Le titre de l’article peut sembler pessimiste voir effrayant. Il n’augure rien de rassurant mais il n’en demeure pas moins réaliste. Lorsque le président Sarkozy a dit que les africains n’étaient pas entrés dans l’histoire, cette insulte nous a profondément offensés. D’une part, il convient de rappeler que l’histoire a débuté en Afrique. L’écriture, la Mathématique et la démocratie sont nées en Afrique. D’autre part, l’Afrique a forgé l’histoire des pays pauvres dont les économies se sont construites grâce aux richesses africaines (mains d’œuvres et ressources naturelles). C’est donc par ignorance que M Sarkozy a tenu un tel discours.
Cependant, ses propos incitent à relancer le débat sur l’Afrique et les défis auxquels elle fait face. En effet, la misère généralisée et la décrépitude des modèles de sociétés africaines étonnent et remettent en cause le statut de berceau de l’humanité. Les causes sont connues et évidentes. L’abandon des valeurs culturelles et morales, une acculturation volontaire, est la cause première de tous nos maux. Le manque de repère et la crise identitaire ont fini par affecter la capacité des générations à relever les défis du nouveau millénaire. La corruption, gangrénée, et l’oisiveté ont pris des proportions indescriptibles. Ensuite le politique, après l’avènement de la démocratie, s’est désintéressé de l’éducation de sorte que l’inculture gagne du terrain. Cette dernière est la cause principale de la pénurie d’élites. Au Mali, par exemple, le modèle éducatif des 30 glorieuses années(1960 à 1990) a permis de produire d’excellents techniciens et d’administrateurs chevronnés. Les maliens étaient reconnus pour leurs pédagogies à l’étranger, notamment au Gabon et en Côte d’ivoire. Nous pouvions enseigner et travailler partout avec compétences et professionnalisme.
De nos jours, l’inculture gagnant du terrain, le pays est au bord d’une pénurie sérieuse d’élites. Cela n’inquiète personne, et cela, certainement, parce que la multitude n’en a pas conscience. Les réseaux et les facultés regorgent de spécialistes en tous genres. Mais le pays sombre de jour en jour. Ces crises multidimensionnelles auxquelles nous sommes actuellement confrontés ne sont que les résultantes d’une crise plus grave mais non encore évidente.
Le discours politique est plein d’invectives parce que les uns et les autres sont à court d’idées pour refonder le pays. L’élite vieillissante et sage se retire du débat ou n’est plus écoutée en raison du rôle qu’elle a joué dans l’ébranlement de toute une façon de vivre. Nombreux sont ceux qui nous ont quitté sans laisser d’héritage à une jeunesse en quête de modèles. Comptable du bilan exécrable des 30 dernières années une partie de cette vielle école, toujours en circulation dans nos administrations, prétend pourtant pouvoir faire partie de la solution. Mais nous pensons qu’ils seront plus utiles dans nos écoles que dans nos bureaux. Ils doivent saisir l’occasion de servir enfin le pays avec dignité en contribuant à la naissance d’une nouvelle élite.
L’école malienne n’est plus apte, et c’est l’enseignant qui l’avoue, de produire des intellectuels. Elle accouche régulièrement des diplômés incapables de compétir avec les étrangers. Pis, ils ne pourront pas relever le défi de l’industrialisation. De même, les questions de transition énergétiques ne seront pas à leur portée. Enfin, ils ne pourront pas garantir la stabilité politique et démocratique qui exigera une gouvernance exemplaire.
Donc, si nous sommes entrés dans l’histoire bien avant les autres et les avons aidés à construire leurs sociétés, nous traversons actuellement l’histoire à contre-courant. Seule une réforme d’envergure du système éducatif, peut nous sortir de ces crises à répétition. La revalorisation de l’enseignement, passant par le tri sélectif des enseignants des petites écoles, est une problématique à prendre à bras le corps et cela parce que la profondeur du mal est insondable. Et on ne peut espérer y mettre fin avec une prolifération de lois souvent contradictoires et adoptées en suivant la direction du vent.