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Situation sécuritaire préoccupante dans la région de Mopti : L’impérieuse nécessité d’assister les déplacés et leurs communautés d’accueil
Publié le jeudi 11 aout 2022  |  Le Wagadu
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© Autre presse par DR
Le Gouverneur de la Région de Mopti et la Cheffe du Bureau régional de la MINUSMA en visite de soutien dans le village de Peh
Suite à une attaque perpétrée, dans la nuit du 13 au 14 novembre 2019 contre le village de Peh, dans la région de Mopti, le 18 novembre dernier, le Gouverneur de la Région, Abdoulaye Cissé et Fatou Dieng Thiam, la Cheffe du Bureau régional de la MINUSMA, y ont effectué une visite.
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La détérioration de la situation sécuritaire dans la région de Mopti a engendré le déplacement massif des populations dans des zones plus sécurisées. C’est dans cette dynamique que plusieurs ménages de certaines localités de la région se sont déplacés dans le dénuement total, abandonnant tout derrière eux. Pour nous en rendre compte, il nous a fallu effectuer un déplacement dans la zone afin de constater la situation qui prévaut.

Pour aider les déplacés à faire face à ces difficultés majeures à travers le renforcement de leur résilience, plusieurs organisations humanitaires se positionnent. Parmi celles-ci figure ENGIM Internazionale, une ONG italienne spécialisée dans la réalisation d’actions de soutien et des projets de coopérations dans des pays en voie de développement.

A la différence de plusieurs organisations œuvrant dans le domaine humanitaire n’apportant assistance qu’aux personnes déplacées internes, ENGIM se soucient également des communautés locales d’accueil également frappées par la vulnérabilité. Il s’agit ainsi de les aider à faire face aux pressions supplémentaires résultant de ces déplacements des populations. Une démarche visant à prévenir et atténuer la survenance d’éventuelles frustrations pouvant déboucher sur des conflits locaux.

En raison de l’insécurité, Mopti est frappé de plein fouet par le déplacement des populations. Sur les plus de 377.519 personnes déplacées enregistrés depuis le mois de mai dernier au Mali, près de la moitié soit plus de 173 426 sont dans la région de Mopti. Dans les cercles de Mopti et Bankass, l’ONG ENGIM travaille sur des projets d’assistance aux personnes déplacées. Celles-ci viennent pour la plupart des localités de Bankass, Koro, Bandiagara, Karma, etc.

Hausse du nombre de déplacés depuis l’attaque de Diallassagou

Dans les sites de déplacés visités, les occupants vivent dans des abris de fortune exposés aux intempéries et à toute sorte de maladies. Ils ont surtout besoin des kits d’hygiène, des ustensiles de cuisines, des produits alimentaires ainsi que le renforcement des abris. De plus, le nombre de PDI dans ces sites ont augmenté depuis l’attaque qui a visé la zone de Diallassagou, dans le cercle de Bankass, le 19 juin dernier où officiellement 130 civils ont été tués.

Afin d’en savoir davantage, nous avons pu échanger avec Mamadou Dembelé, 3e adjoint au maire de Sio en charge des Finances, de l’environnement et l’état-civil assisté par Issiaka Soukoro, du conseil communal des jeunes. Selon lui, une grande majorité des personnes déplacées de la zone sont des femmes et des enfants. Lesquels ont parfois tout perdu au moment de fuir. Il nous a été donné de constater que certains enfants déplacés ont réussi à être scolarisés à Somadougou.

Si des déplacés vivent dans des sites ou des familles d’accueil, beaucoup d’autres occupent encore la cour des écoles ou des mairies pour s’abriter. Les assistances qu’ils reçoivent de la part de certaines ONG sont insuffisantes pour satisfaire tous les besoins. Ceux-ci ne peuvent pas non plus être assurés par les mairies qui peinent à collecter les impôts et taxes nécessaires à leur fonctionnement.

Dans la zone, les radicaux dissuadent les populations de payer ces services à la mairie sous peine d’être prises pour cible. Ce cas est notamment fréquent à Somadougou où les radicaux s’invitent à la foire hebdomadaire se tenant tous les dimanches pour obliger les forains à leur payer les taxes (Zakat) plutôt que de les remettre à la mairie.

Insuffisance de l’assistance humanitaire

Outre Socoura et Sio, les autres localités abritant des déplacés de la zone sont entre autres Somadougou, Soufouroulaye, Saré-Malé… En raison des difficultés liées à la nourriture, certains déplacés sont obligés de chercher du travail. Là encore, ils n’échappent pas aux abus et à l’exploitation à cause de leur vulnérabilité. Bien que certaines personnes se voient obligées d’abandonner leurs terroirs à la suite d’attaques, d’autres font des déplacements préventifs. Lesquels sont souvent motivés par des menaces d’attaques proférées par des groupes armés ou des attaques survenues dans des localités voisines.

Très généralement, les assistances offertes aux déplacés sont en espèce ou en nature malgré leur insuffisance. Les plus grands problèmes auxquels les déplacés demeurent confrontés sont l’insuffisance de la nourriture et l’insécurité. Une situation confirmée par deux ressortissants du village de Saré-Hére, Fousseyni Cissé et Belco Cissé, actuellement déplacés à Sio. Tous deux ont fui leur localité depuis avril 2021 à cause de l’insécurité. Ils ont affirmé que de leur arrivée à nos jours, ils n’ont été soutenus qu’à une seule reprise et cela pendant 4 mois. Selon eux, en cours de route, deux des leurs sont morts suite aux conditions difficiles du déplacement.

