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Nouhoum Tapily au sujet de la relecture des textes pénaux : « C’est une véritable révolution »
Publié le vendredi 19 aout 2022  |  Le Pays
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© aBamako.com par mouhamar
Cour Suprême: Moussa MARA a rendu visite à Nouhoum TAPILY
Bamako, le 10 juin 2014. Cour Suprême. Le premier ministre malien Moussa MARA, Chef du gouvernement a rendu une visite de courtoisie et de fraternité à Nouhoum Tapily, président de la Cour Suprême.
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Les réelles motivations de la relecture des textes du code pénal et du code de procédure pénale ; les innovations majeures dans les avant-projets de ces textes ; la question de l’homosexualité mais aussi l’esclavage sont, entre autres, les sujets abordés avec Nouhoum Tapily, magistrat à la retraite et ancien président de la Cour suprême. Dans une interview qu’il a accordée à Le Pays ce mercredi 17 août 2022, M. Tapily a également formulé des recommandations allant dans le sens de la vulgarisation de ces textes après leur validation et leur adoption. Interview !



Le Pays : vous êtes là depuis lundi pour la validation des avant-projets de loi portant code pénal et code de procédure pénale. Comment voyez-vous la tenue d’une telle rencontre ?

Nouhoum Tapily : Je pense qu’une telle rencontre et une telle œuvre étaient longtemps souhaitées par les praticiens du droit. Parce que depuis 1961, le code pénal et le code de procédure pénale n’ont fait l’objet d’une véritable relecture qu’en 2001. Depuis cette date, ces deux textes fondamentaux dont se servent au quotidien les juges et tous ceux qui concourent à la distribution de la justice pénale en général, n’ont pas été revus. Vous le comprenez, le monde a évolué, car nous parlons d’un village planétaire. La technologie a beaucoup évolué aussi. Et cette évolution technologique engendre nécessairement la naissance de beaucoup d’autres de nouvelles infractions. Il était donc temps de prendre en charge les nouvelles infractions à travers le monde. Je rappelle que cette œuvre a commencé depuis 2016 et c’est aujourd’hui qu’on a pu certainement arriver un peu à la finalisation. Ce n’était pas un manque d’envie ni de volonté, mais c’est bien qu’aujourd’hui, on puisse quand même, après avoir lu toutes les connaissances, arriver enfin à relire ces deux textes fondamentaux pour le bonheur de tous les praticiens, pas seulement de la justice, mais de tous ceux qui concourent à la répression des infractions.

Qu’est-ce qui change fondamentalement dans ces deux lois ?

Quand vous prenez le code pénal, il y a eu beaucoup de nouvelles infractions, beaucoup d’innovations et c’est tellement fastidieux de les citer. Mais rien qu’à voir l’ampleur des articles ajoutés, vous comprenez que de nouvelles infractions ont été ajoutées. Par exemple, le crime de la haute trahison a été défini. Cela a été proposé et de beaucoup d’infractions sur le genre, notamment concernant les mutilations génitales féminines, comme on le dit, beaucoup d’infractions par rapport à la protection des personnes vulnérables telles que la minorité, les enfants, les personnes handicapées, la femme, les jeunes. Donc, je pense qu’il y a beaucoup d’aspects sociologiques de notre société qui ont été pris en compte. Et les droits humains seront mieux appliqués au Mali. Donc, le changement est notoire.

La même chose a été faite avec le code de procédure pénale. Il y aura beaucoup d’acteurs qui vont intervenir, tels le juge de la liberté, le juge de l’application des peines. Ce sont des sommes qui sont nécessaires pour vraiment personnaliser, l’application de la loi, pour prendre en compte toutes nos réalités aujourd’hui. Donc, je pense que c’est une véritable révolution à mon avis.

Des questions liées à l’homosexualité et à l’esclavage ont été également débattues ?

Bien sûr ! Aujourd’hui, le terme « esclavage » est à la mode. C’est ce qui nous préoccupe, surtout dans la partie occidentale de notre pays, dans la région de Kayes où on parle de plus en plus de l’esclavage par ascendance. Mais en réalité, il s’agit même de combattre l’esclavage tout court dans notre pays. Dans notre pays, des définitions ont été proposées par rapport à ces réalités sociologiques. Et ce serait une bonne chose qu’on ait aujourd’hui une législation de droit positif qui réprime effectivement ce genre de comportements qui ne sont pas acceptables dans un Etat démocratique. Le monde évolue, mais il faut aussi quand même savoir que nous avons nos réalités sociétales qui font que certains comportements qui peuvent être tolérés ailleurs ne pourraient pas l’être à l’état actuel dans notre pays. Et il a été fortement recommandé d’ériger l’homosexualité en infraction autonome. Pas nommément homosexualité seulement, mais il s’agit de réprimer certains actes qui s’apparentent à ce genre de pratique qui, à présent, n’arrive pas être tolérée par notre société.

Avez-vous des recommandations particulières ?

La recommandation, c’est qu’après cet atelier de validation de ces deux textes fondamentaux, il faudra faire les démarches nécessaires auprès de toutes les couches et les forces vives de notre pays pour que les gens puissent s’approprier et donner leur avis. C’est important pour l’inclusivité, c’est important que les gens comprennent, à l’avance, la loi qui doit leur être appliquée quand ils font telle ou telle chose. Donc, à mon sens, plus la loi est connue, plus les gens y adhèrent. Et plus les gens y adhèrent, plus elle devient efficace. Parce qu’après tout, la loi, c’est pour réguler la vie en société. Mon souhait est que les autorités continuent, au-delà des discussions entre techniciens du droit, à associer la population et les forces vives au processus. Parce qu’après tout, la loi est faite pour tout le monde et tout le monde doit la comprendre.

Il ne servira à rien qu’entre nous, techniciens, on discute pendant longtemps à vase clos et que le jour où il sera question d’appliquer cette loi, que les gens ne se trouvent pas du tout. Ce ne serait pas une bonne chose. C’est vrai que la loi, avant d’être adoptée, a tout un mécanisme, tout un processus qui font que les représentants de la population, la représentation nationale, pourront donner leur opinion. Mais il faudra faire en sorte que la loi soit connue par la plupart de nos concitoyens, même si on dit que nul n’est censé ignorer la loi.

Par Boureima Guindo

Source: LE PAYS
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