Le gaz butane est vendu hors norme tarifaire sur tous les marchés du détail à Bamako avec 1500 à 2000 F CFA de hausse. En cette période d’hivernage où ce combustible est le plus utilisé par les ménages, cela donne du tournis aux consommateurs. La Direction générale du Commerce, de la Consommation et de la Concurrence (DGCCC) n’assure plus ou peu son rôle de gendarme des prix.
A l’instar de tous les produits de grande consommation, le gaz aussi connaît une hausse vertigineuse de prix. Tous les prix sont pratiqués sur le marché d’un revendeur à l’autre. La bouteille de 6,5 kg est vendue entre 6 500 F CFA à 7 000 F CFA au gré des détaillants. Des tarifs qui sont sans commune mesure avec le prix d’achat officiel qui est de 5 500 F CFA. Aux prix de 6 500 et 7 000 F CFA, les marges bénéficiaires de ces détaillants sans foi ni loi oscillent entre 1 500 et 2 000 F CFA.
Selon le responsable d’un Centre emplisseur de la place, « le prix du gros de 6,5kg est de 4 860 pour celui qui paie plus de 50 bonbonnes et 5 000 F CFA pour ceux qui n’atteignent pas cette quantité. Normalement, les détaillants ne doivent pas dépasser les 5 460 F CFA à 5 500 F CFA dans leurs points de vente ».
Silence assourdissant de la DGCCC
Loin des 5 460 F CFA, les revendeurs cèdent leurs gaz aux prix qui leur conviennent. Ce marché connaît une inflation sans précédent, car toutes les catégories de bouteille que ce soit les 6,5kg, 12 kg ou 3kg sont cédées à des prix prohibitifs. Tout cela dans un silence assourdissant de la Direction générale du Commerce, de la Consommation et de la Concurrence (DGCCC).
La DGCCC qui est la gendarme des marchés reste amorphe. Plus aucun contrôle n’est pratiqué. Juste des opérations coups d’éclats. La DGCCC préfère laisser l’initiative des dénonciations aux consommateurs eux-mêmes qui sentent des augmentations de prix, en leur laissant des numéros de téléphones de leurs agents de contrôle. Or les clients grugés par les revendeurs se plaignent que ce système n’a jamais fonctionné. « Les numéros téléphoniques des antennes communales de la DGCCC, mis à la disposition des consommateurs répondent rarement où même s’ils sont décrochés aucun agent ne passe aux points de vente incriminés pour faire le constat et réprimander les fautifs », critique un client désabusé.
Aboubdoulaye Sidibé, président de l’Association des revendeurs de gaz
Aboubdoulaye Sidibé, président de l’Association des revendeurs de gaz butane à Sogoniko, critique sévèrement la vente des 6,5kg à 6 500 et 7 000 F CFA. « Ces prix ne sont même plus d’actualité depuis plus d’une semaine où l’Etat a donné une nouvelle fourchette de prix. Le prix réel aujourd’hui est de 5 500 F CFA l’unité pour les 6,5kg. C’est un problème majeur dans notre domaine. Les gens font ce qu’ils veulent. Personnellement, j’ai affiché une grille tarifaire devant mon commerce. Les prix sont désormais fixés comme suit : les 2,75 Kg couramment appelés 3kg coûtent 2 500 F CFA au lieu de 3 000 F CFA. Les 12 kg 11 920 F CFA contre 11 000 F CFA ».
Aux dires de M. Sidibé, ce n’est pas normal de vendre le gaz au-delà de ces prix. A la question de savoir pour quelle raison lui en tant que président, il n’a pas sensibilisé ses collègues contre la pratique des prix illicites ? « Quand je provoque une réunion en appelant 100 à 70 personnes, je ne vois que 4 à 5 d’entre elles. Pourtant, il est extrêmement important de se concerter pour agir collégialement. C’est très difficile, chacun travaille pour des profits effrénés. Ils ne comprennent pas que tout le monde peut avoir besoin du gaz y compris nos parents. S’il y a une telle flambée injustifiée, comment ceux-ci vont-ils faire ? Quand le gaz va mieux, l’environnement ira mieux puisque le bois va moins souffrir », juge M. Sidibé
Désengagement de l’Etat
L’Etat, à travers le ministère de l’Economie et des Finances, s’est désengagé du secteur gazier depuis le 1er juin 2022 après plus de 40 ans de présence. A cause des difficultés financières l’empêchant d’honorer ses engagements vis-à-vis des importateurs de gaz, il a suspendu sa subvention une bonne fois pour toute. Ainsi le prix subventionné de la bonbonne de 6,5kg qui était de 2910 F CFA n’est plus pratiqué. Il a été accordé aux opérateurs gaziers la liberté de vendre leur gaz au prix de revient du marché international plus leur marge bénéficiaire.
Pour Birama Yattassaye, ancien président de l’Association
Birama Yattassaye, ancien président des distributeurs de gaz
des distributeurs de gaz, la question est très sensible. Mais tout compte fait selon lui, la bouteille de 6,5 kg doit être vendu au plus au prix de 6 5000 F CFA parce que les distributeurs vendent aux revendeurs entre 5 500 à 6 000 F CFA la bonbonne de 6,5kg.
« La complexité de la question réside au fait que les Centres emplisseurs n’ont plus de prix uniformes. Ensuite beaucoup de ces Centres ont mis la clé sous le paillasson eu égard à la crise ambiante. Pour remplir une vingtaine ou cinquantaine de bouteilles de gaz, il faut les trimballer à la recherche de moyens de transport. Les frais de revient sont intenables, ça devient la croix et la bannière pour le commerçant. Toutes les charges retombent sur le consommateur final, qui est obligé d’y faire face », témoigne M. Yattassaye.
L’ex-président des distributeurs de gaz, un sexagénaire qui a exercé dans ce domaine pendant plus de 4 décennies, pense que l’abandon de la subvention greffé à la crise internationale où le prix du gaz est monté en flèche, est la conséquence logique des déboires des personnes qui dépendent du gaz pour cuisiner.
« C’est vrai qu’il y avait des problèmes de trésorerie à l’Etat qui a précipité la fin de la subvention. Mais il faut trouver un mécanisme de financement pour réinstaurer la subvention. Si le gaz coûte moins cher dans les pays voisins (Sénégal, Burkina Faso, Côte d’Ivoire) où les 6,5kg ne coûtent que 2000 F CFA ou moins dans certains de ces pays, c’est parce que leurs Etats ont mis en place une politique de financement du secteur gazier en mettant sur place un fonds appelé fonds gaz. On peut faire la même chose au Mali comme c’est le cas de l’éclairage public que tous les abonnés de l’EDM paient sans s’en rendre compte », affirme M. Yattassaye.