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Transition malienne : le Mali Kura à un tournant de rupture ?
Publié le mardi 21 juin 2022  |  Le Républicain
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© aBamako.com par AS
Vote au CNT du projet de loi électorale
Bamako, le 17 juin 2022 le conseil national de transition a adopté le projet de loi électorale
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L’adoption par le CNT du projet de loi électorale délesté par près d’une centaine d’amendements, ne traduit pas une unité d’action des organes de la transition. L’Autorité indépendante de Gestion des Elections (AIGE) telle qu’elle est configurée dans le projet gouvernemental a été dénaturée, en retirant toute la substance qui fait d’elle une machine ‘’anti-tripatouillage’’, au profit de l’Administration territoriale, qui sera la structure chargée de l’organisation des élections. La situation traduit plutôt un déphasage entre le gouvernement et l’organe législatif de la transition, qu’est le Conseil national de la Transition (CNT). Quelle en est le rôle joué par le président de la transition Assimi Goïta ?

Qu’une Assemblée nationale puisse bloquer des reformes entreprises par le gouvernement peut se comprendre en temps normal, parce que l’adoption des lois après les écoutes, relève de la compétence des représentants élus du peuple. Mais qu’au cours d’une Transition, les conseillers nationaux de la Transition se taillent la robe de cette fonction pour bloquer la mise en œuvre des reformes, cela mérite une explication, une communication gouvernementale. Le CNT n’étant pas un organe élu, mais bel et bien nommé, peut-il fonctionner avec la plénitude des fonctions constitutionnelles d’un parlement élu, investi du pouvoir d’«arrêter» le gouvernement, en cas de dérive ? Est-on en présence d’une dérive gouvernementale, quand on sait que le projet de loi se voulait une matérialisation des résolutions des Assises Nationales de la Refondation (ANR) par la mise en place de l’Autorité indépendante de Gestion des Elections (AIGE) en tant qu’organe unique de gestion des élections. Que sait l’autorité de nomination des membres du CNT, de la situation, en l’occurrence le président Assimi Goïta ? Parce qu’à tout point de vue, le gouvernement est driblé, dépassé, quand on entend sa représentante, Mme Fatoumata Sékou DICKO, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Réformes politique et institutionnelles, dire que le gouvernement ne se reconnaissait pas dans ce texte adopté. Il y a donc un sérieux problème de communication entre les autorités de la Transition elles-mêmes, et cela présage en perspective, une situation politique tendue.

L’AIGE telle qu’elle est configurée dans le projet gouvernemental a été dénaturée, en retirant toute la substance qui fait d’elle une machine ‘’anti-tripatouillage’’, au profit de l’Administration territoriale, qui sera la structure chargée de l’organisation des élections. Le ministre de l’Administration territoriale étant membre du gouvernement, comment comprendre le cirque qui consiste à retourner la balle à l’envoyeur ? Donc le projet AIGE échafaudé par le gouvernement à l’aune des résolutions des ANR a été torpillé de la main gauche, pour remettre au même gouvernement par la main droite, la plénitude des compétences dans l’organisation des élections. Mais après les 92 amendements et le vote du projet de loi électorale par une majorité écrasante, et les déclarations de Mme Fatoumata Sékou DICKO, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Réformes politique et institutionnelles, refusant de reconnaitre la paternité de ce nouveau texte, on se demande si les relations entre le gouvernement et le CNT ne sont pas exécrables. Et quand on se rappelle que le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Colonel Abdoulaye Maïga, désormais en charge d’organiser les élections, est membre du gouvernement, mais aussi membre de l’ex Conseil national pour le Salut su Peuple (CNSP) avec ses compagnons d’armes, le Président de la Transition Assimi Goïta et Malick Diaw, ainsi que le président du CNT, on ne peut manquer de croire que le bateau Mali se trouve à un tournant qu’il faut aborder avec sérénité.

Ce revirement peut-il s’expliquer par l’étroitesse désormais du délai de 24 mois, quand on sait que celui revendiqué devait aller jusqu’à cinq ans? C’est comme si les autorités nous renvoyaient ce message : « il faut aller vite, 24 mois ça passe vite, la CEDEAO ne va pas tolérer si… ».

C’est peut être le président Assimi Goïta qui peut donner une meilleure explication. Si le fait de passer sur une reforme ne constitue pas une remise en cause du « Mali Kura ». On doit dire au peuple malien si le « Mali Kura » a un « Taa sira Kura » ou s’il est compromis du fait du délai de 24 mois.

Ou alors, Assimi Goïta, un homme d’écoute et discret, a-t-il trouvé un terrain d’entente avec les parties de la classe politique restées jusque là en marge de la transition, afin que celles-ci apportent leurs pierres à la construction de l’édifice commun ? Certains partis politiques ont refusé de participer aux ANR et avaient demandé de maintenir l’organisation des élections par l’Administration territoriale, rejetant l’organe unique de gestion des élections. En maintenant l’Administration territoriale pour organiser les élections, mais aussi en créant l’AIGE, qui est une forme de Commission électorale nationale indépendante (CENI) nouvelle formule, la nouvelle loi électorale coupe la poire en deux, et chacun est libre de voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Si tel est le cas, le Mali pourrait avoir un nouveau gouvernement dans les prochaines semaines. Quel avenir pour le Mali Kura ?

B. Daou

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