SociétéRapport de l’observateur indépendant sur la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali : Une situation de blocage sans précédent
L’Observateur indépendant du Centre Carter a publié son 10è rapport sur la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger. A cet effet, il a tenu une conférence de presse en vue d’échanger avec les hommes de médias pour plus d’éclaircissement sur cette question cruciale. C’était le jeudi 30 juin 2022 au siège du Centre Carter sis à Badalabougou.
La septième année de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, s’est accompli le 20 juin 2022 dans une situation de blocage sans précédent du processus de mise œuvre. Les parties maliennes n’ont réalisé aucune avancée significative pour la mise en œuvre depuis presque un an, selon le rapport du Centre Carter. De plus, les activités des organes de suivi et de mise en œuvre de l’Accord sont paralysées depuis octobre 2021, date de la dernière session du Comité de Suivi de l’Accord (CSA). Le CSA et ses sous-comités, ainsi que le cadre de concertation inter-malien, ont arrêté de se réunir.
“En même temps, on observe des indices d’éventuelles escalades politique et militaire entre les parties. Les recrutements, le réarmement et l’activisme militaire sur le terrain font craindre une possible reprise des hostilités. Face à la gravité de la situation, depuis janvier 2022, la Médiation internationale tente de se remobiliser. Mais la fatigue, la frustration et le manque de leviers pour agir positivement sur la situation sont aussi perceptibles chez les partenaires du Mali'”, indique le rapport.
L’idée de révision de l’Accord a eu un impact négatif sur la mise en œuvre
Le rapport souligne que : “Les parties maliennes ont bien continué à réaffirmer leur attachement à l’Accord dans leurs déclarations. Le dialogue entre les parties n’a pas été totalement rompu. Le dialogue entre le gouvernement, sous l’égide du ministère de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion Nationale et la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), la Plateforme et les mouvements de l’inclusivité s’est poursuivi sur deux sujets. D’une part, les parties ont continué à se retrouver, sans résultat concluant autour du phénomène parallèle aux instances de mise en œuvre et de suivi de l’Accord qu’est le Cadre Stratégique Permanent (CSP). D’autre part, le dialogue a continué en vue de la tenue de la réunion de niveau décisionnel sur les questions de défense et de sécurité, attendue depuis janvier 2021. Le succès de cette réunion est aujourd’hui considéré comme une clé de la relance du processus”.
En parallèle, l’idée de révision de l’Accord, qui a été lancé en 2019 et qui s’est poursuivi et amplifié à travers le projet de “relecture”, “relecture intelligente” ou “mise en œuvre intelligente de l’Accord”, a eu un impact négatif sur le processus de mise en œuvre et l’adhésion à l’Accord. “L’évocation de concepts autour de la “relecture” se poursuit d’ailleurs en l’absence de toute définition claire et consensuelle de leur contenu, des modalités de leur mise en application et des objectifs à atteindre. Sans clarification du concept de “relecture”, celui-ci a progressivement contribué à démobiliser l’attention et la volonté des parties et à miner davantage la confiance entre elles. La “relecture” a aussi eu un impact négatif considérable sur la perception et les attitudes vis-à-vis de l’Accord dans l’opinion publique et auprès de la classe politique et la société civile. Pour ces raisons, ce rapport est dédié à cette question”, notifie ledit rapport.
Accompagnement spécifique de l’Observateur indépendant sur la période
Dans ce contexte, le rapport mentionne que l’Observateur indépendant a déployé des efforts pour aider les acteurs de la mise en œuvre et du suivi de l’Accord à se retrouver et à redynamiser le processus, notamment sur la base des différentes recommandations de l’Observateur indépendant. Le séminaire qu’il a organisé en février 2022 a constitué le premier évènement autour du processus de mise en œuvre depuis octobre 2021. Il a regroupé dans des échanges apaisés et constructifs environ 90 personnes issues de toutes les parties signataires et des membres de la communauté internationale, avec la présence des représentants de tous les ministères chargés de la mise en œuvre de l’Accord. Sur la base d’un examen des recommandations de l’Observateur indépendant, les représentants des parties ont formulé des propositions consensuelles pour relancer le processus de mise en œuvre.
La “relecture” de l’Accord : une question à traiter
Pour le Gouvernement, la relecture de l’Accord apparait, notamment à travers les Programme d’action gouvernementaux (PAG), comme une condition prioritaire à la poursuite de la mise en œuvre. La CMA, quant à elle, considère le projet de relecture comme une cause de rupture. De nombreux responsables politiques et des leaders d’opinion perçoivent le contenu de l’Accord et sa supposée immuabilité comme un danger. De plus, en l’absence de définition claire sur son contenu, le projet de relecture de l’Accord a aussi affaibli la capacité d’intervention de ceux qui accompagnent le processus, tels que la médiation internationale et même l’Observateur indépendant. Cette question mérite d’être traitée de sorte qu’elle ne vienne pas empêcher la relance du processus.
Ainsi, l’Observateur indépendant se propose dans ce rapport de contribuer à une clarification de la question de la relecture en revenant sur ses origines, son évolution et les débats qui l’entourent. Il rappelle aussi les possibilités offertes par l’Accord pour adapter consensuellement les mesures prévues et la manière dont les parties ont constamment su y recourir depuis 2015 pour adapter la mise en œuvre de l’Accord aux réalités et au contexte malien.
Organisation non gouvernementale à but non lucratif, le Centre Carter a contribué à l’amélioration de la vie des populations dans plus de 80 pays en contribuant à la résolution des conflits, en promouvant la démocratie, les droits humains et le développement, en agissant en prévention des maladies et en améliorant les soins de santé mentale. Le Centre Carter a été fondé en 1982 par Jimmy Carter, ancien président des Etats-Unis, et Rosalynn Carter, ancienne première dame, en partenariat avec l’Université Emory, afin de promouvoir la paix et la santé dans le monde.