Le Conseil national de transition (CNT) a adopté, le vendredi 17 juin 2022, le projet de loi portant loi électorale à la majorité de 115 voix pour, 3 contre et zéro abstention. Avant l’adoption de ce projet de loi, 92 amendements ont été proposés par la commission des lois du CNT qui ont été aussi adoptés par la majorité des membres du CNT. Tout juste après l’adoption de cette nouvelle loi électorale au Mali, la classe politique a réagi. Les partis politiques Adema-PASJ et YELEMA ont tous salué l’adoption de cette loi par le CNT qui « marque une étape importante dans le processus de retour à un ordre constitutionnel normal ». Par contre, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques du Mali (M5-RFP) suggère au Président de la Transition, Colonel Assimi GOÏTA de « ne pas promulguer la loi amendée et adoptée par le CNT en l’état et la renvoyer pour une seconde lecture ». Le M5-RFP estime que les amendements apportés au texte par le CNT « dénaturent l’Organe unique et indépendant tel que voulu par les Forces vives qui ont participé aux différentes concertations ».
Dans une déclaration rendue publique, le 18 juin 2022, l’Adéma-Parti Africain pour la Solidarité et la Justice (Adéma-PASJ) a salué l’adoption par le CNT de la nouvelle loi électorale qui trace véritablement la voie vers le retour à l’ordre constitutionnel, reflète les aspirations profondes des forces vives de la nation et, certainement, celles de la Communauté internationale. « L’Adéma-PASJ adresse ses vives félicitations aux honorables membres du Conseil National de Transition pour l’adoption de cette loi électorale, un acte historique qui permet de rassurer les acteurs du processus électoral ainsi que tous les partenaires de notre pays engagés pour la réussite de la Transition. L’Adéma-PASJ rappelle que cet acte historique posé par l’organe législatif de la Transition, consacre un engagement fort des Autorités à créer les conditions pour la réussite de la Transition et à mettre fin aux souffrances des populations victimes de sanctions économiques et financières de plus en plus insupportables », révèle l’Adema PASJ. Le parti rappelle également que l’organisation d’élections démocratiques, apaisées et inclusives pour le retour à l’ordre constitutionnel sera la victoire du peuple malien, de sa classe politique et de toutes les parties prenantes au processus électoral. « C’est pourquoi l’Adéma-PASJ exhorte la Communauté Internationale. notamment la CEDEAO, à accompagner au mieux notre pays pour la réussite de sa Transition, dans sa lutte contre le terrorisme en vue d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel. L’Adéma-PASJ invite tous les Maliens à l’union sacrée autour du Mali et en appelle au sens du devoir et du patriotisme, pour un Mali uni, stable et prospère », conclut le parti présidé par Pr. Marimantia Diarra.
Le Parti Yelema (Changement) de l’ancien Premier ministre, Moussa Mara abonde dans le même sens. Selon le parti Yelema, l’adoption de cette loi marque une étape importante dans le processus de retour à un ordre constitutionnel normal. « Le parti YELEMA « Le Changement » salue la démarche inclusive, constructive et démocratique conduite par le CNT et ayant permis une nette amélioration de la qualité du texte initial, et exhorte les Autorités de la Transition à toujours privilégier une telle démarche face aux nombreux défis auxquels notre pays fait face dans cette phase cruciale de notre histoire commune. Le parti YELEMA comme à l’accoutumée restera vigilant sur le reste du processus et invite les autorités à rester fidèles aux amendements du CNT dans la version finale du document », révèle le communiqué du parti présidé par Dr. Youssouf DIAWARA en date du 18 juin 2022.
Réuni en session le lundi 20 juin 2022, le Comité Directeur du PARENA a salué le sens de la responsabilité, de la quête de consensus et de cohésion nationale qui a guidé la commission “ Lois” et le Conseil national de transition (CNT) tout au long du processus d’adoption de la loi électorale.
Les griefs du M5-RFP
Pourtant, le M5-RFP, présidé par l’actuel Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, n’approuve pas le texte adopté par le CNT. Dans un Mémorandum rendu public, le 19 juin 2022, le M5-RFP indique que l’adoption du nouveau projet de loi devrait permettre de réduire le nombre de structures intervenant dans l’organisation des élections, de garantir l’efficience, la performance et la crédibilité dans la gestion des élections. « Le M5-RFP est fondé à croire que la dénaturation profonde du projet de loi par le CNT entre dans une vaste stratégie globale et multiforme de déstabilisation de la Transition en collaboration avec certaines forces hostiles au changement et à l’idée même du Mali Koura », précise le Mémorandum du M5-RFP. Ce Mouvement qui regroupe des partis politiques et des organisations de la société civile indique que les propositions d’amendements sont de nature à remettre en cause la vision de la réforme du système électoral, notamment le statut et la nature juridique de l’AIGE, qui ne serait finalement ni un organe unique, ni indépendant, ni autonome et impartial. « L’atteinte à l’unicité et à l’indépendance de l’AIGE (Autorité indépendante de gestion des élections), par l’introduction du MATD (Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation) à travers un article 5 nouveau dans les attributions de l’AIGE, qui vient en totale contradiction avec l’article 1er du projet de loi et la création de l’AIGE. Et au lieu d’un organe unique indépendant de gestion des élections, l’amendement instaure la gestion des élections par deux structures : le MATD et l’AIGE. Il s’agit là d’une véritable remise en cause de la vision de la Transition pourtant actée par le CNT dans le PAG (Programme d’action du gouvernement), puis dans la Charte révisée qui y introduit comme nouvelle mission de ladite Transition la mise en œuvre des recommandations des ANR (Assises nationales de la refondation) qui ont retenu la mise en place de l’AIGE, autant que les conclusions de la Table-ronde, et de l’Atelier d’échanges sur la loi électorale, et même celles du DNI (Dialogue national inclusif) », indique le M5-RFP sous la plume de son vice-président, Bouba K. TRAORE. Selon le M5-RFP, les partis politiques ne sont pas exclus comme le donnent à penser les amendements du CNT. « Visiblement les membres du CNT s’étaient inscrits dans une logique de crise entre les Institutions de la Transition, notamment avec le Gouvernement voire l’Exécutif, et ce, en privant ou en coupant la parole aux Ministres, en les rabrouant en méconnaissance totale de la courtoisie institutionnelle due à leur rang et en violation du Règlement intérieur de CNT ; ce qui amène à poser des questions quant à la bonne foi des uns et des autres pour la véritable réussite de la Transition », indique le M5-RFP. Pour le Mouvement, les amendements apportés au texte par le CNT dénaturent l’Organe unique et indépendant tel que voulu par les Forces vives qui ont participé aux différentes concertations, qui ont résolument opté pour des réformes de refondation. « Au lieu donc que le projet de texte nous inscrive dans le processus du « Mali Koura », la loi réécrite et adoptée nous maintient dans le « Mali Kôrô ». Au regard de l’importance de la loi électorale dans la réussite de la Transition, il convient d’envisager un certain nombre d’actions : Suggérer au Président de la Transition de ne pas promulguer la loi amendée et adoptée par le CNT en l’état et la renvoyer pour une seconde lecture, afin de prendre en compte les véritables exigences du Peuple malien issues des Assises Nationales de la Refondation pour poser les fondements solides du Mali Koura », conclut le Mémorandum du M5-RFP.