Lamine Alexis Dembélé, Directeur Général de l’Autorité pour la Promotion de la Recherche Pétrolière au Mali (AUREP) « Le Mali possède plus de 870 millions de tonnes de schiste pouvant contenir du pétrole et/ou du gaz »
Publié le lundi 30 septembre 2013 | Le 22 Septembre
A côté des hydrocarbures conventionnelles dont la recherche a été stoppée à cause de la crise que notre pays vient de vivre, le Mali possède plus de 870 millions de tonnes de schistes bitumineux contenant du pétrole et/ou du gaz. C’est ce qui ressort, entre autres, de l’interview exclusive que le Directeur Général de l’AUREP a bien voulu nous accorder. Il y fait notamment le point sur la recherche pétrolière dans notre pays.
DG AurepM. le Directeur Général, quel a été l’impact de la double crise sécuritaire et politico-institutionnelle sur la recherche pétrolière au Mali?
L’insécurité persistante illustrée par l’occupation de la partie Nord de notre pays, qui couvre presque l’ensemble des blocs, a entravé les efforts déployés par les autorités pour attirer et maintenir les investissements étrangers, qui nécessitent plus de garanties pour rassurer les différents actionnaires. Ce qui a amené plusieurs sociétés de recherche a déclaré le cas de force majeure pour suspendre les opérations. D’autres se sont retirées définitivement. Cette situation inquiétante nous a permis de redoubler d’efforts et de finalement obtenir de nouvelles conventions avec des investisseurs d’horizons divers. L’impact de la crise a réellement été ressenti mais au finish, le constat est que la situation pouvait être pire. Donc, une stabilité du pays est très importante dans cette phase.
Comment se présente la situation d’ensemble de la recherche pétrolière au Mali?
La recherche pétrolière a connu 3 périodes :
Le code pétrolier 1961 confiait l’exclusivité de la recherche à la SONAREM avec l’assistance technique des Russes.
En 1968, le nouveau code pétrolier lève l’exclusivité à la SONAREM avec la signature des contrats avec des Major comme Elf Aquitaine, Exxon, Esso et Texaco. En 1985, baisse du coût du pétrole et changement de stratégie des majors qui ont surtout opté pour les gisements de la mer du nord plus accessible, donc un arrêt total de la recherche au Mali.
En 2002, suite au cours du pétrole qui commençait à monter, la DNGM a initié, à travers indigo pool et Sonatrach, une promotion et une compilation des données sur l’ensemble des bassins du Mali; ce qui a permis la subdivision des bassins en blocs.
En 2004, avec l’adoption de la nouvelle loi pétrolière et la création de l’AUREP, la reprise des travaux de recherche pétrolière fut effective avec le retour des Majors.
La stabilité, la quiétude et la situation politique du pays importent beaucoup pour le bon déroulement des activités de recherche pétrolière. Et la crise que le Mali vient de traverser ne rassure pas les investisseurs étrangers qui sont les acteurs principaux de la recherche. Cependant, malgré la situation sécuritaire du pays, des conventions ont récemment été signées et nous osons espérer que le retour des opérateurs est imminent. Les conventions dont le gouvernement a autorisé la signature portent sur le bloc N°4 avec NCCI (un consortium tchèque) le bloc n°6 avec Corvus (une société basée à Londres) et les blocs N°21 et 28 avec Circle (une société anglaise basée aux Bahamas).
L’on sait que les cinq bassins sédimentaires que recèle le territoire malien ont été découpés en une trentaine de blocs avant d’être cédés à des sociétés pétrolières sur la base de contrats. Où en sont les différentes sociétés pétrolières dans l’exécution de leur part du contrat qui les lie à l’Etat malien?
Comme signalé ci-dessus, les sociétés dont les conventions demeurent toujours ont toutes déclaré le cas de force majeure à l’exception de la société PETROMA qui a continué à travailler.
Mais bien avant la crise, certaines de ces sociétés étaient à un point avancé de la recherche ainsi :
Eni-SIPEX : sur les blocs 4 et 20 du bassin de Taoudenni étaient en phase de la réalisation de forage pour confirmer le potentiel pétrolier du Taoudenni;
Héritage : sur les blocs 7 et 11 du graben de Gao était en phase d’interprétation des données ;
Afex sur le bloc 13 a confirmé l’existence du graben crétacé du Nara;
PETROMA : sur le bloc 25, après plusieurs études sur le gaz de Bourakébougou a fait une demande de permis d’exploitation qui lui a été octroyé. A nos jours, la société s’attelle à faire des installations pour l’exploitation dudit gaz.
