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Multipartisme intégral : La classe politique divisée sur la limitation du nombre des partis
Publié le mardi 6 septembre 2022  |  L’Essor
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© aBamako.com par AS
Election du président de l`Assemblée Nationale du Mali
Bamako, le 11 Mai 2020, l`Assemblée Nationale du Mali s`est réunie en session inaugurale pour élire le Président au CICB. Photo: L`honorable Moussa Mara.
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Notre pays compte aujourd’hui plus de 270 partis politiques selon les chiffres officiels. Cette pléthore pour une jeune démocratie comme la nôtre suscite un débat au sein de l’opinion et la classe politique. Alors que certains pensent qu’il faut rendre drastiques les conditions de création des partis, d’autres estiment qu’il y a plutôt lieu de songer à la dissolution de ceux qui ne participent pas suffisamment à l’animation de la vie politique


 Les partis politiques utilisent les espaces publics pour les mobilisations de masse
 
Avec l’avènement de la démocratie, arrachée au prix du sang, notre pays a opté  pour le multipartisme intégral, en mettant fin au règne sans partage de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), le parti unique constitutionnel. 


Déjà sous la Transition de 1991, après l’Acte fondamental, la 2è ordonnance qui a été adoptée par le Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP), à l’époque, nous conduisait au pluralisme politique, rappelle Dr Mamadou Samaké, enseignant-chercheur à la Faculté des sciences administratives et politiques de Bamako. Le politologue ajoute que la Conférence nationale de juillet-août 1991, qui a jeté les bases du Mali démocratique, a adopté la Constitution dont l’article 28 prévoit que ce sont les partis politiques qui concourent à l’expression du suffrage dans le respect des principes de la démocratie et du multipartisme.


Il y a eu aussi l’adoption d’une Charte des partis politiques qui a fait l’objet de révision plusieurs fois. « à l’époque, les Maliens avaient en bloc rejeté le financement public des partis politiques. Du coup, il n’y avait pas beaucoup de formations », se souvient l’universitaire, qui ajoute que plus tard, il y a eu l’organisation du forum politique national d’octobre 1998 à janvier 1999 dont l’une des recommandations a été d’aller au financement public des partis politiques à travers une révision de la Charte. 


Car, au-delà de la fonction électorale, les formations  politiques  doivent, désormais, assurer notamment, les missions d’éducation des militants, d’encadrement des élus ainsi que d’information et de sensibilisation de leurs membres et de l’opinion nationale. « C’est au regard de cette mission de service public qu’il a été introduit un financement public des partis politiques, au prorata de 0,25% des recettes fiscales nationales sous réserve de certaines conditions », explique Dr Mamadou Samaké. D’après lui, le fait que 15% de ce financement soit octroyé à tous les partis politiques ayant déposé des listes aux élections, qu’ils aient eu des élus ou non, peut en partie expliquer leur multiplicité.
 
PLÉTHORE- Selon les données officielles, notre pays compte aujourd’hui plus de 270 partis politiques. D’après les spécialistes, la plupart de ces formations n’animent guère la vie politique et font fi des règles en la matière. également, nombre de ces partis sont des « faire-valoir ». Pour ce faire, ils se positionnent lors des élections, notamment les présidentielles, pour s’aligner derrière les grands favoris et ainsi tirer leur épingle du jeu. 

Face à cette situation, nombreux sont les Maliens qui ne se reconnaissent plus dans l’action politique et ne cachent pas leur déception par rapport au comportement de certains hommes politiques. Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour demander de mettre de l’ordre dans le secteur. Cela a été exprimé au cours de plusieurs rencontres d’envergure nationale dont le Dialogue national inclusif (DNI). Aussi, les Assises nationales de la refondation (ANR) en ont fait une de leurs recommandations, demandant la réduction du nombre des partis politiques en appliquant des conditions restrictives de leur création et de leur financement. 


Sur la question, la classe politique est divisée. Si certaines formations sont favorables à la réduction, d’autres s’y opposent catégoriquement. « Comme tous les Maliens, j’estime que le nombre de partis devrait être beaucoup moins élevé que le nombre comptabilisé ce jour », pense Moussa Mara, ancien président du parti Yélèma (le Changement). L’ancien Premier ministre propose comme solution de retirer le récépissé aux partis qui ne prennent pas part aux élections. Selon lui, il y a au moins 200 formations politiques dans cette situation. 


Naturellement, ces partis ne comptent aucun élu. Moussa Mara demande en outre de mettre fin à l’existence de tout parti qui n’est pas présent sur au moins les 2/3 du territoire. Il soutient qu’une entité politique ne peut conquérir et exercer le pouvoir dans cette situation. « En adoptant cette règle, on aurait moins de 20 partis dans notre pays, ce qui correspond à la réalité effective », estime l’ancien chef de gouvernement. Cela est d’autant plus nécessaire que peu de nos compatriotes peuvent citer le nom de plus de 15 partis politiques, souligne Moussa Mara.


De son côté, le président du Congrès national d’initiative démocratique (Cnid Faso Yiriwa ton), Me Mountaga Tall pense que la situation actuelle est dommageable pour les citoyens, l’état et la classe politique. Toutefois, le leader politique ajoute qu’il ne faudrait pas remettre en cause le principe du multipartisme intégral. D’après lui, celui-ci est un acquis démocratique extrêmement important. Et ce principe n’est pas en cause mais l’usage qui en a été fait. « Dès que la Constitution a fini d’affirmer le principe du multipartisme intégral, elle a dit que celui-ci s’exerce dans le cadre des lois.


