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Mali-France : Jusqu’où ira Abdoulaye Diop ?
Publié le mardi 30 aout 2022  |  La preuve
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© aBamako.com par S.A
Point de presse animé par le ministre malien des affaires étrangères et de son homologue algérien
Bamako, le 26 août 2021. En fin de mission à Bamako, le ministre algérien des affaires étrangères M. Ramtane LAMAMRA a, conjointement animé un point de presse avec son homologue malien, M. Abdoulaye DIOP.
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Les regards sont tournés vers l’ONU qui doit donner une suite à la requête malienne de convoquer une réunion sur les agissements de Paris que le Mali a dénoncés. Ce qui prouve que la tension entre le Mali et la France se poursuit malgré le départ définitif de la Force Barkhane du pays. Cette fois-ci, c’est à New York, au siège des Nations unies que Bamako a saisi le Conseil de sécurité de l’ONU, en dénonçant « des activités considérées comme de l’espionnage, de l’intimidation voire de la subversion de la force Barkhane depuis l’annonce de son retrait ».



En attendant, on se souvient que le 15 Août 2022, date à laquelle les derniers soldats français de la force Barkhane ont quitté le territoire malien, cette correspondance de la diplomatie malienne met en nue « la face cachée de l’opération Barkhane au Mali». Dans ladite correspondance, les autorités maliennes dénonce «plus de 50 cas délibérés de violation de l’espace aérien malien par des aéronefs étrangers, notamment opérés par les forces françaises, sous différentes formes».

Dans le but de l’organisation d’une réunion d’urgence sur ces questions au conseil de sécurité de l’ONU, le gouvernement du Mali a avancé quelques éléments pouvant prouver «les actes d’agression contre le Mali» pour «atteinte à la stabilité et à la sécurité de notre pays» de la part de la France.

Faut-il le rappeler, le gouvernement avait déjà signalé des incursions similaires en janvier et en avril dernier, tandis que Paris avait nié ces allégations. Aussi «aux actes d’indiscipline caractérisés par des refus d’obtempérer aux instructions des services de contrôle aérien, s’ajoutent des cas d’extinction des transpondeurs dans le but de se soustraire au contrôle. S’y ajoutent également des cas de falsification de documents de vol, ainsi que des cas d’atterrissage d’hélicoptères dans des localités hors aérodromes, sans autorisation préalable».

Le 7 août, des attaques simultanées imputées à l’État islamique au grand Sahara (EIGS) ont fait 42 morts et de nombreux blessés parmi les forces armées maliennes (Fama). Dans son communiqué, la Direction de l’information et des relations publiques des armées (Dirpa) a immédiatement évoqué une forme de complicité extérieure. « Les opérations clandestines et non coordonnées enregistrées par les Fama confirment la thèse que les terroristes ont bénéficié d’un appui majeur et d’une expertise extérieure », a ainsi déclaré la DIRPA.

Par ailleurs, le Gouvernement du Mali affirme avoir disposé de plusieurs éléments de preuve que ces violations flagrantes de l’espace aérien malien ont servi à la France pour «collecter des renseignements au profit des groupes terroristes opérant dans le Sahel et pour leur larguer des armes et des munitions».

Aussi, « il convient de rappeler que c’est en raison de suspicions de manœuvres de déstabilisation de la France que le Gouvernement du Mali s’est fermement opposé à la demande de soutien aérien de la France au profit de la MINUSMA, afin que la France ne se serve pas de la mission onusienne comme prétexte pour mener des opérations subversives visant à fragiliser davantage le Mali et la région du Sahel », souligne le gouvernement.

Cette correspondance vient aggraver les tensions qui existent déjà entre Paris et Bamako, en particulier depuis l’officialisation du départ de l’opération Barkhane du territoire du Mali. Au vu de toutes ses accusations, le Mali «se réserve le droit de faire usage de la légitime défense » si les agissements français persistent, conformément à la Charte des Nations unies, a affirmé le ministre Diop.

Même si pour l’heure, les autorités françaises n’ont pas réagi à ces accusations, le Mali a invité le Conseil de sécurité à œuvrer pour que la France «cesse immédiatement ses actes d’agression» et demande à la présidence chinoise de communiquer ces éléments aux membres du Conseil de sécurité.

Après neuf ans de présence au Mali, Barkhane « s’est articulée hors du pays en moins de six mois. Les Français ont transféré ces six derniers mois toutes leurs emprises à l’armée malienne, dont la dernière, à Gao (Nord), ce lundi. Au total, «la France a dû sortir du Mali quelque 4 000 containers et un millier de véhicules, dont des centaines de blindés».



L’ONU à la croisée des chemins



Dans ce contexte, l’expert de l’ONU, Alioune TINE a fait une communication sur la situation des droits de l’homme au Mali à Genève. Au cours de cette communication, il a salué les mesures prises pour rétablir l’ordre constitutionnel et le retour à un régime civil au Mali, mais a exprimé de graves préoccupations quant à la résurgence de la violence extrémiste et à la détérioration rapide de la situation des droits humains dans le pays.

