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Bande Sahelo-Saharienne : La recolonisation d’un espace géostratégique par le terrorisme
Publié le mercredi 17 aout 2022  |  Le Matin
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© aBamako.com par mouhamar
Visite de la mission de l’Union Africaine pour le Mali et le Sahel (MISAHEL) à Kidal
Kidal, le 08 Août 2014. La délégation de la mission de l’Union Africaine pour le Mali et le Sahel (MISAHEL) conduite par son Excellence monsieur Pierre Buyoya, Haut Représentant de l`Union Africaine s`est rendue ce vendredi à Kidal, pour s`enquérir de conditions de vie des populations.
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Depuis l’assassinat du Colonel Mouammar Kadhafi en 2011 par Nicolas Sarkozy et ses alliés, la bande sahélo-saharienne dont il était le leader est dans la tourmente. Des hordes de terroristes semblent avoir surgit du moyen âge pour semer la terreur dans cet espace géographique où les investissements libyens avaient commencé à reléguer les intérêts occidentaux au second plan. Ce n’est pas un hasard si le terrorisme prospère aujourd’hui dans cette région sur les cendres de la Communauté des Etats sahélo-saharien (CEN-SAD).

Depuis l’effondrement de la Jamahiriya arabe libyenne, la situation sécuritaire n’a cessé de se dégrader dans l’ensemble de la bande sahélo-saharienne qui était devenu un contre-modèle de la politique néolibérale et néocoloniale appliquée par l’Occident, notamment la France. De la Libye, le supposé «jihadisme» s’est étendu à tous les pays du Sahel et menace aujourd’hui des pays côtiers comme le Togo après avoir déjà frappé la Côte d’Ivoire. Mais, contrairement à une idée de plus en plus répandue, cette menace sécuritaire ne se justifie pas seulement par la seule volonté de diffuser dans cet espace géostratégique une «idéologie salafiste» par le rejet de l’Occident et de l’État moderne.

L’Afrique n’est pas l’Afghanistan. Il serait donc très difficile de bâtir et maintenir un État théologique dans la région. Même si la grande majorité des populations est musulmane, elles sont aussi majoritairement opposées à un islam radical. Et les organisations terroristes qui écument aujourd’hui le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad, le Cameroun, le Nigeria… en sont conscientes.

D’ailleurs, leur lutte repose-t-elle sur une idéologie religieuse claire ? Que cache la terreur qu’elles font régner au-delà de «Allah Akbar» (Dieu est Grand) lancé comme cri de guerre et la bannière brandie pour donner un contenu à leurs discours propagandistes et extrémistes ? Au-delà, nous voyons plutôt une recolonisation de l’Afrique, notamment de l’espace d’influence de la Cen-Sad, qui est en marche. Une recolonisation pas cette fois par l’Occident seulement, mais aussi par les riches Etats du Golfe persique dont certains ont apporté un appui financier conséquent à Nicolas Sarkozy et à ses alliés pour se débarrasser de Kadhafi. Et comme toujours, ce sont les richesses et ses immenses potentialités dans tous les domaines (agricoles et minières notamment) qui sont convoités.

Ainsi, si l’État islamique au Grand Sahara (EIGS, affilié à Daech) est à la manœuvre au compte d’une riche monarchie du Golfe, le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (JNIM/GSIM) est une création purement Occidentale. Les liens entre Iyad Ag Ghali et la France ne sont désormais inconnus de personne. Mais, ces derniers mois, on assiste à un changement de stratégie de la France qui semble avoir abandonnée JNIM en plein vol pour s’allier à l’EIGS dont les intentions au nord (nord-est notamment) s’apparentent aux siennes. Fragilisé par ses batailles violentes contre son rival, JNIM a focalisé ses actes criminels dans le centre de notre pays ces derniers mois.

Le Sahel, un terrain de rivalité entre l’Occident et l’Orient via l’EIGS et le GSIM

Le Sahel, précisément le Mali, est devenu un terrain d’affrontement entre l’EIGS et le GSIM ​(des sous-traitants des lobbies néocolonialistes) ​qui, de façon isolée, s’attaquent beaucoup plus aux populations civiles qu’aux cibles militaires. Ce qui se passe dans le centre du Mali et dans la Zone des «Trois frontières» ou «Liptako-Gourma», notamment dans la région de Ménaka, doit nous amener à nous poser des questions aujourd’hui sur les vrais enjeux de cette insécurité grandissante.

Ces organisations criminelles menacent de représailles les populations si elles n’abandonnent pas leurs terres pour se réfugier dans des centres urbains. Autrement, elles ont recours à la terreur pour faire le vide dans des espaces dont l’importance n’est plus à démontrer. La politique de terre brûlée vise juste à vider les zones qu’on veut utiliser (à de nombreuses fins) des populations dont la présence est naturellement encombrante.

«Au moins 700 civils tués depuis mars dernier dans la zone des Trois frontières (Burkina Faso, Mali et Niger) où le MSA et le Gatia tentent de contenir l’extension de l’EIGS. Sur place, une économie déstructurée et une situation humanitaire catastrophique. Il faut agir vite», alertait récemment M. Seidik Abba, journaliste-écrivain, analyste de l’actualité africaine sur plusieurs médias.

Et ce n’est pas un pur hasard si le terrorisme prospère de nos jours sur les cendres de la Cen-Sad. Une zone (bande sahélo-saharienne) que le regretté Guide Mouammar Kadhafi avait réussi à transformer en un pôle de développement (grâce à des investissements judicieux) en prônant un nouvel ordre économique et géopolitique. C’est, entre autres, l’une des raisons profondes de son assassinat en octobre 2011.