Ya-t-il eu des améliorations dans les contrats qui lient le Mali aux sociétés pétrolières et gazières dans le sens d’une meilleure prise en charge des intérêts de notre pays?
La loi n°04-037 du 02 Août 2004 portant loi pétrolière en République du Mali a prévu deux types de Conventions pour la recherche et l’exploitation pétrolière au Mali
Ces deux types de Conventions sont : la Convention de Concession et la Convention de Partage de Production.
Dans le cadre de la Convention de Partage de Production, il s’agit du partage de la production sur la base du Cost oil et du Profit oil prévu dans le Code qui tient compte du niveau de production.
Dans le cas de la Convention de Concession, il n’existe pas de notion de « Cost oil » ni de « Profit oil », l’Etat perçoit des redevances suivant une grille prévue dans le Code et sur la base des niveaux de production journalière.
Dans la pratique, l’application de la Loi de 2004 a révélé des insuffisances et lacunes. C’est pourquoi le Ministère des Mines a entrepris en 2010 le processus de relecture de la Loi pétrolière qui a pris fin par l’examen et la validation d’un projet de la nouvelle Loi pétrolière lors d’un atelier tenu les 27 et 28 Mai 2013. Au lieu de deux types de Contrat, la nouvelle Loi prévoie trois (3) que sont les Contrats de Concession, de Partage de Production et de Reconnaissance. Ces Contrats prévoient l’introduction de bonus pour les signatures et les cessions et modifient à la hausse les montants des taxes fixes à percevoir par le trésor public. Ces Contrats prévoient en outre un plan de fermeture du gisement qui n’était pas prévu dans l’ancien Code et un financement conséquent du développement local.
Pouvez-vous, d’une manière générale, nous parler des potentialités pétrolières et gazières du Mali?
Le Mali, Malgré sa continentalité et le manque d’infrastructures pétrolières entrainant des coûts très élevés des opérations a toujours été considéré comme potentiel.
Ainsi, selon les données historiques (avant 2004 création de l’AUREP), des indices intéressants ont indiqué la présence de gaz notamment dans le puits de Yarba à Taoudenni dans le même réservoir que celui testé positif du côté Mauritanien confirmant le potentiel du bassin de Taoudenni.
Aussi, les travaux récents des sociétés ont montré des similitudes de formations géologiques avec de nombreux bassins sédimentaires qui sont en production dans d’autres pays. Nous pouvons citer : l’Algérie, le Tchad, le Soudan et l’Etat d’Oman…
De façon concrète, le gaz découvert dans le fossé de Nara est en phase d’expérimentation pour la production d’électricité. Des études géologiques et géophysiques complémentaires sont en cours pour évaluer les réserves de gaz dans ce fossé.
Compte tenu des travaux effectués sur l’ensemble des cinq bassins sédimentaires, les indices de maturité de la matière organique ont été signalés dans trois bassins notamment celui de Taoudenni, de Gao et de Nara Macina. Les deux autres (Tamesna et Iullemeden) n’ayant pas fait l’objet d’études approfondies.
Quid du pétrole de schiste?
Au Mali, une prospection des schistes bitumineux par sondage dans la zone d’Agmor au Nord-Est de Bourem a été réalisée par la Société Nationale d’Exploitation Minière en 1964 et les réserves sont estimées à 870 millions de tonnes.
Des schistes bitumineux sont également signalés dans le fossé de Nara Macina. Actuellement, des études sont orientées vers la confirmation de bitume dans ces schistes. Récemment, une mission de l’AUREP a été dépêchée dans la zone de Nioro pour l’étude géologique et l’échantillonnage de ces schistes. Les analyses sont en cours. L’importance quantitative de ces schistes bitumineux susceptibles de contenir du pétrole et/ou du gaz pourrait être revue de façon substantielle à la hausse d’autant que des indices ont été également signalés dans la région de Mopti, dans le Delta intérieur plus précisément.
Quand le Mali aura t-il son premier puits d’exploitation de pétrole?
Compte tenu de la situation qui prévaut sur le pays, il serait difficile de planifier les travaux de recherche et d’exploitation.
Avez-vous un appel à lancer?
Outre la sécurité et la stabilité du pays, l’appel que j’ai à lancer c’est de demander au gouvernement d’inclure les projets pétroliers dans leur programme et de s’impliquer financièrement dans le secteur.
Votre mot de la fin?
Je vous remercie et je remercie beaucoup le journal pour l’intérêt qu’il porte à la recherche pétrolière. J’ose croire qu’un jour notre pays sera cité parmi les pays producteurs d’hydrocarbures compte tenu des résultats des travaux obtenus qui sont à notre niveau, pour vous dire tout simplement que l’espoir est permis dans le secteur.