À l’occasion de la commémoration du 60e anniversaire de la création du franc malien, l’Association pour la promotion des idéaux des pères des indépendances africaines (API-PIA) a organisé une conférence-débat sur le thème : « création du franc malien, vision mise en œuvre ; les obstacles et quelle politique monétaire pour le Mali ?». C’était le samedi 20 août 2022 au Mémorial Modibo Keïta.
Plus de 60 ans après l’accession de nos pays à la souveraineté internationale, les idéaux pour lesquels se battaient les pères des indépendances africaines et les solutions qu’ils préconisaient demeurent d’actualité au regard de la nature des défis à relever.
C’est pourquoi, l’association pour la promotion des idéaux des pères des indépendances africaines a choisi de faire une conférence-débat sur le franc malien. À cette occasion, les panélistes sont revenus sur les conditions de la création de cette monnaie, les obstacles et la politique monétaire idéale pour le Mali.
Au cours de son allocution, la présidente de l’API-PIA, Maïmouna Diakité, a rappelé que la mission de son organisation est de faire connaître à la jeunesse actuelle les valeurs incarnées par le président Modibo Keïta entre autres « l’amour de la patrie, le respect du bien public ». Pour elle, « la génération actuelle doit capitaliser cette expérience ainsi que les valeurs de ces dirigeants ».
Au cours de sa présentation, Daouda Tekété a souligné que la création du Franc malien a une histoire. « Il y a eu des étapes antérieures, des négociations avec la France. Ce n’est pas parce qu’il y a eu rupture des relations avec la France à la suite de l’éclatement de la fédération du Mali qu’il (Modibo Keïta) a voulu créer le franc malien non », a-t-il rappelé.
« À travers la création du franc malien, Modibo Keïta et ses compagnons avaient pour objectif l’affirmation et l’affermissement de notre souveraineté nationale », a-t-il soutenu. Ce qui lui fera dire que le Mali devrait s’organiser pour sortir du FCFA afin d’atteindre sa souveraineté. « Il faut s’organiser pour sortir du FCFA. Si on ne le fait pas, nous n’allons jamais atteindre notre souveraineté », a-t-il préconisé.
Dans cette optique, Daouda Tékété a rappelé que le franc malien a été mis en circulation le 1er juillet 1962 et que le régime de Modibo Keita a été renversé le 19 novembre 1968. Ainsi, il a donné quelques données statistiques montrant les réalisations faites sous le franc malien.
« Lorsque nous accédions à l’indépendance, le 22 septembre 1960, plus de 99% des produits de première nécessité que nous consommions venaient de l’extérieur. Mais grâce au franc malien de 1962 à 1968, on était arrivé à inverser la tendance et satisfaire les besoins en matière de produits de première nécessité à 60%.
Aujourd’hui, avec le franc CFA, 75% du riz que nous consommons vient de l’extérieur. En termes d’infrastructures, lorsqu’on accédait à l’indépendance, il n’y avait que 368 km de routes bitumées au Mali, mais avec le plan quinquennal sous le franc malien, nous sommes arrivés à faire passer ça à 1600 km de routes bitumées. En matière de transport, grâce au franc malien on était arrivé à créer une compagnie aérienne qui avait 18 avions », a-t-il détaillé.
Eco, les critères de convergence ne sont pas respectés
S’agissant des conditions de création d’une monnaie, Modibo Mao Macalou, économiste, a fait savoir que celles-ci doivent être basées sur la confiance. « Les critères internationaux très importants pour définir la souveraineté d’une monnaie, c’est savoir si la banque centrale dispose d’assez d’or et de devises pour pouvoir soutenir 3 mois d’importation. Si vous êtes en dessous de 3 mois, cela veut dire que vous êtes en difficulté avec votre monnaie », à l’en croire.
En dépit de cela, il a précisé qu’au Mali, « nous achetons plus de biens et de services à l’extérieur que nous n’en vendons ». « La balance commerciale est négative et cela pose problème. Quand vous importez plus, c’est votre argent qui sort, vous enrichissez les autres ; mais quand vous exportez, vous vous enrichissez », a-t-il révélé.
Concernant le report de l’Eco, Mao Macalou a soutenu que cette monnaie commune aux pays de la CEDEAO ne verra le jour qu’en 2027. Parce que, dit-il, « les critères de convergence ne sont pas respectés ».
Quant à la question sur une fédération entre le Mali et la Guinée pour une monnaie commune, l’économiste a soutient l’éventualité « si on nationalise le secteur minier ». « La différence entre le Mali et la Guinée est que l’industrie minière guinéenne appartient à l’Etat guinéen. L’industrie minière malienne, elle n’appartient pas à l’Etat. Selon les statistiques de la BCEAO en 2020, on a vendu 20304 milliards de FCFA d’or à l’extérieur. Combien d’argent est rentré dans les caisses de l’Etat, 450 000 000 FCFA parce que l’or est produit par les compagnies minières et vendu par celles-ci », a-t-souligné.
En allant plus loin, il a fait savoir que la Guinée, quand elle exporte de la Bauxite, elle reçoit ses revenus en dollars dans sa banque centrale. « Au Mali quand on exporte le coton, on reçoit des dollars qui vont à la banque centrale et la BCEAO crédite le compte de la CMDT en FCFA », a-t-il révélé.