« La détérioration de la situation sécuritaire au Mali a un impact considérable sur la protection des droits humains et la situation humanitaire », a déclaré Alioune Tine, expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Mali. Dans une déclaration publiée à l’issue d’une visite de dix jours dans le pays, l’expert a noté la résurgence et la fréquence des attaques et des violences commises par des groupes extrémistes violents dans le nord du pays, dans le centre et autour de la capitale Bamako.

Selon l’expert de l’ONU, il y a « un climat délétère marqué par la suspicion et la méfiance, avec un rétrécissement continu de l’espace civique, le durcissement des autorités maliennes de transition, et un malaise qui n’épargne pas les partenaires internationaux ». Tine a appelé les autorités maliennes de transition et les partenaires internationaux à réadapter de toute urgence les réponses et stratégies sécuritaires qui n’ont pas réussi à protéger efficacement les populations civiles et leurs droits humains fondamentaux.

L’expert de l’ONU a salué les récents progrès réalisés en vue du rétablissement de l’ordre constitutionnel au Mali et de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation de 2015, malgré des défis persistants.

« Je salue l’adoption par les autorités maliennes d’un calendrier de transition d’une durée de 24 mois, ainsi que d’un chronogramme détaillant les différentes étapes menant aux élections et au retour à un régime civil », a déclaré M. Tine.

Il a noté que la feuille de route pour le retour à l’ordre constitutionnel au Mali comprenait la promulgation d’une nouvelle loi électorale et la mise en place d’une commission de rédaction de la constitution en juin 2022.

Lors d’une réunion de niveau décisionnel sur les aspects de l’accord de paix tenue en août 2022, un consensus a été atteint concernant l’intégration de 26 000 ex-combattants dans les forces armées et les services de l’État, a déclaré l’expert.

Toutefois, Tine a prévenu que le Mali est confronté à de graves problèmes de sécurité.

L’expert de l’ONU a déclaré que lors des discussions avec les principaux acteurs de la région de Ménaka, ils étaient dans leur très grande majorité d’accord sur le fait que la situation en matière de sécurité et de droits humains s’était détériorée de manière alarmante depuis mars 2022. « Trois des quatre cercles de la région – soit 75 % du territoire – sont sous le contrôle de groupes extrémistes violents », a déclaré l’expert.

Les violations des droits humains et atteintes à ces droits ont également augmenté de façon spectaculaire, a déclaré l’expert, la MINUSMA ayant documenté 1304 violations et atteintes du 1er janvier au 30 juin, soit une augmentation de 47,17 % par rapport à la période de six mois précédente.

« Les groupes extrémistes violents restent les principaux auteurs présumés de violations des droits humains et atteintes à ces droits au Mali, mais le nombre élevé de violations attribuées aux forces de défense et de sécurité maliennes est très préoccupant », a déclaré l’expert.

Selon l’expert, des sources crédibles ont rapporté que dans certains cas, ces violations ont été commises par les forces de défense et de sécurité maliennes, accompagnées par du personnel militaire étranger décrit comme étant des militaires russes. Il a ajouté que les autorités maliennes continuent de nier les informations selon lesquelles une société militaire privée russe opère aux côtés des forces de sécurité maliennes. Elles insistent sur le fait que les militaires russes présents au Mali sont des instructeurs militaires déployés dans le cadre de la coopération bilatérale d’État à État. « Quel que soit le statut du personnel militaire étranger, le Mali doit, conformément à ses obligations internationales en matière de droits humains, agir avec la diligence requise pour prévenir, enquêter et punir les violations des droits humains et atteintes à ces droits, qu’elles soient perpétrées par l’État ou par des tiers, y compris des individus, des sociétés ou d’autres entités, ainsi que des agents agissant sous leur autorité », a déclaré Tine.

Le Mali doit également veiller à ce que les victimes reçoivent des réparations justes et efficaces pour le préjudice qu’elles ont subi, a déclaré l’expert. Tine a exhorté les autorités maliennes à accorder aux organisations et institutions nationales et internationales l’accès aux zones où des violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits ont été commises, afin qu’elles puissent enquêter de manière indépendante et rendre compte des situations. « J’ai été particulièrement choqué d’avoir vu de mes propres yeux des victimes portant sur leurs corps les marques visibles de tortures atroces cruelles et barbares qu’elles avaient subies aux mains des forces de sécurité maliennes. Leurs témoignages étaient insoutenables », a déclaré Tine.

Il a été consterné par le rétrécissement continu de l’espace civique, y compris la censure des médias et l’autocensure des journalistes, des professionnels des médias et des acteurs de la société civile par crainte de représailles. « Ce climat délétère a conduit plusieurs acteurs à s’autocensurer, par crainte de représailles de la part des autorités maliennes de transition et/ou de leurs partisans », précise l’expert.

Tine a recommandé aux autorités maliennes, à la communauté africaine et à la communauté internationale de maintenir un dialogue constructif pour garantir la stabilité et la sécurité du Mali, renforcer les efforts de protection de la population civile et éviter l’isolement du pays. Il a également insisté sur l’urgence de soutenir la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire malien.

Au cours de sa visite, Tine a rencontré les autorités maliennes, la société civile et les associations de victimes, les organisations non gouvernementales, les diplomates et les agences des Nations unies. Tine soumettra son rapport annuel au Conseil des droits de l’homme en mars 2023.

Oumar KONATE/La Preuve
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