Donc, ce sont les lois qu’il faut visiter, aujourd’hui », préconise l’ancien ministre pour qui ces règles sont de véritables passoires qui permettent de faire tout et n’importe quoi sans conséquence. Me Tall propose de trouver, sur la base d’une concertation élargie avec l’ensemble des forces politiques et institutionnelles, les textes qui permettent aux partis d’exister, de s’exprimer, mais de façon représentative et à apporter un plus à la vie démocratique de notre pays. 


Le leader politique signale, par ailleurs, qu’il faut rendre drastique l’accès au financement public des partis politiques. Mais aussi, contrôler l’usage que l’on fait de ces fonds. Mountaga Tall appelle à la sanction la plus sévère au cas où l’on constate que le moindre centime de cette aide est détourné de l’objectif réel. « On ne peut pas créer un parti juste pour bénéficier de fonds publics que l’on utilise pour soi », martèle le président du Cnid, qui explique aussi qu’on  ne peut vouloir avoir une démocratie saine avec des partis faibles ou des partis multipliés à l’infini.

« En lieu et place de la limitation des partis politiques, j’opte pour des ajustements, voire le durcissement des conditions de création, d’organisation des formations et la stricte application des textes existants, surtout pour la suspension ou le retrait des récépissés en cas de manquements », indique, de son côté, Yaya Sangaré, secrétaire général de l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la justice et la solidarité (Adema-PASJ). Pour l’ancien ministre, la solution pourrait venir de la prise de conscience des acteurs politiques eux-mêmes pour l’intérêt supérieur du pays doublée d’une conscience politique élevée du peuple et de l’implication effective de l’administration publique dans le contrôle des activités des partis.


« En définitive, aucune limitation ne doit être apportée à la création des partis politiques. L’exercice de ce droit ne doit faire l’objet de restrictions que si   celles-ci sont compatibles avec les normes internationales communément admises pour le confort de la démocratie pluraliste », soutient Yaya Sangaré. Sur le sujet, nous avons tenté de faire réagir la direction générale de l’administration du territoire, sans succès.
 
DISSOLUTION- À ce niveau, l’enseignant-chercheur Mamadou Samaké déplore le fait que la Charte des partis politiques ne prévoit pas de dispositions pour la dissolution des formations. « Sinon, j’en connais, de 1992 à nos jours, des partis qui n’ont jamais eu un seul élu », déclare le politologue. Pour lui, il est trop facile de créer une entité politique dans notre pays. « Trois, quatre ou cinq personnes peuvent se mettre ensemble dans une chambre, dire qu’elles ont fait une assemblée constitutive. Ces individus élaborent les statuts et règlement intérieur ainsi qu’un procès-verbal de l’assemblée générale avec les noms des membres fondateurs qu’ils vont déposer au niveau du ministère de l’Administration territoriale. En une semaine, dix jours voire un mois, ils obtiennent leur récépissé », déplore Dr  Mamadou Samaké. 


Toutefois, au regard du rôle prépondérant que la Constitution a conféré aux partis politiques, l’universitaire pense qu’il faut renforcer les dispositions relatives à leur création. Certes, il y a 273 partis politiques dans notre pays, mais il n’existe pas  autant de visions. Alors qu’un parti, c’est une vision pour le pays qui se traduit en programme pour la réalisation duquel, ses membres vont à la conquête de l’électorat. Et une fois investis du mandat des citoyens, ces derniers viennent appliquer ce programme, analyse Dr Samaké. 


Par ailleurs, l’universitaire estime qu’il faut prévoir dans la Charte, des dispositions pour éviter qu’il y ait des partis communautaires. De son point de vue, il faut envisager des dispositions pour la dissolution. à ce propos, l’enseignant-chercheur indique par exemple, que les Mauritaniens ont révisé leur Charte des partis politiques en précisant que de leur création à une certaine date, toutes les formations qui n’ont jamais eu de conseillers ou de députés sont considérées comme dissoutes. 


Le politologue évoque, en plus, le récent tirage au sort pour la désignation des membres des partis politiques à l’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige) qui a eu lieu en raison du désaccord au sein de la classe politique. « On ne devait pas en arriver là. Les critères relatifs au financement public des partis politiques auraient pu être retenus comme ceux pour l’éligibilité au niveau de l’Aige. Mais, face à l’incapacité des acteurs politiques de s’entendre, l’opportunité qui restait était le tirage au sort », regrette notre interlocuteur, tout en signalant qu’aucun grand parti politique de la place ne fait partie des « chanceux ».  


L’enseignant-chercheur pense qu’à l’image des sociétés européennes, il est possible d’envisager des courants politiques dans notre pays. « Mais à condition que les acteurs politiques puissent se dépasser, se transcender et mettre le Mali au cœur de leurs préoccupations plus que les considérations personnelles », soutient  Dr Mamadou Samaké. Cela est d’autant plus important que de l’instauration du pluralisme politique à aujourd’hui, note-t-il, il n’y a pas un seul grand parti qui n’a pas fait l’objet d’une, deux ou trois scissions.
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