« Nous essayons de manière pragmatique d’aligner les intérêts des autres sur nos intérêts ». La diplomatie nigérienne sous le leadership du Président Mohamed Bazoum est à la manœuvre pour consolider ses acquis dans un environnement sous-régional et international à la fois difficile et complexe. Figure connue de la scène politique nigérienne et membre du parti au pouvoir, Hassoumi Massoudou, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération et son équipe travaillent à mieux défendre les intérêts du peuple nigérien.
Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Hassoumi Massoudou, a rencontré dans son bureau un groupe de journalistes africains, dont votre serviteur. C’était le 7 juin dernier. Pendant plus 40 minutes, Hassoumi Massoudou a évoqué les axes stratégiques de la diplomatique nigérienne avant de faire le tour d’horizon de l’actualité sous-régionale et internationale. Le premier axe stratégique de la diplomatie nigérienne, a-t-il déclaré, est dirigé sur la sécurité du pays. « Le premier axe, c’est notre sécurité. La sécurité de notre pays, la paix à l’intérieur de notre pays et dans notre sous-région. La sécurité de notre pays dépend de notre environnement régional. En militant pour la sécurité et la paix au Niger, nous militons pour la paix dans la sous-région et dans notre environnement immédiat». Le deuxième axe que la diplomatie nigérienne a à promouvoir sous le leadership du Président Mohamed Bazoum est relatif à la défense des intérêts économiques dans les relations internationales. «Nos intérêts doivent être défendus de manière à ce que les intérêts des autres s’alignent sur les nôtres». Le troisième axe est de rendre audible la voix du Niger et de l’Afrique sur la scène internationale. « Nous essayons de manière pragmatique de tirer notre épingle de jeu, d’aligner les intérêts des autres sur nos intérêts….aligner nos partenaires sur nos intérêts ».
«Nos populations ont partagé des espaces politiques communs pendant des siècles»
Le chef de la diplomatie nigérienne n’a pas fait de commentaires sur le délai de 24 mois pris par le gouvernement du Mali pour la durée de la transition. Selon lui, le Mali et le Niger sont un même peuple. « Nos populations ont partagé des espaces politiques communs pendant des siècles et siècles, avant et pendant la colonisation…..Nous partageons les mêmes langues et cultures. Evidemment, ce qui se passe au Mali nous concerne dans notre chair».
Le Niger, a-t-il expliqué, partage le projet de la Cedeao à travers son protocole additionnel de faire de la Cedeao un espace démocratique où règne le droit et où la conquête du pouvoir doit passer forcement par les élections. Pour lui, la souveraineté du peuple doit s’exprimer à travers des consultations électorales et non par les rues. « Nous voulons que cette souveraineté soit respectée dans sa définition classique, qu’elle ne s’exprime que par l’expression populaire à travers ses représentants élus ».
Hassoumi Massoudou note des progrès importants dans le processus de démocratisation en Afrique de l’ouest. « Il va de soi que quand il y a une prise de pouvoir par la force quel que soit le soutien manifesté à travers une chorégraphie dans la rue, ça ne change pas le fait que c’est un pouvoir pris par la force. A partir de ce moment, il est condamné dans notre espace… », a éclairé le chef de la diplomatie nigérienne. A ses dires, « nous voulons démontrer au Niger qu’un Etat démocratique peut être stable, qu’un Etat démocratique peut vaincre le terrorisme et garantir la paix et la sécurité dans notre pays. C’est ça notre challenge et nous sommes en train de le prouver ». Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération milite pour que le peuple malien retrouve sa souveraineté d’élire ses dirigeants. «Nous souhaitons pour le Niger, le Mali et pour tous les autres peuples de la sous-région la paix, la démocratie et l’esprit de liberté démocratique, le respect de la vie humaine et de la dignité humaine. Nous ne voulons pas que notre espace soit aussi investi par des forces irrégulières qui ne sont pas des forces étatiques».
Le Niger contre le tripatouillage constitutionnel
Le Chef de la diplomatie nigérienne reconnait que « l’état de droit n’est pas seulement les élections, mais c’est aussi un fonctionnement vertueux des Etats, de rédévabilité des administrations vis-à-vis des instruments de contrôle juridictionnel et pas seulement parlementaire ». Selon lui, « le protocole de la Cedeao n’est pas parfait ». Il fonde beaucoup d’espoir sur le processus de relecture du protocole additionnel de la Cedeao qui permettra, s’il y a un consensus, de compléter l’architecture démocratique notamment sur la question des troisièmes mandats.
Il a participé, les 9 et 10 juin dernier à Accra à une rencontre des ministres des Affaires étrangères sur cette question du protocole sur la bonne gouvernance et la démocratie. Le Niger, a –t-il défendu, milite pour que le tripatouillage constitutionnel pour se maintenir au pouvoir soit considéré dans l’espace communautaire comme une violation du protocole de la Cedeao.
A en croire Hassoumi Massoudou, la question d’amener une force militaire pour imposer la démocratie n’a jamais été à l’ordre du jour au sein de la Cedeao. « Pour le moment, nous avons des instruments qui ont fait leur preuve. D’abord, la suspension dans les organes. Ensuite, les sanctions. Les sanctions ne sont pas aussi complètes. On n’a pas fait l’embargo total. Il n’y a pas d’embargo sur les produits de première nécessité et les banques. C’est fait de manière soft pour le moment ».
Il en appelle à l’intelligence et au sens de la responsabilité des militaires au pouvoir au Mali et au Burkina-Faso. « Nous pensons que nous arriverons à maintenir le dialogue avec ces autorités pour les amener à quitter dans les conditions pacifiques et que nous puissions construire avec les autorités légitimes un ensemble cohérent et lutter contre l’insécurité ».
Il plaide pour une synergie d’actions pour contrer les forces de dégradation de nos Etats. « Partout où nous sentons la menace, nous sommes prêts à participer à la lutte contre ces forces-là ». Le Niger, a expliqué son ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, continue de mener avec le Burkina-Faso des opérations militaires. Il note l’inexistence des forces armées maliennes dans la zone des trois frontières contre l’EIGS.
Action militaire brute : pas suffisante pour vaincre le terrorisme
Pour le ministre, l’action militaire brute ne suffit pas pour vaincre les mouvements terroristes. « Vous savez qu’ici, nous avons ce qu’on appelle la Haute autorité pour la réconciliation et la paix. Nous avons en même temps l’action militaire, une action politique de négociation intercommunautaire organisée de manière permanente. Ce qui s’est passé au centre du Mali, nous voulions l’éviter », a-t-il souligné. Il ajoute que son pays ne cautionne pas la création de milices pour défendre une communauté. Selon lui, les besoins exprimés dans le cadre du dialogue entre les différentes communautés reçoivent une réponse immédiate. « Le service public accompagne toujours les actions militaires », a-t-il avancé.
Sur l’Ukraine, le chef de la diplomatie nigérienne a été clair sur les principes. «Un Etat n’a pas le droit d’enjamber la frontière de l’autre, parce qu’il est le plus fort pour l’attaquer, l’agresser et l’occuper. C’est la Charte des Nations Unies. Nous ne pouvons pas accepter une violation de cette charte et du droit international. Nous avons condamné sans équivoque l’agression russe en Ukraine…». Cette condamnation ne veut nullement dire que le Niger a des problèmes avec la Russie. « Nous n’avons pas de problème avec la Russie et on a une bonne relation surtout sur le plan militaire ». Il a souhaité bonne chance au Président Macky Sall pour sa médiation au nom de toute l’Afrique.