au Centre commercial de Bamako. Et le BVG de dénoncer des faits graves: “Le MLAFU a inclus dans le mandat octroyé à l’ACI des immeubles non immatriculés. En effet, la cession de cinq immeubles non immatriculés au Livre foncier, donc sans numéro de titre foncier, a été inscrite dans le mandat donné à l’Agence, en violation de la réglementation en vigueur. Cette situation affecte la sécurité des transactions y afférentes et le droit de propriété de l’Etat”, écrit le Vérificateur général. Par ailleurs, ajoute le BVG: “Le MLAFU a irrégulièrement inclus dans le mandat de l’ACI un immeuble faisant l’objet d’une hypothèque. Il a fait figurer sur la liste des immeubles dont la gestion a été confiée à l’ACI un bâtiment ayant fait l’objet d’une hypothèque dans le cadre de l’accord de prêt entre une banque étrangère et l’État malien, relativement au financement des travaux de construction de la Cité Administrative de Bamako. Pourtant, l’ACI a cédé le bâtiment pour un montant de 1,45 milliard de Fcfa en l’absence de la radiation de l’hypothèque consentie en faveur de ladite banque”.

Cela renvoie à la question des études préalables qu’il fallait mener avant d’exécuter ces opérations de cession des immeubles de l’Etat et principalement l’évaluation de la valeur desdits immeubles afin de pouvoir fixer un prix e cession convenable.

A ce niveau, le rapport du Vérificateur révèle que “le MLAFU a irrégulièrement recruté un expert privé. Il a commis un cabinet d’architecture privé pour procéder au recensement et à l’expertise immobilière des bâtiments appartenant à l’Etat, alors que cette compétence relève de la Section Promotion Immobilière de la Direction Nationale de l’Urbanisme et de l’Habitat. Le recrutement ainsi opéré renchérit le coût financier de l’opération de cession des bâtiments publics de l’Etat”.

Comme si cela ne suffisait pas, le MLAFU en rajoute à la série de gaffes, notamment en recrutant un Cabinet d’Expertise Immobilière “sans mise en concurrence”. Pis, pour procéder au recensement, à l’état des lieux et l’expertise immobilière des bâtiments administratifs du centre commercial de Bamako, “le Ministre a choisi, par simple lettre, un Cabinet d’Expertise Immobilière, en violation des dispositions régissant la commande publique. La transparence et le libre accès à la commande publique n’ont ainsi pas été respectés”, constate le BVG. En outre, “le ministre du Logement des Affaires Foncières et de l’Urbanisme a commis un expert immobilier qui a sous-évalué la superficie de certains immeubles. En effet, les superficies de deux immeubles dont la gestion a été confiée à l’ACI ont été sous-évaluées avec conséquemment une diminution des montants de mise à prix à hauteur de 768, 25 millions de Fcfa”, relève le BVG.

Autant d’irrégularités, voire des fautes pour lesquelles les responsabilités doivent être situées et les auteurs en répondre devant la justice. C’est en ce sens que la saisine de la justice par les autorités de la Transition est salutaire et la suite est vivement attendue.

LES FONDS COVID DEBLOQUES PAR L’ETAT: DES IRREGULARITES DE PLUS DE 50 MILLIARDS FCFA

Le Vérificateur Général a initié la vérification financière de la gestion des ressources de l’Etat utilisées dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 au titre de l’exercice 2020. Les irrégularités financières, constatées et dénoncées devant la Section des comptes de la Cour suprême et le procureur chargé du Pôle économique et financier près le tribunal de Grande instance de la commune, dépassent 50 milliards de Fcfa.

Ces irrégularités dénoncées devant la justice par le Bureau du vérificateur général concernent des personnalités d’horizons divers, notamment le président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (Ccim) au sujet de marchés d’acquisition de masques par la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (Ccim) sans contrat, à hauteur de 9 462 500 000 Fcfa. Lesdits marchés ont été attribués à des entreprises ivoiriennes. En plus des droits d’enregistrement et redevance de régulation non exigés par la Ccim pour 378 087 500 Fcfa. Il y a aussi le cas de 2 ex-ministres : C’est relatif à une dépense indue au profit d’un opérateur économique ordonnée par un ex-ministre de l’Économie et des Finances et un ex-ministre de l’Industrie et du Commerce, pour un montant de plus de deux milliards de nos francs, exactement 2 085 600 000 Fcfa.

La gestion de ces fonds Covid19, au vu des innombrables irrégularités financières constatées par le Bureau du vérificateur général et des nombreuses personnalités impliquées sur l’ensemble du territoire, renvoie à une tontine à ciel ouvert où chacun se servait, à son tour. Sont concernés : le Coordinateur du projet Jigisemejiri ; 3 régisseurs de Ministère et le le Régisseur spécial d’avances de la Primature, le Pdg de l’Opam, le DG de l’Insp, les Médecins-chefs des CSRéf des Communes I, II, III, IV, V et VI du district de Bamako et leurs comptables ; les Médecins-chefs des CSRéf de Banamba, Fana, Kalabancoro, Kati, Kolokani, Niono, Sikasso, Bougouni et Anderamboukane.

En plus de Dg d’hôpitaux: CHU du Point G, CHU Gabriel Touré, Hôpital de Kayes, CHU Bocar Sall de Kati, Hôpital du Mali, hôpital de Sikasso, Hôpital Nianankoro Fomba de Ségou et Hôpital de Mopti. Sans oublier le Directeur général du Centre de recherche et de lutte contre la Drépanocytose, le directeur régional de la Santé de Kayes, le Régisseur de la Direction régionale du Budget de Sikasso ; les Médecins-chefs de CSRéf et leur comptable : Kayes, Kita, Koutiala, Ansongo, Bourem et Almoustarat. Il y aussi des directeurs régionaux de la Santé: Ségou, Sikasso, Tombouctou, Kidal et Koulikoro ; des agents des impôts pour avoir minoré des droits d’enregistrement et de redevances de régulation sur des contrats conclus par l’Opam pour un montant de 27 381 557 Fcfa.

Si certains des responsables des faits incriminés sont toujours à leur poste, d’autres, au contraire, ont été relevés ou appelés parfois à des fonctions plus juteuses. Raison pour laquelle, il faut savoir distinguer l’auteur des faits ciblés d’un quelconque occupant du poste de responsabilité cité car les hommes passent, mais l’Administration demeure.

La balle est donc dans le camp de la justice pour la suite logique attendue par les citoyens. Ce dossier fait partie, en tout cas, de ceux annoncés comme finalisés au niveau des enquêtes pour être prêts à atterrir sur la table des juges, si l’on en croit aux déclarations du ministre de la Justice, invité par l’Ortm il y a une quinzaine de jours.

A tous ces dossiers brûlants, il faut ajouter trois autres, très sulfureux et dont on a tant parlé : l’achat de l’avion présidentiel ; le marché d’équipements militaires de près de 70 milliards de nos francs donné par entente directe à un conseiller spécial du président de la République en son temps, Sidi Mohamed Kagnassi et enfin le dossier relatif à la disparition du journaliste Birama Touré.

Si certains de ces dossiers sont en phase d’enquête ou d’instruction au niveau du Pôle économique et financier, dans des parquets et cabinets d’instruction de tribunaux ou à la Cour suprême, d’autres sont quasiment en phase de jugement. De toute façon, que ces dossiers passent d’une table à une autre, c’est toujours sur celles des magistrats, disons celles des juges, selon le sens commun.

Dossier réalisé par Amadou Bamba NIANG
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