Tant que nos dirigeants ne comprennent pas cette donne, ils auront du mal à efficacement réagir à la menace. Ce n’est pas forcément en comptant sur des puissances extérieures qu’on peut définitivement vaincre le terrorisme. «Pendant 11 ans le Sahel n’a pas pu réunir 1,50 milliards de dollars pour sa sécurité. Pourtant, en quelques mois, 65 milliards de dollars ont été mobilisés pour l’Ukraine. Alors continuons toujours à nous diviser, à nous invectiver jusqu’au jour où l’on se réveillera dans la recolonisation. L’Asie a compris cela et elle est libre», a rappelé le jeune leader politique malien, Moussa Sey Diallo, dans l’une de ses nombreuses publications sur les réseaux sociaux.

Il faut une vraie vision de développement durable pour sécuriser et stabiliser nos Etats aujourd’hui exposés à d’autres formes d’exploitations néocoloniales qui ne sont pas forcément dans l’intérêt de nos peuples. En dehors de la force militaire, il faut faire preuve de jugeote pour une solution à long terme. «Soit tu as une vision et un agenda pour ta propre évolution, soit tu es une composante de la vision et de l’agenda de quelqu’un d’autre», souligne Dr Djamila Ferdjani, l’influenceuse nigérienne sur les réseaux sociaux.

Malheureusement, depuis la colonisation, nous sommes des composantes de la vision de nos «maîtres» qui nous ont toujours exploité dans le sens des intérêts de leurs pays.

Moussa Bolly

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Des terres enviées par les «Riches»

L’Afrique compte 60 % des terres arables non exploitées du monde. De quoi susciter toutes formes de convoitises afin de s’approprier par tous les moyens ces espaces vitaux pour soutenir les puissances économiques.

«La quête de l’émergence en Afrique dépend de l’agriculture. L’Afrique est en passe de devenir un continent stratégique pour l’agriculture. Avec 60 % des terres non cultivées, suffisamment de ressources en eau, de main-d’œuvre, elle peut répondre à la demande mondiale», défendait en 2015 Priya Gajraj du PNUD (lepoint.fr). Un enjeu vite compris par la Cen-Sad dont de nombreux projets ont été recentrés sur le développement agricole.

Ce qui était une menace sérieuse pour des lobbies et des multinationales qui lorgnent sur le fabuleux trésor foncier africain. En effet, ces dernières années, les Chinois, les Saoudiens, les Qataris… ont brillé par leur «politique agressive» d’achats de terres en Afrique. Ils sont généralement guidés par le besoin de produire pour leur marché intérieur… sans réellement participer au développement de l’agriculture locale. Selon des rapports de l’Union africaine, l’Afrique a cédé pour plus de 100 milliards de dollars de terres entre 2000 et 2015. Une situation qui a poussé l’Afrique du Sud à récemment annoncer que les étrangers ne pourraient plus acheter de terres dans le pays d’ici cinq ans. Une bonne résolution qui doit inspirer d’autres pays du continent, notamment le Mali avec ses immenses terres fertiles.

M.B

L’expertise nationale pour une vision réaliste de la lutte contre le terrorisme

Qui approvisionne les terroristes en armes et munitions ? Qui les rémunèrent et dans quel but ? Qui tire réellement profit des autres activités criminelles qui prolifèrent autour du terrorisme ? Autant de questions qu’on ne cesse de se poser ces dernières années, aussi bien des citoyens lambda comme des intellectuels.

Le terrorisme n’est pas une action spontanée. C’est une menace qui ne se résume pas ainsi à des actions spontanées contre des peuples pour des raisons religieuses. Il répond de plus en plus à une stratégie de déstabilisation planifiée à des fins géostratégiques et surtout géoéconomiques pour pallier le déclin économique de l’Occident.

La solution au terrorisme passe ainsi par une vision qui nous est propre. Il faut par exemple un leadership avéré et une vision de développement visant à couper l’herbe sous les pieds des réseaux terroristes. Il faut notamment revoir la gouvernance locale en mettant en avant les expertises du terroir et les modes de gestion traditionnels. Ce qui doit amener nos décideurs politiques à faire des zones rurales de véritables pôles de développement visant à offrir à la jeunesse des moyens d’y réaliser ses ambitions socio-économiques ; d’y s’épanouir tout en contribuant à l’émergence socio-économique, culturel… de leur pays.

S’ils sont nombreux les jeunes qui ont rejoint les groupes armés faute d’autre perspective, il faut trouver le moyen de les occuper comme acteurs de leur développement personnel et de l’émergence économique du pays. Et il est utopique de vouloir y parvenir en focalisation nos stratégies et plan de développement sur les centres urbains.

Mais comment offrir à ces jeunes analphabètes une insertion et des projets ? Comment assurer la loi et l’ordre alors que l’État est absent et perçu comme un adversaire ? Les réponses les plus pertinentes et les plus réalistes à ces questions ne viendront jamais d’ailleurs, mais de notre propre réflexion.

Et comme le conseille si bien le camarade Moussa Sey Diallo, «en Afrique, surtout francophone, on connaît enfin nos problèmes. Ils ont été hurlés, on a été assez conditionnés, motivés. Taisons-nous maintenant et partons vers les solutions, qui ne viendront qu’à travers l’union sacrée et stratégique, et surtout par l’acquisition du savoir» !

En plus de 60 ans d’indépendance, nous avons formé suffisamment d’experts (sociologues, planificateurs, économistes, agronomes…) qui doivent aider nos pays à résoudre ​les équations auxquelles nous faisons face avec des solutions appropriées et dans nos intérêts. Il faut leur faire confiance. Même si ceux-ci aussi doivent comprendre qu’il s’agit d’une belle opportunité de mettre en évidence leur compétence, leur expertise et leur expérience et non de se faire les poches en pillant les fonds mis à leur disposition.

M.B

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