«Elle est déjà sur la table, la création d’une force anti-putsch que nous sommes en train de penser à créer et cela pourra permettre que tout le monde comprenne qu’en plein 21ème siècle, les coups d’Etats sont inadmissibles et inacceptables ». Umaro Mokhtar Sissoco Embaló s’exprimait ainsi, le jeudi dernier, lorsqu’il était en conférence de presse conjointe avec son homologue français, Emmanuel Macron en visite dans le pays. Ce projet est-il l’émanation des Chefs d’Etat ouest-africains ou serait-il, en réalité une idée d’Emmanuel Macron pour pérenniser la France-Afrique ?
L’interrogation en vaut vraiment la peine. Mais une chose est évidente, on sent nettement la volonté du syndicat des Chefs d’Etat de la CEDEAO, à travers le soutien militaire de la France, à protéger et pérenniser le pouvoir antidémocratique de ses membres à travers la création de cette soi-disant force anti-putsch. Cela est d’autant plus certain qu’aucune insurrection populaire contre un régime autocratique donné, ne pourrait aboutir sans l’intervention ultime des forces armées.
C’est un secret de polichinelle, une race de Chefs d’Etat, considérée à tort comme démocratiquement élue, veut empêcher le peuple souverain de s’emparer du pouvoir lorsqu’il estime que la démocratie parlementaire (formelle) s’avère corrompue et empêcher toute alternative crédible au pouvoir par la voie des urnes. Les putschs surviennent parce que le plus souvent, la gouvernance ne reflète pas la volonté populaire.
Entre 2020 et 2022, trois Etats ouest-africains ont ainsi vu leurs gouvernements renversés par des coups d’Etat. Ils seraient même au nombre de quatre si le coup d’Etat intenté contre le Chef d’Etat bissau-guinéen n’avait pas échoué. De toute façon, l’origine et les motivations des putschs survenus en Afrique de l’ouest diffèrent d’un pays à l’autre.
Au Mali, suite à sept années de mal gouvernance (gabegie, corruption, tripatouillage électorale), le peuple souverain s’était organisé, en 2020, autour d’un mouvement sociopolitique, le M5-RFP, pour réclamer la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta et de son régime. Après quatre mois d’insurrection populaire, le pouvoir s’est considérablement affaibli au point qu’il ne pouvait diriger le pays. L’armée est intervenue pour parachever la chute du régime IBK. Depuis, une coalition civilo-militaire dirige la Transition.
En Guinée, le président de la République a été l’auteur d’un coup d’Etat constitutionnel. Les gigantesques manifestations populaires de plusieurs années n’ont pu empêcher Alpha Condé de tripatouiller la Constitution du pays pour briguer un troisième mandat anticonstitutionnel. Contre toute attente, ce sont des militaires proches du pouvoir qui se sont emparés du pouvoir. Ils sont considérés par de nombreux analystes politiques comme étant à la solde du néocolonialisme français.
Au Burkina Faso, les manifestations populaires, en raison de l’insécurité endémique dans les deux tiers du territoire national, ont fragilisé le régime de Rock Christian Kaboré. Les manifestants, très déterminés, dénonçaient la présence des troupes françaises et exigeaient leur départ du pays. Puisque Kaboré n’était pas inféodé, la France est intervenue en sourdine pour anticiper sa chute. D’où le putsch du Colonel Damiba. Cet officier est supposé être un homme de main de la France-Afrique. Il n’a pas le soutien du peuple burkinabè qui réclame d’ailleurs son départ. Notamment, depuis sa tentative avortée de réconciliation nationale au cours de laquelle, il a impunément fait venir le président déchu, Blaise Compaoré, pourtant condamné à vie par contumace par la justice du pays, pour rencontrer les autres anciens Chefs d’Etat du pays.
Quid des coups d’Etat constitutionnels en Afrique de l’ouest ? Ils ont permis à des protégés de la France-Afrique de se maintenir au pouvoir.
Le système démocratique de l’Afrique de l’ouest n’est pas interrompu que par des coups d’Etat militaires. Plusieurs Chefs d’Etat de la sous-région se cramponnent à leur pouvoir par le tripatouillage des Lois Fondamentales. Ils sont généralement soutenus par l’ancien pays colonisateur s’ils défendent les intérêts hexagonaux. C’est le cas d’Alassane Dramane Ouattara qui a forgé « sa nouvelle Constitution » pour briguer un troisième mandat. Il dirige aujourd’hui son pays d’une main de fer. ADO n’est-il pas la tête de proue de la France-Afrique dont la majorité du peuple africain est désormais hostile et de laquelle elle désire s’émanciper ?