Nombreux sont ceux parmi les déplacés souffrant de traumatisme parfois psychologique. A en croire Fousseyni et Belco Cissé, leur prise en charge sanitaire n’a duré que pendant deux mois. Ils ont aussi exprimé leur vœu de rentrer chez eux une fois que la sécurité sera rétablie.

Insécurité dans les sites de déplacés

Ce souhait est également partagé par les déplacés vivant à Dialangou, un village situé à 7 km de la ville de Mopti. Au départ, la population de cette localité était estimée à environ 400, aujourd’hui on en dénombre plus de 1400 habitants à cause de l’insécurité croissante de la région et la crise de déplacement qui s’est ensuivie.

Parmi les difficultés auxquelles les habitants de cette localité sont confrontés figure notamment l’accès à l’eau constituant un véritable calvaire à cause de l’augmentation constante de la population. Cette situation impacte négativement l’hygiène et la santé des enfants mises à mal par la propagation de maladies d’origine hydrique.

Selon le chef de village de Dialangou, les besoins restent majoritairement dominés par l’alimentation et les abris décents. Selon lui, ils sont près de 400 déplacés vivant actuellement dans sa localité dont l’écrasante majorité reste les femmes et les enfants. Il a aussi souligné qu’il leur arrive d’enregistrer des décès par manque de soin.

Par ailleurs, il s’est alarmé sur la précarité de la situation sécuritaire dans la zone où se situe le village. D’après lui, le sommeil des habitants est très souvent coupé par des tirs à l’arme automatique qui retentissent presque tous les soirs. A cela s’ajoutent l’accroissement des phénomènes de violence urbaine marquée par des braquages et des agressions contre les habitants du village. Une situation confirmée par plusieurs déplacés rencontrés dans ledit village.

Certains d’entre eux exercent des métiers comme manœuvre, maçon ou parfois négociateurs de bestiaux pour joindre les deux bouts. La plupart d’entre eux viennent de Bandiagara, Koro, Douentza et surtout Bankass. Selon le récit de certains d’entre eux, c’est à une seule occasion qu’ils ont bénéficié d’une allocation de 40 000 F. Ils ont souligné le manque d’électricité, l’insuffisance de l’eau, l’absence d’un centre de santé. En cas de litige, plutôt que de se confier à la justice moderne, les déplacés se réfèrent à la décision du chef de village.

Témoignage d’un rescapé du massacre de Koulogon en 2019

Parmi ces déplacés, nous avons rencontré Housseinou Diallo, ressortissant du village de Koulogon, dans le cercle de Bankass, ayant fait l’objet d’une violente incursion armée en janvier 2019 causant la mort de près d’une quarantaine de civils. Housseinou Diallo fait partie des rescapés de ce massacre qui ont préféré se déplacer ailleurs.

A Dialangou, ils sont une vingtaine de déplacés en provenance de Koulogon. M. Diallo déplore un manque d’activité champêtre et de pastoralisme. De même qu’il a regretté un manque d’abris adaptés pour les déplacés. Pour se soigner, il indique que c’est la médecine traditionnelle qui est privilégiée faute de moyen ainsi que l’absence d’un centre de santé dans le village.

A l’en croire, cela fait plus de 6 mois que les déplacés de la zone n’ont plus reçu d’assistance. Même constat amer dressé par un autre déplacé répondant au nom d’Amadou Dicko qui a fui son village relevant de la région de Bandiagara. D’après son récit, le chef de son village s’appelant Hamadoune Dicko, croyant au retour de la sécurité y est retourné avant d’être assassiné sur place.

Sur place, nous nous sommes également entretenus avec Amadou Barry et Samba Diaguilé qui viennent de Diallassagou d’où ils ont fui il y a trois ans de cela craignant une dégradation de la situation sécuritaire. A Dialangou, ils exercent le métier de négociant de bestiaux pour gagner leur vie. Pour eux, c’est la nourriture et des abris décents qui leur posent d’énormes problèmes. Avant d’avouer que cela fait plus d’un an qu’ils n’ont reçu aucune assistance.

Pour sa part, Ada Dicko a fui Bandiagara depuis 4 ans soit en 2019. Elle vendait du lait et continue à exercer cette activité dans la mesure du possible à Dialangou. Elle déplore le manque de centre de santé et souligne que des agents de santé ne viennent qu’à de rares occasions dans cette localité. C’est à cause de cette situation qu’elle a perdu son époux depuis l’an passé faute de soins appropriés, s’attriste-t-elle.

Elle a aussi souligné que cela fait plus d’un an qu’elle vit sans aucune assistance. Parmi les besoins qu’elle a exprimés figurent entre autres le manque de nourriture et d’abris décents. Les déplacés rencontrés au niveau de ces localités saluent l’hospitalité et la solidarité des communautés d’accueil. Toutefois, ils craignent que cela ne soit de courte durée puisque celles-ci font face à des conjonctures de plus en plus difficiles à cause de la faiblesse du pouvoir d’achat des ménages et la cherté de la vie.

Il convient de préciser que l’occasion a également été mise à profit par les membres de l’équipe de l’ONG ENGIM à Mopti de recueillir les besoins de ces déplacés afin de leur apporter l’assistance nécessaire. Une certitude c’est que les communautés d’accueil notamment les plus vulnérables ne resteront pas en marge de cette assistance.

Cet article réalisé avec le support du projet « Aide d’urgence aux populations affectées par la crise humanitaire dans les zones transfrontalières du Mali et du Burkina Faso », financé par l’Agence italienne pour la coopération – Bureau de Dakar.

Cheick B Cissé
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